vendredi 15 septembre 2023

Une définition du bonheur ?


          
S'il est bien une donnée insaisissable, c'est la définition du bonheur...plénitude de l'instant pour certains, réalisation de l'être pour d'autres. Cette définition revêt un caractère singulier à chacun, bâti sur un parcours de vie et la capacité de considération du monde, du "autre"  (voir à ce sujet, les fonctions psychologiques)
La philosophie, qui s'est beaucoup nourrie de ce thème, a élaboré des propositions. En voici une ébauche personnelle.
 
Hédonisme versus eudémonisme
 
 L'hédonisme ( (du grec ancien : ἡδονή / hēdonḗ, « plaisir » et du suffixe -ισμός / -ismós) est souvent assimilé à la recherche de satisfactions personnelles. Trop simpliste !
L'hédonisme est une voie philosophique menant au bonheur par la quête du plaisir dont une condition primordial réside dans l'évitement des sources de déplaisirs. Et le plaisir n'est pas restreint aux sens (comme dans l'épicurisme par exemple) mais s'étend aussi au contentement intellectuel, à la saveur d'une sérénité de l'instant, etc.
Bien qu'attaché au développement personnel de l'individu, cette voie nécessite une connaissance fine et profonde de soi, du monde et des autres.
 
Souvent mis en opposition, l'eudémonisme (Du grec ancien εὐδαιμονισμός / eudaimonismos, « souhait de bonheur », dérivé de εὐδαίμων /eudaímôn, « bon génie ») est la pensée philosophique qui place comme principe premier de la vie humaine, c'est à dire principe qui va conduire à tous les autres, la recherche du bonheur...à cette fin, la raison, dans son acception antique attachée à la vertu, l'éthique ou la morale, est le seul guide fiable.
En terme contemporain, on pourrait dire que l'eudémonisme permet de nourrir le juste et le vertueux, ou, plus directement, d'édifier un sens à la vie.
 
 
On notera, pour l'anecdote dans le ton de ce blog, que le couple hédonisme/eudémonisme présente des similitudes avec celui de l'extraversion/introversion.
 
 
Égoïsme versus altruisme ?
 
Au risque du simplisme, l'enjeu placé au sein du couple de l'hédonisme et de  l'eudémonisme ne peut il pas se rapprocher de  celui qui oppose l'égoïsme "je satisfais ma personne" et l'altruisme "je me construis en intégrant le monde" ?
 
"Un troisième terme", un "tiers inclus" est exprimé, à plusieurs reprises, dans les écritures* :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même !
 
Société versus individu
 
Depuis quelque temps, j'entends beaucoup de choses sur l'altruisme, à commencer par la sortie récente de l'essai remarqué de Matthieu Ricard (Plaidoyer pour l'altruisme, aux éditions Nil, 2014)...
Je lisais récemment un article sur une recherche médicale qui conclut que l'altruisme (que le rédacteur associe ouvertement à l'eudémonisme) se traduirait par un terrain génétique résistant face aux maladies...évidemment, les hédonistes/égoïstes posséderaient eux des gènes plus favorables à la venue de maladies.
Le message du collectif, en somme, est : 
"Soyez bons et vous serez en bonne santé et heureux !"
Mais qui peut donner ce qu'il ne possède pas ?
 
Le bonheur, 
une quête de soi qui conduit à l'autre
 
Les propositions de Jung ont ceci de séduisantes qu'elles traduisent l'appel de la vie et ne tombent dans aucun consensus, morale, convention ou éthique sociale...c'est une libération de l'individu, qui va tenter de se dévoiler face à lui-même, donc de se re-connaître, trouvant en chemin la paix en soi, et réaliser qu'une source en lui nourrit tous les autres autour de lui...
Bien entendu, libre à chacun de trouver ses outils et/ou son Jung pour y parvenir, nous faisons impérativement avec qui nous sommes !
 
Aimons, oui, mais apprenons à nous aimer, pour comprendre et, enfin, aimer mieux !

 
*Lévitique 19v18
Romains 13, 8-10
Marc 12:31
Matthieu 22:37

samedi 9 septembre 2023

Archétype (12) - L'anima chez Jung - James Hillman - Partie 4


Quatrième et dernier volet autour du recensement de Hilman des attributs de cet archétype si particulier, sur la base des écrits de Jung.
Pour diverses raisons, certaines inhérentes au sujet même, il m'aura fallu plusieurs années (depuis 2012) pour achever ce résumé son travail incroyablement minutieux et ambitieux : tenter d'encadrer, de manière aussi exhaustive que possible, le concept de la psychologie jungienne ayant probablement le plus évolué durant la longue carrière de notre zurichois.

9- Anima et personnalité une

Jung définit l'anima comme image unique dans la psyché masculine alors que l'animus apparaît multiple dans la psyché féminine.
"L'incube de la femme est fait de plusieurs démons masculins et le succube de l'homme est un vampire" Dialectique du moi et de l'inconscient.
Jung postule une distinction d'ordre social et historique entre les types de rôle homme et femme. Il est vrai que c'est, chez lui, un trait habituel que de différencier l'esprit (animus) du pouvoir unificateur de l'eros (anima).
Hilman nous rappelle qu'en arrière plan de l’œuvre de Jung, se trouve continuellement interpellé l'ancienne controverse de l'unité et du multiple, écho, sur le plan thérapeutique, des notions de progression et régression.
Jung admet que la nature du Soi peut être considéré comme un "agrégat collectif de toutes les âmes individuelles"  et, citant Origène, "chacun de nous n'est pas un mais multiple".(C.W. 9 I § 675)

Comme "personnalité une" ou individualisée de l'âme, l'anima est le guide vers la totalité unifiée, anima naturaliter christiana, l'âme naturellement chrétienne

L'archétype nouménal anima n'est pas du domaine du connaissable mais ses images, phénoménales, sont naturellement multiples, comment alors conclure à une "personnalité une" ?

