mardi 17 décembre 2013

Le torrent...

"...L'homme de 37 ans, père de deux enfants, comparaît aujourd'hui devant la cour d'assise pour le meurtre et le viol de cette fillette de 8 ans, mais tout de suite, la météo du jour, il va faire frisquet Louis apparemment..."

"...Merci Marie, en effet, ce débat autour de l'euthanasie est loin d'être aisé et suscite beaucoup de réactions, mais n'oubliez pas que durant toute la journée, Jeff de Bruges vous offre des ballotins de Noël, petits veinards..."

Est ce que quelque chose vous choque ?
Il n'y a pourtant pas de raison, apparemment, puisque, à quelques mots près, voici très précisément ce que j'ai entendu ce matin à la radio, RTL, donc de très grande audience, en l'espace de quelques minutes.

Saviez vous qu'à notre époque, un individu normalement "connecté" reçoit, en une seule journée, autant d'informations qu'une personne au 18ème siècle recevait durant toute sa vie ?
Me revient à l'esprit ce terme, inventé par Louis Claude de Saint Martin (voir ici ou ) d'homme de torrent, pour qualifier celui qui se laisse porter par les courants tumultueux et incessants des sollicitations externes, souvent sociétales, entretenant l'individu dans une appétence matérielle toujours renouvelée, jamais assouvie...la société que j'ai entraperçu ce matin, nourrit jusqu'à écœurement l'homme de torrent.

Je me suis rappelé, ce matin, cette défiance terrible que nourrissait Jung pour le collectif qui broie l'individu ou, pire, empêche son plein développement...

Mais, si jamais l'homme s'arrête un instant, accepte de contempler le torrent qui l'entraîne et, surtout,  ne tente pas de lutter contre, probablement entendra t'il ce petit murmure, ce souffle, spiritus, venant de l'intérieur, tuant soudain les désirs pour ne laisser la place qu'au Désir (encore une jolie expression de Saint Martin que cet homme de Désir).

lundi 26 août 2013

Devenir sens



Le sens de mon existence est que la vie me pose une question. Ou, inversement, je suis moi-même une question posée au monde et je dois fournir ma réponse, sinon j'en suis réduit à la réponse que me donnera le monde.

Extrait de "Ma Vie" 

lundi 12 août 2013

Place à la vraie magie...

 
L'été, son lot de soleil, d'heures où l'on réapprend le temps de vivre, voici un nouveau partage autour du piano...cette fois, j'ai été puiser dans le registre classique parmi les interprètes qui me font vibrer.
 
Dans l'espoir que cette parenthèse musicale vous relie, ne serait ce qu'un instant, avec la magie ambiante et la présence des dieux...






samedi 3 août 2013

Viktor Frankl - Psychologie et quête de sens

 
Le lecteur régulier de ce blog en aura pris l'habitude, j'aime évoquer, au gré de mes envies et émotions, des hommes et leurs pensées. Viktor Frankl est un personnage particulier dans le paysage de la psychologie, peu connu en France (doit on, à l'instar d'un Jung, établir un lien avec son intérêt pour ce qui n'est pas "rationnel" ?); son parcours de vie et son approche éminemment spiritualiste font de lui un personnage atypique et marquant...à découvrir donc.

Son histoire
Autrichien de souche, le petit Viktor démontra très précocement un intérêt pour l'homme, la conscience, la vie interne , psychique...établissant une relation épistolaire avec Freud à 15 ans, il le rencontra quelques années plus tard et le "père" de la psychanalyse marquera durablement Frankl (Même lors de son éloignement de l'école freudienne, il conservera un grand respect et une forme visible d'admiration pour Freud).
A noter également, et ce n'est pas si anecdotique, son adhésion à "l'école de Adler" qu'il quittera pour divergence de pensée. Déporté avec sa famille durant la seconde guerre mondiale, il fut le seul rescapé. Il paraît évident que cette expérience extrême aura un impact définitif sur l'orientation de son œuvre
Spécialisé en neurologie et psychiatrie, il fonda, sur le tard, un institut pour diffuser, pratiquer et enseigner sa psychologie spécifique, la logothérapie (de logos, à la fois parole, raison et idée éternelle).


Approche de sa pensée
Revenons sur l'épisode en camp de concentration.
Constatant que la robustesse physique n'avait pas de lien avec la survie des prisonniers, il réalisa qu'une force et un potentiel phénoménaux se nichaient dans ce qui constituait le sens pour l'homme...ceux qui réussissait à trouver un sens, une harmonie directrice pour eux dans le chaos extérieur apparent, parvenait à réveiller une énergie qui les maintenait en vie, coûte que coûte.

