jeudi 28 avril 2011

La crise du milieu de vie - Lisbeth Von Benedek



Voici un ouvrage qui pourrait inspirer méfiance avec son titre aguicheur et le thème que l'on a vu, revu et rerevu ...on m'a offert cet ouvrage et j'ai eu cette appréhension. Finalement, ce livre mérite qu'on dépasse l'à-priori et même si le sujet est abordé de manière délibérément simple, l'approche est plutôt neuve et le regard "jungien" de l'auteur rappelle à des perspectives profondes.





L'auteur (présentation officielle) 

Lisbeth von Benedek, docteur en psychologie, est psychanalyste didacticienne de la SFPA (Institut C.-G. JUNG, France). Elle a été responsable, pendant une vingtaine d'années, de l'enseignement de la psychologie clinique et de l'introduction à la psychanalyse à l'Université Paris XIII.



Sommaire de l'ouvrage
Chapitre 1 : Qu'avons nous fait de notre vie ? (un bilan inévitable,...)
Chapitre 2 : Adieu à l'adolescence éternel (accepter de vieillie, ...)
Chapitre 3 : Le temps qui passe (vivre un sentiment d'abandon, ...)
Chapitre 4 : Les masques tombent (paraître ou être,...)
Chapitre 5 : Bonjour les complexes (les obstacles intérieurs,...)
Chapitre 6 : Rendez-vous inévitable avec la dépression (un phénomène naturel, ...)
Chapitre 7 : Face à face avec l'étranger en nous (l'Ombre,...)
Chapitre 8 : Enceint de soi (le moment juste,...)

Avis personnel
Très facile à lire, cet ouvrage traite de cette période charnière de la vie avec intelligence. L'auteur a délibérément choisi d'être pratique, avec des petits exercices sous formes de questionnements à la fin de chaque chapitre...s'il peut paraître fastidieux de les faire, ils présentent néanmoins le mérite d'éveiller la curiosité, de pousser le lecteur dans ses retranchements (les questions sur le papier ne peuvent plus être ignorées consciemment). 
L'approche jungienne présentée dans le livre est résolument optimiste et donne subitement envie au lecteur dans la quarantaine de réévaluer ses priorités...


Petits extraits

La crise du milieu de vie est également une des crises de crois­sance'. Elle est au moins aussi importante que celle de l'adoles­cence, comme si ces deux moments charnières de notre vie se faisaient face, symbolisant deux portes d'entrée : l'une vers notre identité sociale, élaborée au contact du monde extérieur et l'autre vers une identité plus complète, conquise par la confrontation avec notre monde interne.

Nous avons compris que la dépression n'est pas seulement cette dynamique qui nous oblige à revivre nos traumatismes antérieurs, elle exige également une descente pénible vers la matrice, « la mère originelle », racine de notre être, d'où l'on peut renaître ensuite. Cette régression, cet état de déstabilisation et de grande insécurité, est donc le prix à payer pour pouvoir se séparer de l'illusion de for­mer une unité toute-puissante avec une personne par laquelle nous nous sentons « magiquement » protégés1. S'en différencier enclen­che un processus de métamorphose qui nous permettra de devenir un être humain à part entière.

Prenant conscience de cette ombre, nous découvrirons qu'elle est une partie incontournable de notre personnalité ; l'affronter nous permettra de nous accomplir. Chaque nouvelle prise de conscience sera un pas en avant sur un chemin difficile et semé d'obstacles, car nous n'en finissons pas de nous confronter avec l'ombre. Tant que nous sommes vivants, elle nous poursuit : une fois une confrontation résolue, une autre émerge. Ainsi, à chaque étape de notre évolution, nous avons à « saluer » une autre part contraire de nous-mêmes. 

dimanche 24 avril 2011

[Documentaire] Monastère, M Vig et la nonne


Monsieur Vig et soeur Ambrosia...le titre d'un conte de fée, et si cet émouvant documentaire n'en était finalement pas si loin ? Je l'ai découvert par hasard lors d'une crise d'insomnie sur Arte et j'avoue avoir été assez bouleversé par l'humanité qui est dégagée.