Il s'agit, écrit Hilman, d'écouter le couple d'anima qui occupe la position la plus élevé dans la psychologie de Jung, âme/Soi, anima/vieux Sage (Salomé et Elie-Philémon du Livre Rouge).
A travers "le regard par l’œil unifié" du Soi, l'anima trouve son fondement, son centre, son unité.

Non sans une certaine poésie, Hilman conclut : 
L'anima est la fonction qui donne de l'âme à la multiplicité. L'anima permet à ce qui est multiple, non de devenir un, mais de devenir materia pasychique.

10- Anima et Syzygie

Après toutes ces considérations sur l'anima, indépendantes du champ pourtant intriqué des archétypes, il convient de porter attention à ce contexte précis, car les archétypes sont "dans un état de contamination qui tient de la fusion et de l'interpénétration mutuelle la plus complète" (Racine de la conscience. p 55)
Dans les dernières études importantes de Jung sur l'anima (de 1951 à 1956), il ne sépare plus animus et anima, reflet psychologique de l'image archétypale du couple divin réuni : la syzygie.


Se référant aux Racines de la conscience, Hilman nous rappelle  que la confrontation avec l'anima, d'une façon et d'autre est simultanément la confrontation avec l'animus.

Nous mettant également en face de la syzygie, Neuman va jusqu'à écrire que le développement de la conscience du moi, chez l'homme comme la femme, est une processus masculin (ou protestation ?)  qui émane d'un inconscient féminin.

Enfin, une conséquence de la syzygie concerne la relation âme/esprit. Chaque fois que nous sommes en relation avec l'âme, l'esprit semble être constellé, partout où se trouve la présence vivante de l'anima, pénètre l'animus. De la même manière, lorsque l'animus est en action, l'anima nous interpelle toujours par ses images et son désir de personnalisation.
Cette syzygie en action est la conjunctio.

Et Hilman de conclure ainsi :
Leur syzygie illumine l'imagination par l'intelligence et rafraîchit l'intelligence par la fantaisie. La tâche a accomplir est de conserver à l'esprit et à l'âme leur distinction (ce qui est l'exigence de l'esprit) en même que de les garder reliés (ce qui est l'exigence de l'âme).

jeudi 31 août 2023

Archétype(10) - Encore un peu plus loin

Me voici donc de retour sur ce thème quasi inépuisable. Après une approche succincte (ici) et une première tentative d'approfondissement(),j'aimerais développer un peu plus certains aspects de l'archétype que l'on ne trouve pas toujours dans les écrits de vulgarisation...ce que l'on peut comprendre devant la complexité du thème
Jung, au fil des développements de sa pensée, a vu évoluer ce concept tout au long de sa vie de chercheur et a rapidement conclu que l'on ne pourrait jamais contenir la notion d'archétype dans une seule définition mais uniquement le circonscrire.
Retroussons donc les manches et avançons, prudemment.

Entre deux conceptions...

Dans ses essais, Cazenave (voir ici pour une courte présentation) rappelle que Jung n'a jamais tranché entre deux approches distinctes de l'archétype.
  1. l'irruption de l'archétype dans la psyché est indissociable des images et symboles (liés à la culture),
  2. l'archétype est patrimoine psychique humain dont chacun hérite et qui, pourtant, n'a pas de fondement temporel.
Ce faisant, Jung, au cours de l'édification de ce concept phare qu'est l'archétype, a longtemps assimilé archétype et images archétypiques, erreur que l'on continue à retrouver communément de nos jours...finalement, à l'instar de la chose en soi de Kant, des monades de Leibniz ou des éternelles incrées de Bergson, Jung a conclu qu'on ne pouvait rien en dire mais juste témoigner de leur caractère dynamique au sein de la psyché de l'individu (ce qui, au passage, les distingue totalement des idées platoniciennes).

Le caractère psychoïde

Sous ce terme barbare se cache en fait un attribut de double appartenance; celui de l'esprit (psychique) et celui de la matière. Fini donc le dualisme science / psychologie puisque l'archétype reposerait sur les deux frontières !
Jung a tiré ce principe à la fois par les constatations cliniques (le traumatisme engendrerait une activation archétypique), et au cours de l'élaboration de son concept de l'Unus Mundus, terme issu de l'alchimie, qu'il a repris pour désigner l'unité sous-jacente du monde apparemment inconciliable de l'esprit et de la matière. Une manifestation de cette unité est visible, par exemple, dans les synchronicités. (voir ici)

« La psyché participe à la fois de l’esprit et de la matière. Je suis persuadé que la psyché est en partie de nature… La totalité de l’homme se situe entre le mundus archetypus, qui est bien réel puisqu’il agit, et le monde physique, qui est tout aussi réel puisqu’il agit également…..Il y a par ailleurs des raisons de supposer que tous les deux ne sont que des aspects différents d’un seul et même principe. » Correspondance avec Pauli



La constellation

On peut la résumer par le principe d'activation d'un archétype, c'est à dire d'irruption au sein d'une psyché, en vue de compenser un manque dans la sphère consciente qui entraîne "une impasse" ou "situation impossible". Cela peut faire suite à une évènement extérieur important ou à l'initiation d'une profonde transformation intérieure. 
Ce terme rappelle que l'archétype est un noyau énergétique puissant et qu'il attire à lui tout ce qui répond à sa nature (singulière puisque les archétypes sont infinis) en vue de la compensation...bien souvent, le canal des complexes personnels est exploité, mais c'est un autre sujet.


La contamination

"Tirez une racine d'herbe et vous ferez venir la prairie toute entière". Proverbe chinois
Cette jolie phrase résume l'idée de contamination chez les archétypes. Comme dans l'ensemble de la psyché, il n'y a pas de frontière définie et un archétype masque souvent la présence d'autres archétypes...Jung a même mentionné la possibilité d'un seul archétype polymorphe ou, pour être plus précis, d'un champ archétypique (selon l'acception scientifique).
Cela fera le sujet d'un autre billet (celui-ci est déjà fort lourd à digérer), mais certaines propriétés de la physique quantique coïncident merveilleusement avec la nature des archétypes, comme, par exemple, la non localité. Il est dit qu'un archétype activé chez un individu l'est simultanément pour plusieurs personnes.