Pour Frankl, le sens de l'individu trouve sa source dans le spirituel. Il en a une définition assez personnelle d'ailleurs.
 "Un homme qui a trouvé une réponse à la question du sens de la vie, est un homme religieux". 
Il va même plus loin en mentionnant un inconscient spirituel, mais ce billet ne me permet pas de m'étendre plus avant (pour le moment).


Si loin de Jung ?
Objectivement, de nombreuses similitudes se retrouvent dans leur pensée :
  • le domaine de la religion et du sacré sont à considérer à part entière,
  • l'homme est une totalité trinitaire, guidée par le "spirituel",
  • certaine névrose sont liées à une religiosité refoulée (l'âme en souffrance de Jung),
  • l'homme doit laisser vivre en lui la "spontanéité" (chez Frankl, elle est similaire au "non rationnel" de Jung),....
La liste est loin d'être exhaustive....j'aime aussi rapprocher leur personnalité qui les a conduit tous les deux, au cours de leur vie, à des ruptures fortes au nom de leur autonomie de pensée.
 
Frankl rejette les propositions de Jung
Si j'ai insisté sur l'attachement originel de Frankl à Freud, c'est parce que je pense que cela a limité son ouverture à une pensée finalement proche de la sienne...une collaboration, même provisoire, entre ses deux "archéologues de l'âme", percevant l'importance du champ du spirituel dans la dynamique de construction psychique, aurait surement été des plus fructueuse. 
 
Quelles propositions de Jung gênent Frankl ?
"En fait, la religiosité inconsciente ne représente à aucun degré, chez Jung, une option personnelle de l'homme."
Pour Frankl, la notion d'archétype collectif aliène l'individu et ne lui permet plus de développement personnel.
Peut être faut il rappeler que l'archétype n'existe qu'en tant que potentialité et ne devient objet que par son "incarnation" dans la psyché individuelle, qui prend, de fait, une teinte toute singulière et personnelle à chaque fois.
"Une religiosité authentique n'a pas le caractère d'une pulsion, mais celui d'une option. La religiosité s'affirme avec son caractère d'option et s'éteint avec son caractère de pulsion. La religiosité est existentielle ou bien n'existe pas."
Se niche ici une subtilité délicate...en effet, pour Frankl, existe un être spirituel, appelé "inconscient spirituel", qu'il convient de laisser "éclore" et qui relie l'individu au spirituel par l'émergence du sens. Cette dynamique s'opère par et pour l'individu et est donc guidé par le moi...pourquoi pas ?
Mais il apparait, cliniquement, que si ce travail n'est pas engagé et "l'être spirituel" étouffé, les problèmes psychiques surgissent sans exception.
Finalement, en terme très simple, la collaboration en conscience à notre "édification psychique" est LA clef du sens (qui établit l'harmonie au sein de l'interne et entre l'interne et l'externe).
 
Renforçant probablement la confusion pour Frankl, la libido, source des pulsions, trouvent deux définitions radicalement éloignées chez Freud et Jung. La définition "pansexuelle" de Freud devient une énergie psychique non spécifiée chez Jung, pouvant investir plusieurs champs.

En conclusion provisoire, notons que l'ouvrage majeur de Frankl pour comprendre ses travaux est "le Dieu inconscient".
 
Livre By Viktor Frankl: Le Dieu Inconscient Psychotherapie Et Religion  Preface De Georges Elia Sarfati Psychotherapie Et Religion Preface De  Georges Elia Sarfati - Lire EPUB PDF

mercredi 19 juin 2013

L'aigle et le rossignol


                            

Connaissez vous Bernadette Brady ?
Astrologue professionnelle de longue date, formatrice et auteur d'ouvrage autour de ce thème, c'est aussi une chercheuse, anglaise, qui ne limite pas sa pratique à un corpus de techniques et connaissances bien établis mais tente "d'aller au delà", de comprendre, d'ouvrir de nouveau horizons...Son excellent livre (voir ici, malheureusement seulement paru en anglais) sur la prédiction en astrologie nous offre une petite fable que j'ai beaucoup aimé et dont je souhaitais vous livrer une version.

La petite aventure de ces deux oiseaux est évidemment à prendre comme une jolie allégorie.

Oublions tout ce que nous savons, et considérons l'aigle comme la raison, l'intellect, le savoir (puisque c'est en somme l'exercice proposé dans le livre) et le frêle rossignol comme l'intuition, la poésie, la part non rationnel en nous,...
Libre à vous de transposer différemment et de laisser vaquer votre imagination personnelle.
Il était une fois deux oiseaux, remarquables chacun par une singularité propre.
L'aigle par sa force, son regard perçant, sa capacité à voler très haut et très longtemps. 
Le petit rossignol, lui, possédait un chant mélodieux qui réjouissait tout le monde.
Ces deux volatils aspiraient à la même chose, pouvoir se faire remarquer par Dieu et bénéficier de son regard aimant.

