vendredi 15 septembre 2023

Une définition du bonheur ?


          
S'il est bien une donnée insaisissable, c'est la définition du bonheur...plénitude de l'instant pour certains, réalisation de l'être pour d'autres. Cette définition revêt un caractère singulier à chacun, bâti sur un parcours de vie et la capacité de considération du monde, du "autre"  (voir à ce sujet, les fonctions psychologiques)
La philosophie, qui s'est beaucoup nourrie de ce thème, a élaboré des propositions. En voici une ébauche personnelle.
 
Hédonisme versus eudémonisme
 
 L'hédonisme ( (du grec ancien : ἡδονή / hēdonḗ, « plaisir » et du suffixe -ισμός / -ismós) est souvent assimilé à la recherche de satisfactions personnelles. Trop simpliste !
L'hédonisme est une voie philosophique menant au bonheur par la quête du plaisir dont une condition primordial réside dans l'évitement des sources de déplaisirs. Et le plaisir n'est pas restreint aux sens (comme dans l'épicurisme par exemple) mais s'étend aussi au contentement intellectuel, à la saveur d'une sérénité de l'instant, etc.
Bien qu'attaché au développement personnel de l'individu, cette voie nécessite une connaissance fine et profonde de soi, du monde et des autres.
 
Souvent mis en opposition, l'eudémonisme (Du grec ancien εὐδαιμονισμός / eudaimonismos, « souhait de bonheur », dérivé de εὐδαίμων /eudaímôn, « bon génie ») est la pensée philosophique qui place comme principe premier de la vie humaine, c'est à dire principe qui va conduire à tous les autres, la recherche du bonheur...à cette fin, la raison, dans son acception antique attachée à la vertu, l'éthique ou la morale, est le seul guide fiable.
En terme contemporain, on pourrait dire que l'eudémonisme permet de nourrir le juste et le vertueux, ou, plus directement, d'édifier un sens à la vie.
 
 
On notera, pour l'anecdote dans le ton de ce blog, que le couple hédonisme/eudémonisme présente des similitudes avec celui de l'extraversion/introversion.
 
 
Égoïsme versus altruisme ?
 
Au risque du simplisme, l'enjeu placé au sein du couple de l'hédonisme et de  l'eudémonisme ne peut il pas se rapprocher de  celui qui oppose l'égoïsme "je satisfais ma personne" et l'altruisme "je me construis en intégrant le monde" ?
 
"Un troisième terme", un "tiers inclus" est exprimé, à plusieurs reprises, dans les écritures* :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même !
 
Société versus individu
 
Depuis quelque temps, j'entends beaucoup de choses sur l'altruisme, à commencer par la sortie récente de l'essai remarqué de Matthieu Ricard (Plaidoyer pour l'altruisme, aux éditions Nil, 2014)...
Je lisais récemment un article sur une recherche médicale qui conclut que l'altruisme (que le rédacteur associe ouvertement à l'eudémonisme) se traduirait par un terrain génétique résistant face aux maladies...évidemment, les hédonistes/égoïstes posséderaient eux des gènes plus favorables à la venue de maladies.
Le message du collectif, en somme, est : 
"Soyez bons et vous serez en bonne santé et heureux !"
Mais qui peut donner ce qu'il ne possède pas ?
 
Le bonheur, 
une quête de soi qui conduit à l'autre
 
Les propositions de Jung ont ceci de séduisantes qu'elles traduisent l'appel de la vie et ne tombent dans aucun consensus, morale, convention ou éthique sociale...c'est une libération de l'individu, qui va tenter de se dévoiler face à lui-même, donc de se re-connaître, trouvant en chemin la paix en soi, et réaliser qu'une source en lui nourrit tous les autres autour de lui...
Bien entendu, libre à chacun de trouver ses outils et/ou son Jung pour y parvenir, nous faisons impérativement avec qui nous sommes !
 
Aimons, oui, mais apprenons à nous aimer, pour comprendre et, enfin, aimer mieux !