Les archétypes

samedi 5 août 2023

Jung, vu par lui...

 Petit extrait percutant de la première édition de Carl Gustav Jung : Guérisseur de l'âme de Claire Dunne (excellent ouvrage à lire), page 22.

C'est vrai, une force de la nature s'exprime en moi - je ne suis qu'un conduit... J'imagine que, dans bien des cas, je pourrais vous paraître sinistre. Si, par exemple, la vie vous a mené à adopter une attitude artificielle, vous n'allez pas pouvoir me supporter car je suis un être naturel. Ma présence même cristallise; je suis un ferment. Je suis perçu comme un danger par l'inconscient des gens qui vivent d'une manière artificielle. Tout en moi les irrite, ma façon de parler, ma façon de rire...Ils sentent la nature, dans son authentique expression, et je deviens un ennemi « intérieur » à abattre. Combien d’ennemis invisibles dois-je avoir en ce monde ? C’est le prix de la véritable liberté.

jeudi 3 août 2023

Livre Rouge - Son contenu

Un article rédigé de nombreuses années en arrière pour le blog d'une ami...elle m'avait demandé une synthèse, autant que possible, du contenu du Livre Rouge, exercice périlleux et que le lecteur me pardonne les éventuelles malentendus mais un contenu si singulier ne peut s'entendre que subjectivement...

Livre rouge : contenu

Ayant succinctement parcouru les écrits de l’ouvrage, tu m’avais demandé durant ta récente convalescence, mon ressenti. Je suis bien loin d’avoir tout appréhendé et je ne pense pas que j’en ai jamais l’ambition. Je dois t’avouer qu’un constat pointe : ce livre peut être abordé de deux façons radicalement différentes.

Comme nous l’avons fait tous les deux au début, se contenter de l’ouvrir, admirer, laisser venir et parler les forces symboliques des dessins, de la texture du papier, des lettres gothiques…et se les attribuer. Ou alors, se plonger dans l’écrit, activer la fonction pensée et tenter de comprendre la plongée dans l’âme de Jung…qui est alors seul maître à bord.

Use le plus longuement possible de l’esprit de découverte avant de passer à un approfondissement…j’ai peur que la marche arrière ne soit pas possible.

Liber primus

Ce qui m’a frappé de prime abord, c’est le fantôme apparent d’une première version. En effet, Jung avait entamé le travail de mise en forme de ses cahiers noirs sur un premier ouvrage dont les dimensions ne convenaient pas…et soigneusement, il a collé chaque page sur la mouture finale, comme un symbole de ces éternels retours en arrière sur le chemin de l’individuation.

Je n’ai pas pu m’empêcher de voir Carl, regard concentré, langue sortie, appliqué à faire ses collages (je sais, j’adore les clichés).

La vision prophétique de « la marée terrifiante », augurant l’arrivée future de la première guerre mondiale m’a particulièrement touché. J’avais alors le sentiment de découvrir l’âme élevée de Jung, sensible à une « infection psychique » par l’inconscient collectif.

Au cours de ma première lecture, le couple mystérieux Elie et Salomé a résonné au fond de moi...m’interpelant, me questionnant et le rôle de Salomé, femme séductrice et aveugle m’intriguait particulièrement. Et pour cause, c’est l’expression de l’anima qui ne peut que résonner en chaque homme. Cette figure mystérieuse bouscule Jung, le pousse à l’expérience du non mental…exercice totalement à contre nature pour lui et qui le force à aller vers sa souffrance.

Liber secundus

Voici l’heure d’Izdubar, colossal et puissant (saisissant est le mot parfaitement adapté)…mais anéanti par le poison du mental si ancré chez Jung ; la raison tue le numinosum. Le géant divin est alors réduit à l’état d’un œuf que Jung garde sur lui, croyant le contrôler. Le contrôler car il ne peut pas s’en passer, il l’aime ! (Je crois que des enjeux énormes sont placés dans cet œuf et je creuserai probablement la question dans les prochains mois)

Même à l’état embryonnaire, sa force submerge Jung qui doit lui redonner vie…mais personne ne peut donner naissance à un Dieu. Carl passera à cette période, comme le raconte, très près de la folie.

Philémon arrive alors, comme pour le sauver. 
Jung en parle ainsi : « …la fusion du sens et du non-sens, qui produit la signification suprême… ». C’est une image du Soi, du Dieu en lui. Naturellement, Jung va passer par une phase de fusion très déroutante pour le lecteur où il écrit comme étant représentant de Dieu…finalement, il va donner « corps » à ce vieux sage, à travers la réalisation d’un superbe dessin détaillé. 

Ce travail va lui permettre de l’objectiver et donc de s’en différencier.

Salomé réapparait, guérie et souhaitant de nouveau lui imposait sa présence, Jung refuse, poussé par une peur viscérale….combien j’ai été troublé de lire Jung, de fonction psychologie dominante « pensée » tellement effrayé par son anima, porteuse du sentiment (à l’opposé de la pensée). Ces puissances vitales sont bien capables de ramener un brillant chercheur à l’état de petit enfant !

Epreuves

Cette partie n’existe pas dans la version originale du Livre Rouge original mais a été insérée par l’éditeur, ce qui me semble cohérent.

Je retiendrais deux choses : Le fameux Sermon aux morts où Jung, pour reprendre ses propres mots, « a découvert les couches pré-personnelles en lui, formant une sorte de prélude à ce qu’il avait à communiquer au monde sur l’inconscient » et puis cette phrase « Par l’union avec le soi, nous atteignons le Dieu »…pas Dieu, ni un Dieu mais LE Dieu.

 Si je devais résumer ma perception du Livre rouge, je parlerai d’un chemin de souffrance et d’amour purifié.

vendredi 28 juillet 2023

Hic Rhodus, hic salta !