L'aigle, sûr de lui, partit à tire-d'aile à la vertical en se disant qu'il allait bien rencontrer Dieu; une fois au dessus des nuages, de toute sa puissance, il poussa son cri d'aigle. Rien ne se passait. 
Dieu ne voyait pas avec ses yeux et n'écoutait pas avec ses oreilles...mais par l'âme. 
Le petit rossignol, tout aussi sûr de lui, prit son plus joli timbre de voix et entonna une splendide sérénade, le bec tendu vers le ciel, afin de capter l'attention du créateur.

Dieu ne voyait pas avec ses yeux et n'écoutait pas avec ses oreilles...mais par l'âme.  

Les deux oiseaux frustrés eurent alors une idée : le petit rossignol grimpa sur le dos de l'aigle qui partit aussitôt à la conquête des nuages...une fois dans les hauteurs, à portée de Dieu, le rossignol entama son plus beau chant. 
Dieu ne voyait pas avec ses yeux et n'écoutait pas avec ses oreilles...mais par l'âme. Dieu ne vit pas l'aigle, n'entendit pas le rossignol, mais sentit que deux âmes s'unissaient près de lui...il posa alors le regard sur eux et accorda sa bienveillance.


 

vendredi 31 mai 2013

Sérendipité. Place à l'instinct !


"...l’art de trouver ce que l’on ne cherche pas 
en cherchant ce que l’on ne trouve pas..."

De nombreuses années plus tôt, je découvris ce mot dans un ouvrage de Jung. Tout me plaisait, à priori, dans ce mot, la consonance pleine et ronde, agréable à l'oreille, l'équilibre des syllabes. Quand son sens me fut révélé, il lui conféra alors presque un caractère magique...

Le sens général
 
La sérendipité est la découverte totalement fortuite d'une trouvaille qu'on ne cherchait pas
Ce terme a été inventé par un philosophe anglais, Walpole, sur la base d'un néologisme (serendipity).

Il y a plusieurs sens induits qui constituent finalement, autant de degrés à considérer de la sérendipité. 
La proposition de l'ethnographie me plait tout particulièrement et c'est donc celle-ci que j'ai retenu :
  1. On découvre par hasard ce que l'on ne cherchait pas. Vraie sérendipité.
  2. On découvre autre chose que ce que l'on cherchait grâce à un concours de circonstances favorables. Vraie sérendipité.
  3. On découvre par hasard ce que l'on cherchait. Pseudo-sérendipité.
  4. On découvre grâce à un concours de circonstances favorables ce que l'on cherchait. Pseudo-sérendipité.
 
Bien entendu, les exemples sont innombrables dans l'histoire de l'humanité, de la pénicilline à la tarte Tatin en passant par l'ADN, le lecteur pourra s'amuser à les recenser à sa guise...

Et l'homme face à la sérendipité ?
 
Qui dit sérendipité, dit réception et attention, cette remarque n'est pas anodine pour la suite de notre billet.

Avec Platon et les Sophistes, le constat était déjà établi que l'on ne pouvait pas chercher ce que l'on ne connaissait pas parce que l'on ne sait pas ce que l'on doit chercher. Évident...en apparence.
La sérendipité privilégie pourtant les expériences, les ressentis, la position de guetteur, de fureteur, de vigie.

Ceux qui savent toujours où ils vont ne risquent jamais de se trouver ailleurs.

« Il fallait être Newton pour apercevoir que la Lune tombe, quand tout le monde voit qu’elle ne tombe pas » P. Valéry

La sérendipité, ce cadeau du "hasard heureux", demande une ouverture et des dispositions particulières pour émerger. 
Toucher la "perméabilité" aux choses, garder en alerte un regard de l'ensemble distinct du particulier, accepter l'inattendu et lui laisser une chance d'entrer dans nos vies, voici les critères principaux qui permettent la sérendipité.


Utile la sérendipité ?
 
Au risque d'être réducteur, il semble que la sérendipité exige une certaine qualité d'être
On peut aussi, raisonnablement, rapprocher cette qualité de celle définie par la fameuse injonction jungienne, décrivant l'attitude adaptée de l'homme face à son inconscient : "Laisser advenir".

