![]() |
Abel et Caïn |
Qu'est ce que le sacrifice ? Et de mes propres sacrifices ? Le sacrifice est il toujours contraint ? N'est il que source de douleurs et souffrances ? Peut il être consenti ?
Autant de questions qui me taraudent depuis longtemps et, je dois admettre que les outils fournis par la psychologie jungienne m'ont permis de démêler beaucoup de choses et d'éclairer mes incompréhensions...petit partage.
Sur un plan étymologique (sacrificium), le sacrifice est un acte reliant à la divinité.
A notre époque, où la mort ritualisée en offrande aux Dieux ne représentent plus qu'une pratique archaïque (et barbare car absolument plus comprise) de nos ancêtres très (trop ?) éloignés, cette acception a totalement disparu au profit de celle d'un arrachement forcé et contraint par des évènements extérieurs...surprenant de constater un tel grand écart !
Et pourtant, les sages de toutes cultures savent que la peur et le repli sur son moi (je suis convaincu que les deux sont indissociables) sclérosent toutes avancées spirituelles, alors ? avancer vers Dieu signifie t'il toujours la mort de l'intégrité passée qui nous rassurait tant ? il semblerait bien que oui et la pensée de Jung précise même que ces arrachements ne seront productifs que s'ils sont "accompagnés", acceptés résolument et sereinement...sereinement car il nous faut reconnaître notre subordination à quelque chose qui nous dépasse et nous dépassera toujours et qui, pourtant, est le cœur réel de notre être, le Soi (approche ici).
Le sacrifice ou l’ouverture au sacré ne se fait que par lentes étapes et inclut le renoncement conscient en vue d’une métamorphose. Sur la voie de l'individuation, la plongée intérieure ne peut que s'opérer par couches successives, telle l'archéologie, et chaque profondeur oblige à une confrontation toujours plus délicate jusqu'à l'éclat brûlant du numinosum, le regard des "Dieux".
Le sacrifice à l'œuvre dans la conquête du Soi ne crée aucune frustration car il répond à une dialectique qu'exige la nature de l'homme. Il est encore moins castration car la participation volontaire du moi est nécessaire. Dans les racines de la conscience (billet ultérieur en préparation), Jung traite de la transsubstantiation (conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ lors de l'Eucharitstie) qui est sacrifice ultime, Dieu comme sacrifié et sacrificateur pour la rédemption du genre humain, la conscientisation de Dieu dans l'homme et de l'homme vers le Soi.
Pour terminer, une citation des "Métamorphose de l'âme et ses symboles" comme un clin d'oeil. En effet, en rédigeant cet oeuvre, Jung savait qu'il signait l'arrêt de mort de sa relation à Freud qui allait induire tant de changements dans sa vie sociale et intérieure...un pur sacrifice en somme.
" Ce que l’audace des hommes découvre par spéculation sur l’essence du monde phénoménal , à savoir la ronde des étoiles et l’histoire universelle humaine sont l’illustration substantielle d’un rêve divin appliqué au drame intérieur , cela devient probabilité scientifique . L’essentiel du drame mythique ce n’est pas le concrétisme des personnages , autrement dit , il importe peu que soit sacrifié tel ou tel animal ou représenté tel ou tel dieu ; l’important , c’est uniquement qu’un sacrifice ait lieu , c’est-à-dire que se produise dans l’inconscient un processus de métamorphose dont la dynamique , dont les contenus et le sujet sont eux-mêmes inconscients , mais se révèlent indirectement à la conscience parce qu’ils stimulent le matériel représentatif à sa disposition et s’en revêtent en quelque sorte comme des danseurs de peaux de bêtes et les prêtres de la peau des hommes sacrifiés "