Les professionnels RH sont-ils en manque de visibilité ...

Il est bien connu que l'être humain a une propension à désirer ce qu'il croit être un manque plutôt que de se satisfaire de ce qu'il possède. Tiraillé par le passé, fébrile à l'idée d'un futur, l'activité mentale provoque un sabotage de l’ici et du maintenant. Pire, cet état est considéré comme "normal".

Captifs de fantômes...

Finalement, se laisser ballotter par ce désir d'ailleurs et d'autre moment, c'est entretenir une tension insupportable avec notre condition réelle d'existence

Il est vrai que le mode de vie contemporain n'aide pas, le présent n'a plus guère la place pour exister.

Le passé, propriété sure et personnelle, devient un avoir, non un être. Paradoxalement, je m'identifie à lui...absurdité ! 
Le présent est effrayant parce qu'il nécessite de mourir à chaque instant au passé
Quant à l'incessant "je serai", la projection dans un futur qui ne vient jamais, quête d'idéal inatteignable, constamment renouvelée par la peur irrationnelle de vivre le présent, est également un déni, une forfaiture au regard de la vie.
Si tu veux prédire le futur, construis le,  si tu te contentes de le penser, tu entretiens un jeu mortifère.

...dans une société malade...

Force est de constater que cette instinct de fuite est fortement entretenu par des conditions externes propices à des pressions internes :
  • Une société et ses "gouvernants" malades, perdant tous repères de valeur, de principe, nourrissant l'individualité au détriment de l'individu (voir ici),
  • Des médias d'information qui n'informent plus, se contentant de jouer sur les charges émotionnelles, levier d'une audience basée sur le viscéral à défaut du cérébral,
  • Des réseaux sociaux, qui portent si mal leur nom, appelant l'instantanéité, l'orgueil, le chacun pour soi...réseaux de cellules isolées qui oublient qu'elles appartiennent à la même entité,
  • Couronnant la pyramide de Maslow, une spiritualité devenue business, faisant muter la périlleuse quête intérieure en une ballade prêt-à-porter au parfum souvent bien lointain de nos rivages natifs.

...toujours en capacité de se libérer.

Mes contraintes quotidiennes me prouvèrent, jour après jour, que j'existais réellement et que je n'étais pas seulement une feuille ballottée au gré des vents de l'esprit, comme un Niezsche. Nietzsche avait perdu le contact avec le sol sous ses pieds parce qu'il ne possédait rien d'autre que le monde intérieur de ses pensées - qui d'ailleurs, possédait plus Nietzsche que lui-même ne le possédait. Il était déraciné et planait sur la terre, et c'est pourquoi il fut victime de l'exagération et de l'irréalité. Cette irréalité était pour moi le comble de l'abomination. Car ce que j'avais en vue, c'étaient ce monde-ci et cette vie-ci. Quelque ballotté et perdu dans mes pensées que je fusse, je ne perdais cependant jamais de vue que toute cette expérience à quoi je me livrais concernait ma vie réelle, dont je m'efforçais de parcourir le domaine et d'accomplir le sens. Ma devise était "Hic Rhodus, hic salta". (C'est ici Rhodes, c'est ici que tu dois danser).
Jung, Ma vie, p304
La conscience, qui reconnait et distingue sans faille les illusions, peut devenir témoin et permettre d'entamer la libération. 
Tout est à portée de main avec une facilité si déconcertante qu'on en arrive, une fois le chemin entamé, à se demander comment nous ne l'avions pas vu.
« nous sommes faits pour amener tous les mystères au grand jour, en qualité de ministres de l'éternelle source de la lumière » 
Louis-Claude de Saint-Martin, Ministère de l'Homme Esprit p. 280

 Vous préparez le café le matin, regardez l'eau couler dans la verseuse, apprécier le bruit, les miroitements, la teinte des premières gouttes du breuvage qui s'écoule...sur la route, amusez vous à repérer les défauts des carrosseries des voitures voisines, la couleur des panneaux publicitaires, le visage des conducteurs dans la file d'attente...au travail, concentrez vous sur les tâches anodines et ennuyeuses comme si elles étaient cruciales, accordez vous des pauses pour respirer, sentir votre corps, faire un sourire à vos collègues. 

Source de quiétude, baume révélant les illusions du passé, apaisant toute crainte du futur, la présence à l'instant, en conscience, est à la fois d'un accès immédiat, inconditionnel et difficile à maintenir dans la continuité...mais est ce nécessaire ?

Alors, amis lecteurs, suspendez tout, pour cette seconde, à cette endroit, 

Hic Rhodus, hic salta !

samedi 15 juillet 2023

Rencontre du sacré


Lorsque l'on rencontre le sacré, on rencontre sa dimension intérieure, avec l'aspiration qu'elle comporte si souvent à la lumière et au Bien, et on est confronté à la réalité du Mal.

Or, c'est une position originale de Jung : le mal existe et comme réalité « positive », si je peux me permettre ces mots. 

Tra­ditionnellement le mal a été défini comme une simple privation de bien, donc comme un néant. Alors que Jung, dans la lignée des religions à tendance "ésotérique", considère que nous devons prendre en compte une réalité qui existe en soi du mal.

D'une manière ou d'une autre, nous devons y être confrontés dans la pratique.

Dans une confrontation non structurée avec le sacré, qui peut se traduire par des bouffées délirantes, Jung prend dès 1935 une position originale proche de ce que défendra plus tard l'anti-psychiatrie. 
Il y voit un processus d'initiation et de découverte spirituelle qui n'arrive pas à s'exprimer, étant donné la forclusion du sacré dans la société actuelle. 

L'initiation, au sens étymologique du terme, est un chemin que l'on emprunte dans la découverte d'une vie spirituelle. La seule chose à faire pour le thérapeute est alors de laisser se dérouler le processus, en ne le considérant pas comme une pathologie dans son essence même, et d'accompagner le patient en le guidant vers la sortie de ce qu'il est en train de vivre. 