Vig est un vieux monsieur, très vieux monsieur, à la respiration sifflante au moindre effort qui, pourtant, ne s'épargne pas beaucoup physiquement. En effet, son projet qu'il nourrit depuis 40 ans va prendre enfin forme : établir dans son château (en ruine), au fin fond de la province danoise, une communauté monastique orthodoxe. C'est que cet ancien théologien, comme tout homme qui sent la mort s'approcher, désire ardemment laisser une trace durable...alors, il brique l'escalier, dépoussière les pièces de son manoir qui n'ont vu que lui depuis plusieurs décennies, enlève les décors bouddhistes qu'il affectionne...il prépare l'arrivée d'un petit groupe de nonne, dirigée par l'exigeante soeur Ambrosia.

Au fil de ce surprenant documentaire, on découvre graduellement ces deux protagonistes, leurs querelles, leur compromis...et on s'émeut forcément en plongeant dans les confidences de Vig, qui se déclare lui-même, avec une troublant lucidité, "handicapé des sentiments". 
La fin du documentaire, en particulier, ne pourra pas vous laisser indifférent.
Bref, j'ai trouve le lien officiel pour visionner ce documentaire, cela ne durera que quelques jours...

Bon visionnage,
Jean

lundi 18 avril 2011

Archétype (1) - Présentation générale (et succincte)

On croit souvent que le terme "archétype" désigne des images ou des motifs mythologiques définis. Mais ceux-ci ne sont rien autre que des représentations conscientes : il serait absurde de supposer que des représentations aussi variables puissent être transmises en héritage...
L'archétype réside dans la tendance à nous représenter de tels motifs, représentation qui peut varier considérablement dans les détails, sans perdre son schème fondamental.
C.G. Jung " L'homme et ses symboles ", Robert Laffont, 1964 p 67.

L'archétype est probablement une des clefs de voûte de la psychologie analytique. 
Le terme, en passant dans le langage populaire, a naturellement perdu son sens original et il devient d'autant plus nécessaire d'encadrer précisément cette notion. 
Jung le décrit comme un "concept limite", puisqu'il ne peut être appréhendé qu'aux travers de ses effets et non de son "essence".
Lorsque je parle de l’atome, c’est du modèle que l’on en a construit que je parle ; et lorsque je parle de l’archétype, c’est de ses représentations qu’il s’agit, jamais de la chose en elle-même qui, dans les deux cas, reste un mystère relevant de la transcendance.
C. G. Jung, Correspondance 1950-1954, Paris, Albin Michel, 1992, p.108.

Dans cet extrait d'une lettre de Jung de 1957, on trouve une des définitions les plus concises que l'on puisse dresser de l'archétype : 

Les archétypes sont les formes instinctives de représentation mentale.

  • formes instinctives : Ils sont naturels car, d'après Jung, inscrit depuis toujours dans le vivant. C'est pourquoi ces "instincts" appartiennent à l'humanité entière et ne répondent pas aux contraintes temporelles ou spatiales (partout, à tout moment).
  •  représentation mentale : L'archétype lui-même n'est pas directement accessible à l'expérience mais ils sont la source des mythes, des "grands" symboles, etc. C'est "une forme symbolique qui entre en fonction partout où n'existe encore aucun concept conscient" (Jung in Types psychologiques).
Une lecture dont nous ne retrouvons plus la source citait cette belle métaphore pour exprimer l'idée des représentations archétypales : ce sont les empreintes de pas d'éléphant dans la forêt.
Les empreintes sont là, tangibles, visibles par tous, elles trahissent la présence des pachydermes mais eux, demeurent toujours invisibles.
Il me semble important de retenir que les archétypes sont des "préformes vides" que des images, symboles, représentations vont cristalliser.
Comme le relève la dernière phrase de Jung citée, l'archétype éclaire ce que la conscience n'a pas encore touché.


 L'arbre de vie : tout savoir sur ce symbole porte-bonheur • Chakras Shop

Il est parfois mentionné que l'archétype est à l'inconscient collectif ce que le complexe est à l'inconscient personnel...pourquoi pas mais cela paraît un peu simpliste, tout étant interpénétré dans la psyché. 

Quoi qu'il en soit, relevant de l'inconscient collectif, il est aisé de réaliser que leur "charge énergétique psychique" (la libido) est immense, démesurée, en particulier si on la ramène à l'échelle d'un individu.
Jung mentionne, à l'instar de "l'effet de gravité" de l'étoile sur les planètes, une force d'attraction incoercible de l'archétype sur le moi.
La rencontre avec un archétype n'est jamais anodin ni sans danger !
Le terme de numineux (du numen d'Otto dans son ouvrage sur le sacré, voir ici) lui est attribué.