 
*Lévitique 19v18
Romains 13, 8-10
Marc 12:31
Matthieu 22:37

samedi 9 septembre 2023

Archétype (12) - L'anima chez Jung - James Hillman - Partie 4


Quatrième et dernier volet autour du recensement de Hilman des attributs de cet archétype si particulier, sur la base des écrits de Jung.
Pour diverses raisons, certaines inhérentes au sujet même, il m'aura fallu plusieurs années (depuis 2012) pour achever ce résumé son travail incroyablement minutieux et ambitieux : tenter d'encadrer, de manière aussi exhaustive que possible, le concept de la psychologie jungienne ayant probablement le plus évolué durant la longue carrière de notre zurichois.

9- Anima et personnalité une

Jung définit l'anima comme image unique dans la psyché masculine alors que l'animus apparaît multiple dans la psyché féminine.
"L'incube de la femme est fait de plusieurs démons masculins et le succube de l'homme est un vampire" Dialectique du moi et de l'inconscient.
Jung postule une distinction d'ordre social et historique entre les types de rôle homme et femme. Il est vrai que c'est, chez lui, un trait habituel que de différencier l'esprit (animus) du pouvoir unificateur de l'eros (anima).
Hilman nous rappelle qu'en arrière plan de l’œuvre de Jung, se trouve continuellement interpellé l'ancienne controverse de l'unité et du multiple, écho, sur le plan thérapeutique, des notions de progression et régression.
Jung admet que la nature du Soi peut être considéré comme un "agrégat collectif de toutes les âmes individuelles"  et, citant Origène, "chacun de nous n'est pas un mais multiple".(C.W. 9 I § 675)

Comme "personnalité une" ou individualisée de l'âme, l'anima est le guide vers la totalité unifiée, anima naturaliter christiana, l'âme naturellement chrétienne

L'archétype nouménal anima n'est pas du domaine du connaissable mais ses images, phénoménales, sont naturellement multiples, comment alors conclure à une "personnalité une" ?

Il s'agit, écrit Hilman, d'écouter le couple d'anima qui occupe la position la plus élevé dans la psychologie de Jung, âme/Soi, anima/vieux Sage (Salomé et Elie-Philémon du Livre Rouge).
A travers "le regard par l’œil unifié" du Soi, l'anima trouve son fondement, son centre, son unité.

Non sans une certaine poésie, Hilman conclut : 
L'anima est la fonction qui donne de l'âme à la multiplicité. L'anima permet à ce qui est multiple, non de devenir un, mais de devenir materia pasychique.

10- Anima et Syzygie

Après toutes ces considérations sur l'anima, indépendantes du champ pourtant intriqué des archétypes, il convient de porter attention à ce contexte précis, car les archétypes sont "dans un état de contamination qui tient de la fusion et de l'interpénétration mutuelle la plus complète" (Racine de la conscience. p 55)
Dans les dernières études importantes de Jung sur l'anima (de 1951 à 1956), il ne sépare plus animus et anima, reflet psychologique de l'image archétypale du couple divin réuni : la syzygie.


Se référant aux Racines de la conscience, Hilman nous rappelle  que la confrontation avec l'anima, d'une façon et d'autre est simultanément la confrontation avec l'animus.

Nous mettant également en face de la syzygie, Neuman va jusqu'à écrire que le développement de la conscience du moi, chez l'homme comme la femme, est une processus masculin (ou protestation ?)  qui émane d'un inconscient féminin.

Enfin, une conséquence de la syzygie concerne la relation âme/esprit. Chaque fois que nous sommes en relation avec l'âme, l'esprit semble être constellé, partout où se trouve la présence vivante de l'anima, pénètre l'animus. De la même manière, lorsque l'animus est en action, l'anima nous interpelle toujours par ses images et son désir de personnalisation.
Cette syzygie en action est la conjunctio.

Et Hilman de conclure ainsi :
Leur syzygie illumine l'imagination par l'intelligence et rafraîchit l'intelligence par la fantaisie. La tâche a accomplir est de conserver à l'esprit et à l'âme leur distinction (ce qui est l'exigence de l'esprit) en même que de les garder reliés (ce qui est l'exigence de l'âme).