Cela est assez proche, à beaucoup d'égards, du voyage de l'âme des chamanes. La position extrêmement originale de l'analyste est qu'il s'implique totalement dans la situation qui lui est proposée. À la limite, il doit faire lui-même, avec son patient, ce chemin à travers le délire. Il doit prendre le mal à sa propre charge dans une sorte d'échange, de descente aux Enfers et de remontée.

Michel Cazenave - Jung et le religieux p32

dimanche 2 juillet 2023

Basarab NICOLESCU

Ce n'est pas un psychologue, mais voici un drôle de personnage...physicien quantique de renom (multiples publications officielles), philosophe et même, ce que peu savent, passionné de théosophie chrétienne (pour faire court, on peut la définir comme une manifestation d'une mystique personnelle).
Un homme très humble, d'origine roumaine, avec qui j'ai eu la chance d'échanger quelque peu par écrit.
Outre le fait que c'est également un passionné de la pensée de Jung, j'ai souhaité l'évoquer ici car il me semble que l'avenir et la construction des sciences, la contribution au sens que Jung évoque à la fin de son autobiographie, passeront par de tels personnages.

Si on devait qualifier Nicolescu : ouverture, rigueur, explorateur.

Fort de ses compétences scientifiques, il a rapidement compris que LA science ne pouvait s'arrêter sur des postulats et des formalisations mathématiques. Selon lui, on ne peut plus écarter du champ de la science des disciplines aussi essentielles que la psychologie, l'art, les religions, etc
Il devient non seulement nécessaire de les intégrer, mais, surtout, de travailler de travailler entre les disciplines, à travers les disciplines et dans une perspective au-delà de toute discipline, c'est la transdisciplinarité, il est co-fondateur du Centre International.

La transdisciplinarité est définie par Basarab Nicolescu par trois postulats méthodologiques : l'existence de niveaux de réalité et de perception, la logique du tiers inclus et la complexité.
La transdisciplinarité se distingue ainsi de la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité en ce sens qu’elle déborde les disciplines d’une part, mais surtout d’autre part que sa finalité ne reste pas inscrite dans la recherche disciplinaire proprement dite...

Pour ne rien gâcher, c'est un fin connaisseur de la pensée de Jung, notamment chercheur sur la synchronicité.

Découvrir Nicolescu en vidéo.












samedi 24 juin 2023

Apoptose - La mort nécessaire

cellule-souche - Trust My Science  

Ce terme étrange est également appelée "suicide cellulaire" ou, beaucoup plus déroutant, "mort cellulaire programmée"; il désigne le processus biologique particulier qui dicte à des cellules leur autodestruction. Jusqu'à sa découverte (récente, 1972), seule la nécrose expliquait la mort cellulaire. 
Pourquoi s'intéresser à la biologie cellulaire me demanderez vous ? Parce des analogies avec les processus psychiques peuvent être révélées et qu'il est toujours instructif de noter l'inventivité de la vie, Jung ayant toujours la proximité et l'interdépendance entre biologique et psychique.

Quelle fonction à l'apoptose ?

Elle est essentielle, sur plusieurs plans, 2 fondamentales. 

La construction :
C'est par elle que durant l’embryogenèse (période de développement précédant le stade du fœtus), des distinctions morphologiques se font :
  • ce qui sera la main du fœtus ressemble initialement à une moufle, par l'apoptose, des cellules meurent pour faire apparaître les doigts,
  • elle permet aussi la disparition de notre archaïque appendice caudal,
  • elle entraîne le disparition des neurones isolés, etc.
La régulation :
  • Lors des processus immunitaires, certains anticorps inopérants peuvent devenir dangereux. Ils s'éliminent par apoptose. 
  • Lorsque la phase d'allaitement se termine, l'apoptose organise la restructuration du sein pour son retour à l'état initial en éliminant les cellules excédentaires, etc.
La participation à un équilibre subtile

On se rend compte que le corps fonctionne sur un modèle de régulation, d'ajustement continu...ainsi, l'apoptose permet elle d'équilibrer le développement cellulaire.  

Le blocage de l’apoptose : l'exemple le plus connu est celui des cellules cancéreuses.

Une apoptose intempestive : des découvertes récentes ont conclu que les problèmes lymphocytaires (immunitaires) des personnes atteintes du VIH (sida) était due à une apoptose non contrôlée.

L'apoptose est en lien avec la notion, que l'on retrouve,  fréquemment citée par Jung dans ses descriptions de dynamique psychique, d'homéostasie, c'est à dire la capacité d'équilibre d'un système.
Entre création et mort, le corps est constamment maintenu dans un état d'équilibre



Comment cela se passe t'il ?

Les biologistes expliquent que pour qu'une activité soit maintenue, le corps doit constamment envoyer des  "signaux de croissance" à ses cellules...dès que le signal est coupé, la cellule entre en apoptose. Elle s'isole et détruit son noyau.
Ainsi, au bout d'un certain nombre de divisions, qui ont fatigué progressivement son bagage génétique, la cellule enclenche l'apoptose...la vieillesse et la fin de vie répondent au même processus.


C'est donc par un phénomène interne que cette mort cellulaire s'enclenche, contrairement à la nécrose qui est liée à une intrusion externe.

Aqua Permanens: décembre 2011

Apoptose psychique ?

Je m'engage là dans un jeu d'esprit, afin de proposer des pistes de réflexion autour d'hypothétiques analogies entre l'apoptose cellulaire et certaines considérations psychiques.