L'expérience archétypique est une expérience intense et bouleversante. Il nous est facile de parler aussi tranquillement des archétypes, mais se trouver réellement confronté à eux est une toute autre affaire. La différence est la même qu'entre le fait de parler d'un lion et celui de devoir l'affronter. Affronter un lion constitue une expérience intense et effrayante, qui peut marquer durablement la personnalité.

Jung, Sur l'interprétation des rêves.
Les représentations archétypiques sont des symboles "vivants", qui laissent pressentir à la conscience la nature de sa totalité...le symbole est en effet, dans l'acception jungienne, l'outil puissant et singulier à chacun sur la voie de l'individuation.
Pourquoi ?
Parce que c'est le seul qui contient en lui la conjonction d'opposés qui semblent, en apparence, inconciliables.


Au cours de la vie, au fil du cheminement intérieur, les archétypes jouent un rôle prépondérant et décisif pour un individu en construction.

vendredi 15 avril 2011

The Carl Jung's show - Jung à la télé

Voici un document connu mais toujours intéressant, sous-titré en français ce qui ne gâche rien; ce sont aussi les dernières images télévisées de Carl Jung de son vivant. Le coeur de cette vidéo est une interview de 1959 par la BBC. Je trouve qu'il y a, parmi les lieux communs et questions journalistiques "incontournables", des passages révélateurs, où Jung dévoile des implications profondes de certains de ces concepts...comme la dualité bien/mal, la mort, etc



Documentaire qui date de la fin des années 80, avec une participation du jeune Michel Cazenave qui fera la carrière que connaissent les amateurs de Jung. Vous avez ici deux possibilités : les six parties disposées sur Youtube, que vous pouvez voir ici ou directement sur le site en plus grand et les liens vers dailymotion avec une numérisation de meilleure facture. Sur ce dernier site, j'ai été attiré par les commentaires qui témoignent du lien qui unit le psychologue à ceux qui se sont penchés sur son oeuvre.
Bon visionnage à ceux qui découvrent et aux autres !

Jean








dimanche 10 avril 2011

Fonctions psychologiques (7) - La fonction intuition

Continuons l'approche débutée ici.
Cette fonction mérite un article spécifique, car elle est probablement la plus délicate à saisir et à définir, échappant à tout encadrement purement intellectuel. 
Qualifiée d'irrationnelle par Jung, comme la fonction sensation, c'est une fonction perceptive qui ne répond pas à une loi de la raison mais pourrait s'apparenter à celle de l'impression
Fonction très singulière qui donne une perception immédiate et directe des choses. La compréhension saisie par l'intuition est à la fois spontanée et non réfléchie. Elle est le produit d'une inspiration et non d'un acte volontaire, tel un surgissement d'une profondeur hors de portée de la conscience.
D'ailleurs, selon Jung, l'intuition est la faculté la plus à même d'ouvrir le chemin vers l'inconscient. Comme nous allons le voir, c'est la dernière fonction qu'il ait réussi à déceler, étant convaincu pendant longtemps que les trois premières que nous avons décrit suffisaient à décrire toutes relations entre le sujet et l'objet.
 
La fonction intuition par son côté insaisissable, presque facétieux voire mystérieux, soulève bien des questions.
L'intuition arrive, telle la bulle de champagne remontant à la surface du verre, on sait qu'elle est là, présente, mais on ne sait jamais où elle va surgir ni sous quelle forme. Elle échappe aussi, la plupart du temps, à tout effort de volonté. 
Au mieux peut on être coopératif, à l'écoute...finalement, l’exercice le plus délicat et le plus périlleux (l'erreur et l'imprégnation du moi n'est jamais loin), est de réussir à rester à la fois ouvert à l'intuition et confiant quant à son existence, telle la conviction d'une potentialité, même si non contrôlable. Sans ces deux "dispositions" bien spécifiques, elle ne peut exister ou même avoir une raison d'être.
 
Intuition - Seth Kahan's Visionary Leadership
 
Pour beaucoup de raison, le travail que l'on peut opérer avec l'intuition est très similaire à celui que l'on peut faire avec l'inconscient. Plus que toute autre fonction, une seule attitude semble efficace, "laisser advenir". Et de la même manière, cet effort soutenu de "mise à disposition et de coopération" doit être complété par un traitement, un saisissement par la conscience, de ce qu'il advient, sans quoi le processus est vain. 
Combien de fois avons nous pensé "si seulement j'avais écouté mon intuition" ?
Le leçon doit être double, comme bien souvent. Ne pas répéter l'erreur, et, le cas échéant, tirer le profit psychologique offert par la fonction intuition, celle de s'engager dans plus de proximité avec "l'autre en soi".
 
