Quoi qu'il en soit, tirage original de 1960, quelques mois avant son grand départ....une présence (raccompagnée), manifestement dans sa "tour" de Bollingen.
vendredi 18 octobre 2024
Photo inédite du maître zurichois ?
samedi 18 mars 2023
La pierre de Bollingen
Dans la rubrique où nous levons le voile sur l'intimité de Jung, impossible de ne pas aborder la tour de Bollingen, cette construction extérieure accompagnant une certaine construction intérieure, comme l'a magistralement démontré Michel Cazenave...
A l'extérieur de la tour, dans le jardin, placée devant le lac, se tient la pierre cubique. Jung entama la taille pour ces 75 ans :
« En 1950, j’ai élevé une sorte de monument de pierre à ce que la tour représente pour moi … La pierre se trouve en dehors de la tour, dont elle est comme une explication. » (Jung, Ma vie, p269)

« Le temps est un enfant qui joue comme un gamin penché sur un jeu de table, le royaume de l’enfant. C’est Télésphore qui vague à travers les régions obscures du cosmos et qui, pareil à une étoile, resplendit des profondeurs. Il montre le chemin vers les portes du soleil et vers le pays des rêves. »
« Je suis un orphelin, seul. Pourtant on me trouve partout. Je suis un, indivisible, mais opposé à moi. Je suis à la fois jeune homme et vieillard. Je n’ai connu ni père ni mère. Parce qu’on doit me tirer de la profondeur, comme un poisson. Ou parce que je tombe du ciel comme une pierre blanche. Je vague à travers les bois et les montagnes, mais je suis caché dans l’intime de l’homme. Je suis mortel pour tout le monde. Pourtant la mutation des temps ne m’effleure pas. »
jeudi 9 mars 2023
Jung et la mort
En préliminaire, le lecteur pourra s'attarder sur cette partie de vidéo, où Jung tente de parler de la mort, ou plutôt de la "posture" de la psyché face à la mort.
Au moment de l'interview, Jung a consacré une quinzaine d'années d'étude sur le rapport de la psyché et la matière et rédigé des ouvrages majeurs sur ce thème. Son œuvre est donc pleinement accompli...
Jung a mené sa vie en choisissant depuis 1912 de se laisser guider par sa lueur intérieure plutôt que par les lumières extérieures, ce n'est donc certainement pas à 84 ans que ce "vieux sage" va jouer la langue de bois.
Le merveilleux livre de Cazenave (Jung, l'expérience interieure, ici par exemple ) nous a fourni une très heureuse source d'inspiration...
"Ce que l'on appelle la vie est un court épisode entre deux grands mystères qui n'en font en réalité qu'un seul. Je ne peux jamais m'attrister d'une disparition. Les morts ont la durée, et nous, nous ne faisons que passer."
" On voit bien à de telles discussions ce qui m'attend lorsque je ne serai plus là qu'à titre posthume. Alors tout ce qui aura été vent et feu sera transformé et distillé en esprit chimique et on en fera des préparations pharmaceutiques mortes. C'est ainsi que les dieux sont inhumés dans le marbre et l'or tandis que les simples mortels comme moi le sont dans le papier. "
Ces écrits provenant de correspondance (comme toutes celles mentionnées dans ce billet) ne reflèteraient-elles plutôt la lucidité de l'explorateur des âmes, qui sut, très tôt, discerner la part d'éternelle du plus dense chez l'homme.
"...je vous suis reconnaissant pour l'aide que vous m'apportez. J'en ai besoin dans les gigantesques malentendus qui m'entourent. Toutes les richesses que je parais posséder sont aussi ma pauvreté et font ma solitude dans le monde. Plus je semble posséder, plus j'ai à perdre, quand je me prépare à franchir la sombre porte. Je n'ai pas choisi ma vie avec ses manques et ses accomplissements. Elle est venue à moi avec un pouvoir qui n'est pas le mien. Tout ce à quoi je suis arrivé sert un projet que je n'ai pas prévu. Tout doit être réalisé et rien ne m'appartient. Je suis parfaitement d'accord avec vous : il n'est pas simple d'atteindre la pauvreté et la simplicité la plus extrême. Mais c'est ce qui vous arrive, que vous le vouliez ou non, lorsque vous en arrivez à la fin de votre existence."

