vendredi 28 juillet 2023

Hic Rhodus, hic salta !

Les professionnels RH sont-ils en manque de visibilité ...

Il est bien connu que l'être humain a une propension à désirer ce qu'il croit être un manque plutôt que de se satisfaire de ce qu'il possède. Tiraillé par le passé, fébrile à l'idée d'un futur, l'activité mentale provoque un sabotage de l’ici et du maintenant. Pire, cet état est considéré comme "normal".

Captifs de fantômes...

Finalement, se laisser ballotter par ce désir d'ailleurs et d'autre moment, c'est entretenir une tension insupportable avec notre condition réelle d'existence

Il est vrai que le mode de vie contemporain n'aide pas, le présent n'a plus guère la place pour exister.

Le passé, propriété sure et personnelle, devient un avoir, non un être. Paradoxalement, je m'identifie à lui...absurdité ! 
Le présent est effrayant parce qu'il nécessite de mourir à chaque instant au passé
Quant à l'incessant "je serai", la projection dans un futur qui ne vient jamais, quête d'idéal inatteignable, constamment renouvelée par la peur irrationnelle de vivre le présent, est également un déni, une forfaiture au regard de la vie.
Si tu veux prédire le futur, construis le,  si tu te contentes de le penser, tu entretiens un jeu mortifère.

...dans une société malade...

Force est de constater que cette instinct de fuite est fortement entretenu par des conditions externes propices à des pressions internes :
  • Une société et ses "gouvernants" malades, perdant tous repères de valeur, de principe, nourrissant l'individualité au détriment de l'individu (voir ici),
  • Des médias d'information qui n'informent plus, se contentant de jouer sur les charges émotionnelles, levier d'une audience basée sur le viscéral à défaut du cérébral,
  • Des réseaux sociaux, qui portent si mal leur nom, appelant l'instantanéité, l'orgueil, le chacun pour soi...réseaux de cellules isolées qui oublient qu'elles appartiennent à la même entité,
  • Couronnant la pyramide de Maslow, une spiritualité devenue business, faisant muter la périlleuse quête intérieure en une ballade prêt-à-porter au parfum souvent bien lointain de nos rivages natifs.

...toujours en capacité de se libérer.

Mes contraintes quotidiennes me prouvèrent, jour après jour, que j'existais réellement et que je n'étais pas seulement une feuille ballottée au gré des vents de l'esprit, comme un Niezsche. Nietzsche avait perdu le contact avec le sol sous ses pieds parce qu'il ne possédait rien d'autre que le monde intérieur de ses pensées - qui d'ailleurs, possédait plus Nietzsche que lui-même ne le possédait. Il était déraciné et planait sur la terre, et c'est pourquoi il fut victime de l'exagération et de l'irréalité. Cette irréalité était pour moi le comble de l'abomination. Car ce que j'avais en vue, c'étaient ce monde-ci et cette vie-ci. Quelque ballotté et perdu dans mes pensées que je fusse, je ne perdais cependant jamais de vue que toute cette expérience à quoi je me livrais concernait ma vie réelle, dont je m'efforçais de parcourir le domaine et d'accomplir le sens. Ma devise était "Hic Rhodus, hic salta". (C'est ici Rhodes, c'est ici que tu dois danser).
Jung, Ma vie, p304
La conscience, qui reconnait et distingue sans faille les illusions, peut devenir témoin et permettre d'entamer la libération. 
Tout est à portée de main avec une facilité si déconcertante qu'on en arrive, une fois le chemin entamé, à se demander comment nous ne l'avions pas vu.
« nous sommes faits pour amener tous les mystères au grand jour, en qualité de ministres de l'éternelle source de la lumière » 
Louis-Claude de Saint-Martin, Ministère de l'Homme Esprit p. 280

 Vous préparez le café le matin, regardez l'eau couler dans la verseuse, apprécier le bruit, les miroitements, la teinte des premières gouttes du breuvage qui s'écoule...sur la route, amusez vous à repérer les défauts des carrosseries des voitures voisines, la couleur des panneaux publicitaires, le visage des conducteurs dans la file d'attente...au travail, concentrez vous sur les tâches anodines et ennuyeuses comme si elles étaient cruciales, accordez vous des pauses pour respirer, sentir votre corps, faire un sourire à vos collègues. 