œuf cosmique | Œufs, Franc maconnerie, Maçonnerie


Terminons en laissant la plume à la personne la plus compétente pour parler de cette fonction, c'est son "découvreur" lui-même, dans le livre passionnant "Entretiens" édité par Fontaine de pierre (voir ici).
Remarquez, je ne savais rien de l'intuition alors. Elle est venue en dernier lieu parce que, bien entendu, c'est aussi la plus difficile. Parce qu'on ne peut pas bien la saisir, elle n'est pas rationnelle. Penser est rationnel, ou vouloir savoir ce qu'est une chose. Savoir ou apprendre la valeur que vous accordez à quelque chose est aussi de l'ordre du rationnel. Affirmer que quelque chose existe, ce que fait la sensation, est aussi assez rationnel en fait. Et ensuite ? Au-delà, voyez-vous, il n'y a rien, si bien que je déclare que nous avons trois fonctions. Et, précisément à ce moment-là, j'ai une patiente, une femme intelligente qui était très éveillée à certains égards, mais extrêmement névrosée. Un jour, elle m'a dit : « Pourquoi ne parlez-vous pas de l'intuition ? » J'ai répondu : « Qu'entendez-vous par intuition ? Ce n'est pas une fonction. ».
Elle ne faisait pas partie de mes trois fonctions, voyez-vous. Qu'est-ce que l'intuition, en fait ? C'est un pressentiment. Ce n'est rien. Comment pouvez-vous définir une intuition ? Soudain vous vous souvenez de quelque chose, vous prévoyez quelque chose que vous ne pouviez absolument pas prévoir. C'est complètement infondé, voyez-vous, infondé. Comment pouvez-vous savoir quelque chose à l'avance, personne ne sait rien à l'avance, c'est uniquement de la devinette.
Suite => Facteurs endopsychiques

Sommaire "Fonctions psychologiques" (Cliquer pour y parvenir)
1 - Approches préliminaires
2 - Différenciation
3 - Schémas
4 - Dynamique, individuation
5 - Fonction transcendante
6 - Aspect collectif
8 - Facteurs endopsychiques

dimanche 3 avril 2011

Le Livre Rouge - Une coquille ?

Pour le moment, nous n'allons pas entrer dans des considérations sur le contenu, ni même vraiment la forme.
Les petits détails, les petits riens, les petits tout en fait...qui nous projettent au delà des mots, au delà des concepts, qui nous entraînent sur des chemins où l'on a parfois le sentiment d'entendre résonner très proche les pas du père de la psychologie des profondeurs.
Pour des soucis de propriété éditorial, nous ne disposerons qu'un cliché de détail très précis de l'ouvrage, sans montrer la page d'ensemble.




Ouvrons le livre premier "Liber Primus".
Nous découvrons rapide ce qui semble être une erreur grossière.
Comme beaucoup savent, Jung rédigeait à la plume, en lettres gothiques et en suisse allemand son "Liber Novus".
Cependant, le morceau choisi ici est en latin, faisait partie de l'introduction.


Jung a ajouté deux lettres qui ne doivent pas être là.
Voulant écrire Plenum (signifiant, empli, plein, arrivé à sa maturité, etc), voici que l'on a ici Plenum[um].
Les crochets sont une correction de sa part.
Alors qu'il débutait la rédaction la plus importante de toute sa vie, qu'il rédigeait ses premières phrases, ses premiers mots, que l'on est donc en droit de penser que son implication était pleine, entière, concentrée, comment une erreur aussi grossière a t'elle pu être commise ?
La période de grande perturbation que traversait Jung à cette période (embourbé dans l'anathème freudien, en pleine auto analyse, confronté aux forces violentes et souterraines de son inconscient) peut elle tout expliquer ? 
Une fatigue passagère peut elle faire perdre le fil ?
Une facétie inconsciente, un petit clin d’œil de la part de lui-même auquel il se trouvait confronté, qui ne trouve signification que pour celui qui le vit ?
Et si, usons toutes les cordes, l'on écartait la possibilité d'erreur grossière et , à l'instar des procédés de certains occultistes et "ésotéristes", que Jung étudiait attentivement en cette période, il laissait derrière lui des petits cailloux, qu'il nous fallait apprendre à déchiffrer ?


Le Livre Rouge