samedi 7 août 2021

Archétype (2) - La persona


Jung la décrit ainsi : " la persona est ce que quelqu'un n'est pas en réalité, mais ce que lui-même et les autres pensent qu'il est " (Ma vie). 
Les autres m'apparaissent important pour la cerner car la construction de la persona ne se structure finalement que lorsque l'individu se confronte à l'autre. Et c'est aussi le regard "de et vers" l'autre qui peut nous en révéler la nature singulière.

Tentative de définition de la persona

Ce thème de la persona , en apparence simple à cerner, est en réalité bien délicat à appréhender dans sa teneur réelle, pour deux raisons :
  1. Jung, qui a édifié ce concept assez tôt, peu de temps après la rupture avec Freud, va le développer, à la marge, dans plusieurs ouvrages avant de finalement ne plus du tout le citer, au profit de l'Anima et Animus qui deviendra son thème de prédilection.
  2. La Persona ne répond pas précisément à la nature d'un archétype, ni à celle d'un élément personnel. Qualifier la persona comme archétype est la confusion classique entre l'archétype et la représentation archétypale.
La persona est en fait un attribut du "moi" au service de processus archétypiques.


Persona à la frontière 
de la conscience et de l'inconscient

La persona est souvent représentée comme un simple masque, interface vital de l'individu face aux autres, au groupe, à la société. 

Pour simplifier, disons que c'est la face éclairée et visible de notre être "sociabilisé"..
Quels sont nos dispositions intérieures et que montrons nous, seuls à la maison, entre amis, avec les collègues, avec notre partenaire de vie, avec les personnes en qui nous reconnaissons une autorité, etc. ?
Une rapide introspection, honnête, nous révèle une palette variée d'attitudes, plus ou moins naturelles. 
Serions nous schizophrènes ?
Evidemment non.

La Persona témoigne de la façon dont le moi vit ses tensions relationnelles !

L'ombre non int
égrée, les failles narcissiques, les complexes autonomes, les conflits des opposés, viennent buter contre elle ou s'en saisir. Elle impose le personnage qu'elle joue à son insu, sacrifiant le moi réel qu'elle croit représenter.  
En cela, finalement, la persona serait alors la fonction qui permettrait au moi de se présenter aux objets externes et d'entrer en relation avec eux, tout en tenant compte de ses objets internes.

La juste place de la Persona

La persona est indispensable ! 
Sans elle, nous sommes d'une grande vulnérabilité et totalement inadapté sur un plan social.
Le danger classique est de s'identifier, tout entier, à elle
C'est un cas assez classique et très confortable que d'accepter comme "soi fini" cette "construction sociale". Ce faisant, nous dénions notre nature profonde, réelle, authentique, qui saura, de gré ou de force, remonter à la surface. 
Dans le champ de la psyché, toute forme d'illusion, entretenue ou spontanée, consciente ou non, créée un point de rupture dans l'écoulement de la libido, qui doit être résolu à un moment ou un autre.
La considération, en conscience, des manifestations de la persona est donc un des outils majeurs dans la voie de l'individuation.


Le travail avec la Persona

Le travail laborieux qui permet la différenciation, opère selon plusieurs phases :
  1. la "re-connaissance" des manifestations de la persona en fonction des circonstances,
  2. l'identification de ce qui en est à la source (pourquoi telle attitude avec telle personne ?),
  3. Cette identification, prémisse de la différenciation, va finalement "consteller" des contenus des profondeurs comme l'Anima/us.
C'est donc un travail aussi essentiel, et très souvent parallèle, à celui que l'on opère sur l'Ombre.

Tout comme la persona est la fonction de relation du moi aux objets externes, l'anima/us est la fonction de relation aux objets internes. Elles ont l'une vis-à-vis de l'autre un rapport de complémentarité.
L'identification du moi à l'une ou l'autre fonction maintient "l'autre" dans l'inconscient.

Le moi, en tant que porteur du masque, ne doit pas oublier l'importance de la face interne.

Il est tellement aisé de s'identifier à celle qui est la plus sollicitée par le collectif.
Dans le processus d'individuation, il y a comme un "quelque chose " qui rend le masque de plus en plus léger : les traits externes deviennent toujours plus homologues à ceux de l'intérieur.
Le masque deviendra plus léger et plus élastique, par conséquent moins rigide, plus facile à endosser, et à porter avec naturel parmi les autres.
Il deviendra en fait une véritable protection dans toutes les circonstances de la vie, sans jamais empêcher les principes de vie de s'exprimer.

Les archétypes

8 commentaires:

Ariaga a dit…

Nous serions bien nu sans le vêtement de la Persona. amitiés.

Benoit Mouroux a dit…

En effet, l'âme prendrait vite froid sans elle.

Amitiés

Lilou a dit…

Le masque devient notre allié dès que nous savons le mettre et l'enlever..
C'est une manière de conjuguer " je suis" au présent en liant Etre et suivre.

Voilà les mots qui se sont posés spontanémént après avoir lu cet article passionnant..
Merci de ce partage.

Benoit Mouroux a dit…

C'est moi qui doit remercier pour cette synthèse si claire et légère...
Merci donc

Kélilan a dit…

Bonsoir Jean,

En lisant l'Introduction du Livre Rouge, je suis tombé sur cette phrase, page 208 colonne gauche au milieu, à propos de la Personna :

"Il s'agit d'un segment de psyché collective attribué, par erreur, à l'individu."

Je dois dire que je ne saisis pas bien ce "par erreur" et ça me turlupine, d'autant plus que je n'ai pas trouvé de secours dans les quelques livres de et sur Jung en ma possession ainsi que dans le Dictionnaire Jung.

Pourriez-vous m'éclairer sur le sens de cette phrase d'après vous ?...

Merci :)
Stéphane

Benoit Mouroux a dit…

Bonsoir Stéphane,

Tout d'abord, je vous félicite d'avoir franchi le cap et acheter cet ouvrage si particulier...je pense que l'aspect graphique devrait particulièrement vous séduire (le reste n'appartient qu'à vous seul).

Selon moi, puisque vous mentionnez la note d'éditeur, cela signifie que l'on associe naturellement la persona à l'individu alors qu'elle est du domaine de l'impersonnel. Dire, "c'est l'image de moi que je fournis aux autres" n'est pas la réalité complète...et pourtant ce qui est souvent admis comme tel.
La persona est le sas entre deux profondeurs de l'inconscient.
C'est ce que je précisais dans mon billet par "attribut du moi au service de processus archétypiques"...comme c'est une notion hautement subtile, il existe plusieurs voie "d'interprétation". Pour le commentateur du Livre Rouge, nous sommes pleinement dans le collectif, je serais personnellement moins catégorique.

Amitiés,
Jean

Anonyme a dit…

Le masque est générateur d'illusions, quitter l'illusion pour le réel fait tomber de très haut et ça fait très mal mais c'est le seul moyen de ne pas dévier et partir dans le délire

Psyché

Anonyme a dit…

Bien sûr ensuite il faut accepter cette réalité c'est la deuxième étape pour ne pas dévier dans le délire.

Psyché