lundi 9 mai 2022

Le poisson rouge est mort...

Quoi de plus anodin, de plus anecdotique ? Après tout, cette "petite chose colorée" ne présentait plus aucun intérêt depuis longtemps. 
Nous ne le nourrissions que par mécanisme, souvent avec un léger agacement pour cette perte de temps inutile. 
Mais alors depuis sa disparition, pourquoi ce désagrément ? Pourquoi cet inconfort ?

Il me semble que ce type d'évènement, aussi insignifiant qu'il semble être, nous met face à un constat déplaisant : nous vivons endormis !
Qui n'a jamais reçu ces emails "polluants", où il est question de l'importance de montrer qu'on aime aux gens qu'on aime, de profiter de l'instant présent pour ce qu'il est, que la clef du bonheur réside dans le ici et maintenant ? Je mets au défi quiconque de déclarer,  avec sincérité, que "quelque chose en eux" n'a pas été touché, au moins de manière fugace. 
Certes, les proses de ces "spams" sont tissés pour provoquer larmoiement et émotion facile mais peu importe, si cela fonctionne, c'est qu'ils font écho à quelque chose en nous...quelque chose d'éteint, en sommeil ou camoufler par le tourbillon de la vie.
Nous vivons pour la plupart vite, très vite, trop vite. 
J'aimerais éviter de tomber dans des lieux communs mais ils sont bien souvent emplis d'une vérité...vérité tellement évidente et claire qu'on ne la voit plus. Au risque de jouer de la philosophie de comptoir, il me semble que dans cette cyber-époque où tout est accessible tout de suite, nous ne parcourons plus le paysage, nous ne faisons que le franchir. Les informations utiles ou inutiles s'enchaînent sur nos écrans, les photos prises par nos téléphones s'accumulent par milliers sans jamais être regardées, etc.
L'aptitude naturelle qui consistait à considérer chaque évènement de notre quotidien dans l'instant, de lui accorder l'attention et l'intention, a pratiquement disparu. 
Sclérosé dans nos frustrations passées,  angoissé par un futur toujours incertain, quelle est la place réservée au présent dans nos vies ?
" Hic Rhodus, hic salta ", C'est ici Rhodes, c'est ici que tu dois danser !" : Jung aimait répéter cette phrase. Oui, c'est ici et maintenant que nous devons vivre, oui une partie de nous ne doit pas craindre de s'engager dans le tourbillon du quotidien, mais il importe également de trouver en soi ce témoin intérieur suffisamment distancié pour ne pas s'identifier aux mouvements du moi. Là est le centre, là est le point fixe, c'est là que s'enracine le Je !

 


Alors, me direz vous, que reste t'il à faire ?
Peut-être réapprendre à apprécier le temps qu'il faut pour regarder le poisson rouge.

samedi 7 mai 2022

Se réaliser, pas seulement guérir...

"La voie des assimilations successives conduit bien au-delà du succès curatif intéressant spécialement le médecin; elle mène en définitive vers ce but lointain qui, motif peut-être primordial, occasionna la vie, je veux dire vers la réalisation pleine et entière de tout l'individu, l'individuation
Nous autres médecins sommes sans doute les premiers observateurs conscients de ce processus obscur de la nature. Mais, en règle générale, nous n'assistons qu'à l'épisode pathologique, perturbé, de ce développement et perdons de vue le malade une fois guéri. Cependant, ce n'est qu'après la guérison que nous aurions l'occasion réelle d'étudier le processus normal qui s'étend sur des années et des dizaines d'années.
Si l'on avait quelque connaissance des buts auxquels tend le développement inconscient et si le médecin ne puisait pas précisément ses connaissances psychologiques dans la phase maladive et perturbée, l'impression que laissent dans l'esprit d'un observateur les processus révélés par les rêves serait moins décousue et l'on pourrait reconnaître avec plus de clarté quel est le dessein suprême des symboles.
A mon avis aucun médecin ne devrait perdre de vue que tout procédé psychothérapeutique, et en particulier le procédé analytique, fait irruption dans un ensemble, dans un décours orienté - tantôt en tel endroit, tantôt en tel autre - découvrant chemin faisant certaines phases qui, dans leurs tendances particulières, paraissent être contradictoires.
Chaque analyse ne révèle qu'une partie ou qu'un aspect du phénomène fondamental ; c'est la raison pour laquelle les comparaisons casuistiques* n'engendrent tout d'abord qu'une confusion désespérante. Aussi, est-ce malgré tout volontiers que je me suis cantonné dans des considérations élémentaires et pratiques, car ce n'est qu'au voisinage immédiat de l'empirisme quotidien qu'il est possible d'arriver à un accord à peu près satisfaisant."
C.G. Jung, L'homme à à la découverte de son âme, p270 

*Examen à la lumière des principes de la discipline dont il relève.