Pour saisir la position de Jung sur ce sujet, il convient de conserver à l'esprit un corollaire à sa psychologie : pour celui qui a pris conscience de l'éternité nichée au fond de lui, de cette force universelle, de cette source de transcendance immanente (Deux "extrémités" qui, dans la clinique jungienne, trouve conjonction sans jamais se concilier), pour cet individu, la vision du monde et sa vie ne peuvent plus jamais être la même !
Jung l'évoque par la métanoïa, quand d'autres sources utiliseront différentes terminologies.
"Après la mort de ma femme, en 1955, je ressentis l'obligation intérieure de devenir tel qu'en moi-même je suis. Plus tôt, je n'aurais pas été à même de le faire : je l'aurais considéré comme une présomptueuse affirmation de moi-même. En vérité, cela traduisait la supériorité de l'ego acquise avec l'âge, ou celle de la conscience. "
On pourrait s'étonner que Jung parle ainsi de supériorité de l'ego alors que sa psychologie entend justement le remettre à sa juste place.
C'est, semble t'il, qu'il ne parle plus du complexe du moi mais de cette instance médiatrice qui est la seule à pouvoir inonder et éclairer la conscience...la conscience de l'être individué ne ressemble plus à celle de qui n'a pas opéré les douloureuses différenciations d'avec l'inconscient.
"Je vais sur 82 ans et non seulement je sens le poids des ans et la fatigabilité qui en résulte, mais j'éprouve aussi la très impérieuse nécessité de vivre en conformité avec les exigences intérieures qui sont celles de mon âge. La solitude m'est une source bienfaisante qui fait que la vie me paraît valoir d'être vécue. Parler devient assez souvent pour moi un supplice, et j'ai fréquemment besoin de plusieurs jours de silence pour me remettre de la futilité des mots. Je suis sur le chemin du départ et je ne regarde en arrière que quand je ne peux pas faire autrement. Le voyage que l'on va entreprendre est en soi déjà une grande aventure, mais pas de celles dont on aurait envie de parler abondamment... Le reste est silence !"

* sérénité dans l'imminence de la mort"Le spectacle de la nature éternelle, me rappelle douloureusement à quel point je suis faible et éphémère, et l'idée d'une aequinimitas in conspectu mortis* n'a rien pour me réjouir. Comme je l'ai rêvé un jour, ma volonté de vivre est un daïmon incandescent qui, de temps en temps, me rend diaboliquement difficile l'acceptation consciente de ma condition de mortel. Tout au plus peut-on, comme l'économe infidèle, sauver la face, et même cela n'est pas toujours possible, de sorte que mon maître ne trouverait même pas grande matière à louange. Mais de cela, le daïmon ne se préoccupe pas, car la vie est, au fond, comme l'acier sur la pierre. "
lundi 2 janvier 2023
Jung dans l'intimité...
Difficile d'évoquer l'intimité d'une personnalité dont même ce qu'il appelait "âme" a été exposée, avec son consentement et son désir de témoignage (petit bémol sur le Livre rouge mais je ne souhaite pas alimenter un débat stérile)...pour autant, ce qui nous reste de ses écrits, hors "livres d'essai", permet de se rapprocher, de sentir, parfois "en creux", la présence d'un Jung bien singulier.
Même pour un adepte (au sens plein) de l'authenticité, beaucoup de mises en scène décelables dans les clichés ou les (rares) apparitions médiatiques de son époque...libre à nous pour autant de "ressentir", c'est à dire de laisser vivre la part insaisissable de notre sensibilité, de nos instincts.
J'ai donc ouvert une nouvelle rubrique "Jung discret", discret dont l'étymologie ramène à la sagesse, la discrétion et l'art du discernement.
J'ay apporterai, au fil du temps, quelques clichés peu connus, écrits, rarement évoqués, correspondance, peu exploitée, et dont j'assume l'entière subjectivité du choix...
Cette photo bien connue, que j'ai sciemment utilisée sur tous les médias numériques de "Autour de Carl", reste pour moi, une splendide source de contemplation, une intarissable source d'imagination pour "lire Jung"...les pieds dans l'eau, le regard "libéré" vers le lac de Zurich, au pied de sa tour de Bollingen...l'eau qui a toujours exercé une fascination pour Jung, dont il déduira la source.
Il nous en fournira un produit fantastique dans La vie symbolique, psychologie et vie religieuse.
L'inconscient est comme la nature : neutre. S'il est destructif d'un côté, de l'autre il est constructif. Il est la source de tous les maux possibles, et en même temps la matrice de toute expérience du divin, et - si paradoxal que cela semble - c'est lui qui a produit la conscience, et qui la produit encore. Une telle assertion ne signifie pas que c'est la source qui crée l'eau; que l'eau est produite à l'endroit précis où l'on voit jaillir la source; l'eau monte des profondeurs de la montagne, par des chemins secrets, pour atteindre la lumière du jour. Lorsque je dis "voici la source", je veux dire par là simplement l'endroit où l'eau apparaît au regard. Cette métaphore de l'eau exprime de manière assez juste la nature et l'importance de l'inconscient. Là où il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de vie; là où il y en a trop, tout est noyé. C'est la tâche de la conscience que de choisir le lieu juste où l'on ne se trouve pas trop près de l'eau, ou trop loin d'elle; mais l'eau est indispensable.