Système du monde entier «C’est le premier mandala que j’ai réalisé, en 1916,complètement inconscient de ce qu’il signifiait.» |
Ce mandala, précurseur de la série qui allait illustrer le cheminement intérieur de Carl Jung, a été conçu lors de l'inspiration qui a abouti au fameux Sept sermons aux morts, écrits dont il y aurait tellement à dire, tant sur son profond décalage avec le reste de son œuvre que sur les révélations personnelles exprimées qui ont guidées le psychologue toute sa vie durant.
La première publication de cette figure, anonyme à cette occasion, date de 1955 (Jung avait alors tout juste 80 ans).
Le commentaire de la figure était fourni par l'auteur lui-même.
Nous avons ajouté en astérisque quelques annotations complémentaires.
«Il représente le paradoxe que constitue un microcosme à l’intérieur d’un macrocosme, et ce qui les oppose. Tout en haut, on peut voir la figure du jeune garçon dans l’œuf ailé; appelé Erikèpaios ou Phanès, en tant que créature spirituelle, il rappelle des dieux orphiques*. Sa sombre figure antithétique dans les profondeurs des Enfers est ici désignée comme Abraxas.Représentant le «dominus mundi», maître du monde physique, c’est un créateur de nature ambivalente. De son corps jaillit l’arbre de vie portant l’inscription «vita» (la vie) auquel fait pendant, dans la partie supérieure, un arbre lumineux ayant la forme d’un candélabre à sept branches et désigné par les mots «ignis» (le feu) et «Eros» (l’amour).Sa lumière est dirigée vers le monde spirituel de l’Enfant divin.
L’art et la science appartiennent également à ce royaume spirituel, l’art étant représenté sous la forme d’un serpent ailé et la science sous celle d’une souris, elle aussi ailée (symbole d’une activité qui creuse des trous!). – Le candélabre est basé sur le principe du trois**, chiffre sacré (deux fois trois flammes et une grande flamme au centre), tandis que le monde inférieur d’Abraxas est caractérisé par le chiffre symbolisant l’Homme naturel, le cinq*** (son étoile comptant deux fois cinq branches).
Les animaux accompagnant le monde naturel sont un monstre diabolique et une larve. Cette dernière symbolise la mort et la renaissance.
Le mandala est également divisé à l’horizontale. Sur la gauche, d’une sphère interne symbolisant le corps ou le sang, surgit un serpent qui s’enroule autour du phallus, en tant que principe générateur****.Le serpent, sombre et lumineux, fait allusion au royaume ténébreux de la Terre, de la Lune, et du Vide (et est, par conséquent, appelé Satan).
Le resplendissant royaume de la plénitude se trouve sur la droite, là où la colombe du Saint-Esprit s’envole du cercle lumineux «frigus sive amor dei» [froid, ou l’amour de Dieu] tandis que la sagesse (Sophia) se déverse sur la gauche et sur la droite d’un double calice – Cette sphère féminine est celle du Ciel. – La sphère la plus grande, caractérisée par des lignes en zigzag ou rayons, représente un soleil intérieur; dans cette sphère, le macrocosme est encore une fois reproduit – le haut et le bas étant toutefois inversés,comme dans un miroir.
Ce macrocosme se répète à l’infini, son image devenant toujours plus petite, jusqu’à ce que le centre le plus intime – le microcosme proprement dit – soit atteint.»
*L'orphisme est un mouvement religieux de la Grèce antique, aux courant multiples et complexes, dont la croyance fondatrice est la double origine de l'homme (divine et des Titans, créatures puissantes, "telluriques")
**Le trois est associé au principe, l'unité sortant d'une dynamique (les opposés 2 et le troisième terme 1)
***Voir l'homme de Vitruve de De Vinci
****Caducée, très forte symbolique, on s'étonne que Jung ne s'y attarde pas, est ce volontaire ?