  • Tout comme l'embryon doit vivre une succession de sacrifices (morts cellulaires) pour devenir fœtus accompli, l'individu sera confronté à des morts symboliques au sein de la psyché pour se construire (voir à ce sujet le billet sur le sacrifice),
  • Le mystère de la vie place l'enjeu global au dessus des enjeux particuliers; la cellule, en se sacrifiant, contribue à la survie et au dynamisme de l'ensemble. Si elle ne s'y soumet pas, c'est tout l'ensemble qui en pâtit. De même, ces phases régressives de la libido, qui soumettent (proposent à ?) l'individu à l'abandon de "l'ancien", s'inscrivent elles dans un processus intégrant les éléments impersonnels et collectifs, l'individuation,
  • Par extrapolation, n'y t'il pas un lien étroit à établir entre les signaux de croissance et l'apoptose et les phases de progression et de régression de libido ? Cela conduirait au fait que les signaux de croissance de la conscience serait liés à la perméabilité à son inconscient, à la capacité à établir le dialogue...
  • L'organe le plus mal connu de l'organisme, le cerveau, orchestre les impulsions métaboliques, comprenant la commande de l'apoptose, afin de maintenir la vie dans son équilibre le plus parfait, quid du Soi pour la psyché ?

dimanche 18 juin 2023

Jung et le nazisme...pour en finir (2)

Me voici de retour sur ce sujet sensible, grâce à l'intervention d'un membre du forum, Martine, qui m'a indiqué l'existence d'un entretien entre un journaliste et écrivain américain, Hubert Renfro Knickerbocker et Jung; le journaliste travaillant sur un essai autour des dictateurs, et Hitler en particulier (ouvrage en anglais mais encore accessible, comme ici), a demandé un profil psychologique du führer au psychiatre suisse. J'ai retrouvé cet entretien en anglais et l'ai traduit en français. On y cerne l'analyse si fine et intuitive qui devait caractériser Jung et, surtout, on découvre un homme lucide quant à la personnalité inquiétante et sombre de Hitler...sachant que cet interview eut lieu à la fin de 1938, soit avant l'avènement du nazisme destructeur, on conclut rapidement à l'absurdité de l''hypothèse des accointances de Jung avec le régime nazi.
Madame Roudinesco, si jamais vous passiez par là, prenez donc le temps d'un peu de lecture...


Edit : Après la rédaction de ce billet, j'ai réalisé que cet interview existait déjà, en langue française, dans le livre "Jung parle" (voir ici)

Ces extraits sont des morceaux choisis du livre de Knickerbocker, issus de ma propre traduction en français, certainement loin d'être parfaite...

Quel est le pouvoir de Hitler ?
C'est une question qui m'intéressait depuis 18 ans, depuis j’avais rencontré Hitler et que je l’avais entendu parler. Depuis cet épisode, j’avais entendu des centaines d’explication sur son pouvoir et en avait élaboré par moi-même. Mais la plus intéressante et plausible discussion sur sa personnalité, je l’ai eu lors d’un entretien avec le Dr Carl G. Jung, grand psychiatre suisse, quand je lui ai rendu visite à son domicile à Zurich pour lui demander de diagnostiquer les dictateurs. C'était en Octobre 1938 et je revenais directement de Prague où j’avais assisté à la fin de la Tchécoslovaquie. L'analyse de M. Jung de Hitler fut remarquablement confirmée par les événements depuis. Il avait été personnellement fasciné par le problème de la personnalité de Hitler, et l’avait étudié pendant des années.

« Il y a deux types de leader dans la société primitive, l’un est le chef qui est physiquement puissant, plus fort que ses concurrents, et l’autre est le medecine-man qui n’est pas forte physiquement mais est fort en raison de l'autorité que le peuple projette sur lui. Ainsi, il y avait l'empereur et le pape ».
J'ai demandé: «Pourquoi est-ce que Hitler qui séduit chaque allemand qui l'adorent, produit pourtant aucune impression particulière sur un étranger? »

«Exactement», ponctue le Dr Jung "Peu d'étranger y sont sensibles, mais apparemment tous les Allemands en Allemagne le sont. C'est parce que Hitler est le miroir de l'inconscient de tous les Allemands, mais bien sûr il n’est le support d’aucune projection pour un non allemand ». 

« Il est le haut-parleur qui amplifie le murmure inaudible de l'âme allemande jusqu'à ce qu'ils puissent être entendus par l'oreille de la conscience de l'allemand. Il est le premier homme à dire tous les Allemands ce qu'ils pensent et ressentent inconsciemment sur ​​le sort allemand, surtout depuis la défaite de la Première Guerre mondiale, et l'une des caractéristiques qui teinte chaque âme allemande est le complexe d'infériorité typiquement allemand, le complexe du petit frère, de celui qui est toujours un peu en retard à la fête. Le pouvoir de Hitler n’est pas politique, il est magique. 

Pour comprendre la magie vous devez comprendre ce qu’est l’inconscient C'est cette partie de notre constitution mentale sur laquelle nous avons peu de contrôle et qui est stockée avec toutes sortes d'impressions et de sensations; Qui contient des pensées et même des conclusions dont nous ne sommes pas conscients. Outre les impressions conscientes que nous recevons, il y a toutes sortes d'impressions constamment en arrière plan de nos sens dont nous ne prenons pas conscience parce qu'ils sont trop faibles pour attirer notre attention consciente. Elles se situent en dessous du seuil de la conscience. Mais toutes ces impressions subliminales sont enregistrées, rien n'est perdu, quelqu’un peut parler d'une voix peu audible dans pièce d'à côté pendant que nous parlons ici vous ne faites pas attention à lui, mais la conversation à côté est enregistrée dans l’inconscient aussi surement que par celle d’un dictaphone. 

Maintenant, le secret de la puissance d'Hitler n'est pas que Hitler a un inconscient plus apte à stocker que le vôtre ou le mien, le secret de Hitler est double. D'abord, son inconscient a un accès exceptionnel à sa conscience et, deuxièmement, il se laisse toucher par lui. Il est comme un homme qui écoute attentivement un flux de suggestions d'une voix chuchotée à partir d'une source mystérieuse, puis agit sur ​​eux. 

Dans notre cas, même si occasionnellement notre inconscient nous atteint à travers les rêves, nous avons trop de rationalité, trop de « cérébral » pour lui obéir, mais Hitler écoute et obéit. Le véritable leader est toujours « dirigé ». 