Car oui, finalement, dans le chemin laborieux de l'individuation, la croisée de cette force structurante en nous et de notre conscience conduit, très souvent, à d'étranges rencontres, révélations, surprises et à ce que le produit de ces rencontres soit généralement tellement loin de ce que nous souhaitions initialement...c'est aussi cela la magie de la transformation qui opère, l'alchimie subtile de la vie.

Pour conclure sur le sujet, j'aimerais revenir sur cette analogie hasardeuse, voire trompeuse, que l'on fait communément entre sérendipité et synchronicité. 
Sur le "plan de l'objet" ou celui du processus engagé, on peut évoquer des similitudes. Mais rappelons, simplement, que la synchronicité tient avant tout à la notion de "révélation personnelle"'...la tarte Tatin n'a qu'à bien se tenir.
 

Plus loin
 
Deux ouvrages majeurs, assez conséquents, délicats à la digestion.


mercredi 17 avril 2013

Psychologie et philosophie - Zofingia - JUNG

Voici "le petit dernier" des éditions Albin Michel qui, depuis quelques années et sous la direction de Michel Cazenave, a entrepris la traduction française des séminaires et conférences de Jung...heureuse initiative !
Après les conférences de Tavistock (voir ici), nous voici gratifiés par les élans de jeunesse d'un Jung, passionné, engagé et fougueux...et en même temps porté par une profondeur de réflexion où se dessine sa  future psychologie.

Sommaire
Le livre est composé des conférences, dans l'ordre chronologique.
- Les limites de la science exacte (novembre 1896)
- Quelques réflexions sur la psychologie (mai 1897)
- Discours d'investiture à la présidence de la société de Zofingue 1897-1898
- Réflexions sur la nature et la valeur de la recherche spéculative (semestre d'été 1898)
- Réflexions sur la conception du christianisme en rapport avec l'enseignement d'Albrecht Ritschl (janvier 1899)


Contexte
Jung est étudiant en médecine, il a alors 21 ans. Riche de ses lectures philosophies et théologiques, de ses questionnements intérieurs qui seront dévoilés beaucoup plus tard dans Ma Vie, le voici propulsé dans la société Zofingia. Ce groupement d'étudiants avait, à l'origine, une véritable vocation politique, promulguant la création d'un fédéralisme de la Suisse. On trouvera d'ailleurs beaucoup d'allusion politique, notamment par des considérations de l'influence de l'état sur l'individu, dans les conférences de Jung (thème qui sera aussi celui d'un de ses derniers essais, Présent et avenir).
"Patriae, Amicitiae, Litteris" (A la Patrie, à l'Amitié, à la Science) était la devise de cette société, tout un programme !



Avis personnel
De la fougue, de l'impétuosité...naturelle ou calculée ? c'est un peu la question que je me suis posée tant on a du mal à reconnaître la patte de Jung. Et puis, bien vite, je me suis rappelé qu'il s'agissait de conférences, oral donc, d'un auditoire de la fin du 19ème, constitué de la jeune élite intellectuelle suisse engagée dans un mouvement politique et social...
Quoi qu'il en soit, ce Jung passionné est passionnant. Frondeur, certes mais aussi d'une profondeur et d'une maturité stupéfiante.
Le point indéniable que l'on identifie très rapidement : les germes de pratiquement tous les grands concepts de sa future psychologie sont mises à jour...même si l'histoire nous dit que la période de profonde régression après la rupture avec Freud et la rédaction des sept sermons furent les véritables sources et nourritures de sa pensée, il apparaît ici évident que "le matériau était déjà identifié".

Quelques extraits

Introduction
L'intérêt de ces premières «lectures» n'est pas seule­ment de nous donner un aperçu de l'homme qu'était Jung à cette époque, mais de nous montrer à quel point ses vues de jeunesse concordent avec sa pensée ultérieure et comment il tentera finalement, tout au long de sa vie, de répondre aux questions qui l'agitaient alors.
Sur l'âme 
"Nous pourrions, en étant audacieux, donner à ce sujet transcendantal le nom d'âme. Qu'entendons-nous par l'âme? L'âme est une intelligence, indépendante de l'espace et du 