Source de quiétude, baume révélant les illusions du passé, apaisant toute crainte du futur, la présence à l'instant, en conscience, est à la fois d'un accès immédiat, inconditionnel et difficile à maintenir dans la continuité...mais est ce nécessaire ?

Alors, amis lecteurs, suspendez tout, pour cette seconde, à cette endroit, 

Hic Rhodus, hic salta !

samedi 15 juillet 2023

Rencontre du sacré


Lorsque l'on rencontre le sacré, on rencontre sa dimension intérieure, avec l'aspiration qu'elle comporte si souvent à la lumière et au Bien, et on est confronté à la réalité du Mal.

Or, c'est une position originale de Jung : le mal existe et comme réalité « positive », si je peux me permettre ces mots. 

Tra­ditionnellement le mal a été défini comme une simple privation de bien, donc comme un néant. Alors que Jung, dans la lignée des religions à tendance "ésotérique", considère que nous devons prendre en compte une réalité qui existe en soi du mal.

D'une manière ou d'une autre, nous devons y être confrontés dans la pratique.

Dans une confrontation non structurée avec le sacré, qui peut se traduire par des bouffées délirantes, Jung prend dès 1935 une position originale proche de ce que défendra plus tard l'anti-psychiatrie. 
Il y voit un processus d'initiation et de découverte spirituelle qui n'arrive pas à s'exprimer, étant donné la forclusion du sacré dans la société actuelle. 

L'initiation, au sens étymologique du terme, est un chemin que l'on emprunte dans la découverte d'une vie spirituelle. La seule chose à faire pour le thérapeute est alors de laisser se dérouler le processus, en ne le considérant pas comme une pathologie dans son essence même, et d'accompagner le patient en le guidant vers la sortie de ce qu'il est en train de vivre. 

Cela est assez proche, à beaucoup d'égards, du voyage de l'âme des chamanes. La position extrêmement originale de l'analyste est qu'il s'implique totalement dans la situation qui lui est proposée. À la limite, il doit faire lui-même, avec son patient, ce chemin à travers le délire. Il doit prendre le mal à sa propre charge dans une sorte d'échange, de descente aux Enfers et de remontée.

Michel Cazenave - Jung et le religieux p32

dimanche 2 juillet 2023

Basarab NICOLESCU

Ce n'est pas un psychologue, mais voici un drôle de personnage...physicien quantique de renom (multiples publications officielles), philosophe et même, ce que peu savent, passionné de théosophie chrétienne (pour faire court, on peut la définir comme une manifestation d'une mystique personnelle).
Un homme très humble, d'origine roumaine, avec qui j'ai eu la chance d'échanger quelque peu par écrit.
Outre le fait que c'est également un passionné de la pensée de Jung, j'ai souhaité l'évoquer ici car il me semble que l'avenir et la construction des sciences, la contribution au sens que Jung évoque à la fin de son autobiographie, passeront par de tels personnages.

Si on devait qualifier Nicolescu : ouverture, rigueur, explorateur.

Fort de ses compétences scientifiques, il a rapidement compris que LA science ne pouvait s'arrêter sur des postulats et des formalisations mathématiques. Selon lui, on ne peut plus écarter du champ de la science des disciplines aussi essentielles que la psychologie, l'art, les religions, etc
Il devient non seulement nécessaire de les intégrer, mais, surtout, de travailler de travailler entre les disciplines, à travers les disciplines et dans une perspective au-delà de toute discipline, c'est la transdisciplinarité, il est co-fondateur du Centre International.

La transdisciplinarité est définie par Basarab Nicolescu par trois postulats méthodologiques : l'existence de niveaux de réalité et de perception, la logique du tiers inclus et la complexité.
La transdisciplinarité se distingue ainsi de la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité en ce sens qu’elle déborde les disciplines d’une part, mais surtout d’autre part que sa finalité ne reste pas inscrite dans la recherche disciplinaire proprement dite...

Pour ne rien gâcher, c'est un fin connaisseur de la pensée de Jung, notamment chercheur sur la synchronicité.

Découvrir Nicolescu en vidéo.