Nous pouvons voir comment il fonctionne en lui-même et fait référence à sa voix. Sa voix n'est rien d'autre que son propre inconscient, dans lequel le peuple allemand projette sa propre personne. C'est l'inconscient de 78.000.000 d’allemands. 

C’est ce qui le rend puissant. Sans le peuple allemand il ne serait rien. Il est littéralement vrai quand il dit que tout ce qu'il est capable de faire, c'est uniquement parce qu'il a le peuple allemand derrière lui, ou, comme il le dit parfois, parce qu'il est l'Allemagne. Ainsi, avec son inconscient, étant le réceptacle des âmes de 78.000.000 allemands, il est puissant, et avec sa perception inconsciente du véritable équilibre des forces politiques du pays dans le monde, il a été jusqu'à présent infaillible. 

C'est pourquoi il porte des jugements politiques qui se révèlent vrais malgré l'avis de tous ses conseillers et contre l'avis de tous les observateurs étrangers. Lorsque cela se produit, cela signifie seulement que les informations recueillies par son inconscient, et qui atteignent sa conscience par des moyens lié à son talent exceptionnel, sont plus correctes, que celles de tous les autres, en Allemagne ou à l’étranger, qui ont tenté de juger la situation et qui ont tiré des conclusions différentes de la sienne. » 

Swastika
Dr. Jung répondit gravement: «Oui, il semble que le peuple allemand est maintenant convaincu qu'il a trouvé son Messie ; en quelque sorte la position des Allemands est remarquablement semblable à celle des Juifs d'autrefois… 

Depuis leur défaite dans la Première Guerre mondiale, les Allemands ont attendu un Messie, un sauveur. C'est caractéristique des personnes atteintes d'un complexe d'infériorité. Les Juifs ont déclenché leur complexe d'infériorité par les facteurs géographiques et politiques. Ils vivaient dans une partie du monde qui était un terrain de jeu pour les conquérants des deux côtés, et après leur retour de leur premier exil à Babylone, quand ils ont été menacés d'extinction par les Romains, ils ont inventé l'idée consolante d'un Messie qui allait rassembler les Juifs autour d’une nation et les sauver.

 

Les Allemands ont obtenu leur complexe d'infériorité de causes comparables. Ils furent sortis de la vallée du Danube trop tard, et fondèrent les débuts de leur nation longtemps après que les Français et les Anglais étaient sur ​​la bonne voie pour leur nation. Ils étaient trop en retard pour la course des colonies et pour la fondation de l'empire.


Puis, quand ils se sont rassemblés et ont fait une nation unifiée, ils regardèrent autour d'eux et virent les Britanniques, les Français et d'autres avec des colonies riches et tout l'équipement des nations adultes et ils sont devenus jaloux, rancuniers, comme un jeune frère dont les frères aînés ont pris la part du lion de l'héritage ».
Dr, Jung a dit qu'il avait observé de près Hitler lors de sa rencontre avec Mussolini à Berlin.

«J'étais seulement à quelques mètres des deux hommes et pouvais bien les étudier. Par comparaison avec Mussolini, Hitler faisait sur moi l'impression d'une sorte d'échafaudage en bois recouvert de tissu, un automate avec un masque, comme un robot ou un masque d'un robot. Pendant tout le spectacle, il ne riait jamais, c'était comme s'il était de mauvaise humeur, bouder il ne montrait aucun signe humain..


Son expression était celle d'un produit inhumain semi-conscient, sans aucun sens de l'humour. Il semblait qu'il pouvait être le double d'une personne réelle, et que Hitler l'homme pourrait peut-être se cache à l'intérieur comme un appendice, et de façon délibérée, caché afin de ne pas perturber le « mécanisme ». Avec Hitler vous ne sentez pas que vous êtes en présence d’un humain. Vous êtes face à un « médecine-man », une forme de récipient spirituel, un demi-dieu, ou mieux encore, un mythe.
Avec Hitler vous ressentez la peur. Tu sais que tu ne pourras jamais être capable de parler à cet homme, car il n'y a personne, il n'est pas un homme, mais un produit collectif, il n'est pas un individu, mais toute une nation, je considère qu'il est littéralement vrai qu'il n'a pas d'ami personnel. Comment pouvez-vous parler intimement avec une nation? »

Wotan
«Personne n’a appelé le royaume de Charlemagne le premier Reich, ni celui de William le deuxième Reich. Seuls les nazis appelaient leur Troisième Reich, car il a un sens mystique profonde."

Dr. Jung a déclaré que les nazis ressentent un parallèle entre la triade biblique, Père, Fils et Saint-Esprit, et le troisième Reich, et que, en fait, de nombreux nazis se réfèrent à Hitler comme le Saint-Esprit. 
« Encore une fois," Dr. Jung a continué, "envisager la reprise généralisée dans le Troisième Reich du culte de Wotan, dieu du vent qui prendra le nom" Sturmabteilang ", les troupes d'assaut. La swaslika est une forme renouvelée du vortex. Ne se déplaçant jamais vers la gauche, car la signification bouddhiste de la gauche est défavorable, orienté vers l'inconscient. Tous ces symboles du troisième Reich, dirigé par son prophète Hitler, reprennent l’allégorie du vent et de la tempête et tourbillonnant en vortex, balayant l'allemand dans un ouragan d’émotions irraisonnées vers un destin qui lui est inconnu, sauf pour le voyant, le prophète, le Führer qui peut lui-même le prédire…ou peut être même pas lui-même. ».

mercredi 14 juin 2023

Un projet de vie..projet pour une vie

Le hasard est parfois facétieux...il souffle un chaud et froid nécessaire. 
Après une réflexion sur la mort et la psyché (voir ici), voici que s'est dessinée, tout naturellement, sans que j'établisse de prime abord le lien, une approche sur les "règles de conduite" pour l'individuation, suggérées par Jung dans son œuvre...
J'ai immédiatement pensé à un projet de vie, peut-être pour mieux vivre et accepter ce qui semble n'être qu'une étape de plus, la mort. 

Rappelons ce regard nécessaire, cette perspective évidente : la mort, tabou propre à l'Occident, n'est pas l'opposé de la vie mais la fin d'une période qui débute à la naissance.

Clef n°1 : L'ouverture

Une ébauche avait été tentée sur un ancien billet (ici). 
Un mot d'ordre : l'étonnement !  
Retrouver son regard d'enfant, découvrant, "goûtant" la vie, sans à priori, sans effort d'interprétation, sans retenue... 
Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent.
Jésus dans Matthieu 19:14.
A noter à ce sujet que cette attitude n'est pas sans rappeler la réduction phénoménologique si chère à Jung.
Savoir accueillir les choses comme elles se présentent.
Combien l'exercice est périlleux pour nous, adultes compliqués, compliqués parce que le chemin de la vie et ses choix multiplies ont poussé à oublier l'insouciance initiale.
On saisit bien ce que voulait exprimer Jung.
 "La tâche serait assez simple si la simplicité n'était pas ce qu'il y a de plus difficile"
Mystère de la Fleur d'Or (p.33) 

Renoncer à se mettre à l'écoute de" l'intérieur" est le risque de perdre le contact avec son âme.
 « II est une belle vieille légende d'un rabbin à qui un élève rend visite et demande : "Rabbi, dans le temps, il existait des hommes qui avaient vu Dieu face à face, pourquoi n'y en a-t-il plus aujourd'hui ?" Le rabbin répondit : "Parce que personne, aujourd'hui, ne peut plus s'incliner assez profondément." Il faut en effet se courber assez bas pour puiser dans le fleuve. »  Jung dans Ma Vie


Clef n°2 : Spiritus rector

On trouve ce terme notamment dans son Essai sur la symbolique de l'esprit
Il m'avait fortement interpellé...comme un écho, comme si apparaissait soudainement en mot ce que je sentais depuis toujours. Ce mot "transpirait" de numinosité
 
Par ces termes, Jung évoquait le Daïmon de Socrate, cet esprit, ce génie personnel qui servait de médiateur entre les Dieux et l'homme (pour plus de détails, voir cet excellent texte). 
 
L'intuition prend alors une nouvelle teinte, comme un murmure, des mots susurrés à l'oreille mais provenant de l'intérieur. 
S'il ne s'agissait que d'intuition, cela serait finalement assez simple...mais ce guide sait où il nous mène, et peu importe, pour lui, les moyens et les chemins empruntés. Quand on connaît le potentiel illimité de la psyché, il convient de ne jamais déroger de la clef n°1 !
La première règle impose, avant toute autre chose, de conserver  un esprit d'ouverture, de réception, sans à priori...et même dans cette disposition, il n'est pas dit que nous évitions de voyager aux portes de la folie, folie au regard des autres, nécessité impérieuse pour nous, car nos "dieux de l'interne" ne sont jamais très loin, en certaine profondeur.
Fichier:Socrate daimon.jpg — Wikipédia « II y avait en moi un daïmon qui, en dernier ressort, a emporté la décision. Il me dominait, me dépassait, et quand il m'est arrivé de faire fi des égards (qui sont habituels dans la vie courante], c'est que j'étais aux prises avec le daïmon. Je ne pouvais jamais m'arrêter à ce que j'avais déjà obtenu. Il me fallait continuer à aller de l'avant pour rattraper ma vision. Comme, naturel­lement, mes contemporains ne pouvaient percevoir ma vision, ils ne me voyaient que me hâtant toujours en avant. » Jung dans Ma vie

Pilier 3 : Ne jamais lâcher le "Moi"

Le "laisser advenir" ne signifiera jamais une pieuse et béate acceptation de ce qui nous parvient du monde voilé de l'inconscient. 
Donner sans condition les rênes à notre daïmon, c'est un aller sans retour vers des contrées terrifiantes, éternellement inconnues.
Quand Jung parle de confrontation, implicitement, il suggère une opposition. Et la seule instance psychique qui peut se poser comme barrage aux produits de l'inconscient est le moi.  Cette dynamique d'opposition est la source de croissance de la conscience individuelle.
Nous ne nous dirigeons surtout pas vers la fin de la raison (encore moins du discernement) mais vers son dépassement puisqu'elle aura été entièrement assumée.
Renoncer à son Moi, succomber à la puissance du numen, c'est terminer foudroyé (l'arche d'alliance qu'il est interdit de toucher).

Que peut paraître cruelle notre condition humaine !
Finie par nature, infinie par essence

Cette différenciation est source de nostalgie et de quête d'impossible...mais ce n'est que par elle, véritable source d'une conscience continuellement renouvelée, que nous pouvons faire vivre l'infini de notre "être" au sein de la limite de notre "moi".
« Pour l'homme, la question décisive est celle-ci : te réfères-tu ou non à l'infini ? Tel est le critère de sa vie. C'est unique­ment si je sais que l'illimité est l'essentiel que je n'attache pas mon intérêt à des facilités et à des choses qui n'ont pas une importance décisive... Si nous comprenons et sentons que, dans cette vie déjà, nous sommes rattachés à l'infini, désirs et attitudes se modifient. Finalement, nous ne valons que par l'essentiel, et si on n'y a pas trouvé accès, la vie est gaspillée.» Jung dans Ma Vie p369
«Je ne parviens au sentiment de l'illimité que si je suis limité à l'extrême. La plus grande limitation de l'homme est le Soi ; il se manifeste dans la constatation vécue du "Je ne suis que cela !"... C'est quand j'ai conscience de cela que je m'expérimente à la fois comme limité et éternel, comme l'un et comme l'autre. En ayant conscience de ce que ma combinaison personnelle comporte d'unicité, c'est-à-dire, en définitive, de limitation, s'ouvre à moi la possibilité de pren­dre conscience aussi de l'infini. Mais seulement comme cela.» Jung dans Ma Vie