temps.......Puisque l'âme n'est pas une forme de force matérielle, on ne peut émettre aucun jugement sur elle. Or, tout ce qui ne peut être soumis au jugement subsiste cependant en-dehors des concepts d'espace et de temps. L'âme est par conséquent indépendante de l'espace et du temps. Il existe donc pour nous une raison suffisante de postuler l'immor­talité de l'âme."
Sur l'empirisme 
"Le fondement de toute philosophie se doit d'être empirique. Toute philosophie se fonde vérita­blement sur ce que nous expérimentons par nous-mêmes et pour nous-mêmes dans le monde qui nous entoure. Toute construction a priori qui s'abstrait de l'expérience conduit à l'erreur. Nous devrions déjà le savoir, depuis les premiers philosophes post-kantiens comme Fichte, Schilling, Hegel, etc.. Comme le dit Nietzsche, notre phi­losophie se doit avant tout d'être une philosophie de ce qui nous entoure. Elle doit ouvrir sur l'inconnu en se fondant sur la base réelle de l'expérience,..."
Sur les limites de la causalité 
"Un caillou tombe au sol. Pourquoi ? À cause de la gravité. Pourquoi réagit-il à la gravité? Parce que telle est sa propriété. À ce point précis, notre capacité à saisir la situation atteint sa limite. Nous admettons en lui-même le principe incompréhensible de la gravitation universelle, c'est-à-dire que nous établissons un postulat transcendantal. La causalité nous conduit à une chose en soi que l'on n'est plus en mesure d'expliquer, à une cause primitive de nature transcendantale. En ce sens, il convient également de concevoir la catégorie de la causa­lité comme un indice merveilleux et a priori qu'il existe des causes de nature transcendantale, c'est-à-dire un monde invisible et inconcevable pour nous, une continuation de la nature matérielle dans le royaume de l'incalculable, de l'in­commensurable, de l'indéchiffrable."
Sur la dualité et l'opposition apparente des choses. 
Le monde absolu ne se divise pas en deux royaumes dis­tincts, celui de la chose en soi d'un côté, et le monde phé­noménal de l'autre. Tout est Un. Ce n'est que pour nous que cette division existe, parce que nos organes sensoriels ne sont capables de percevoir que certaines sphères du monde absolu.
Jacob Bôhme a dit: 
Sans opposition, aucune chose ne peut apparaître à elle-même; car s'il n'y a rien en elle qui lui résiste, elle se répan­dra perpétuellement vers l'extérieur et ne rentrera plus en elle-même, et si elle ne rentre pas de nouveau en elle-même, en sa source originelle, elle ne saura rien de sa condition première.

mardi 26 mars 2013

Approche de la Gnose

Document copte de Nag Hammadi
"De 1918 à 1926, je me suis sérieusement plongé dans l'étude des gnostiques. Je me suis intéressé à eux, car les gnostiques, eux aussi, avaient rencontré, à leur façon, le monde originel de l'inconscient
Ils s'étaient confrontés avec ses images et ses contenus qui, manifestement,étaient contaminés par le monde des instincts.


De quelle façon comprenaient-ils ces images ? 
Cela est difficile à dire en raison de l'indigence des informations qui nous sont parvenues à ce propos, d'autant plus que ce qui nous en a été transmis provient le plus souvent de leurs adversaires, les Pères de l'Eglise..."
Extrait de Ma Vie, p 239

La Gnose, un sujet difficile, souvent mentionnée, pourtant très mal connue...comme l'extrait du dessus nous l'indique, Jung y a vu un petit caillou, ces petits cailloux qu'il s'est efforcé de retrouver pendant des décennies pour suivre l'évolution de l'humanité, sur le plan psychique, et y comprendre la place de l'individu dans ce vaste mouvement.

Je me réserve le prochain billet pour commencer le décryptage et la définition de la gnose, vaste programme, aujourd'hui, je veux livrer un témoignage, d'un des grands écrits apocryphes (retenons la définition issue de l'étymologie grecque, apókryphos, « caché »), l'évangile selon Thomas.


Ils Lui dirent :

Alors, en étant petits,
Irons-nous dans le Royaume ?
Jésus leur dit :
Quand vous ferez le deux Un,
Et le dedans comme le dehors,
Et le dehors comme le dedans,
Et le haut comme le bas,
Afin de faire le mâle et la femelle
En un seul
Pour que le mâle ne se fasse pas mâle
Et que la femelle ne se fasse pas femelle,
Quand vous ferez des yeux à la place d’un œil,
Et une main à la place d’une main,
et un pied à la place d’un pied,
Une image à la place d’une image,
Alors vous irez dans le royaume.

Logion 22 (logion est une parole rapportée du Christ)




Chacun appréciera ces mots, qui ne sont pas sans nous rappeler ceux du fameux texte hermétique de la table d'émeraude de Trismégiste, et qui, sans équivoque, traite d'une conjonction des opposés, d'une union à accomplir dans le multiple...le lien est fait !

A bientôt...

dimanche 17 mars 2013

Delphes - Un enseignement antique

Temple d'Apollon
J'ai toujours considéré avec beaucoup de respect et d'intérêt la sagesse antique, les mythes et, bien entendu, la philosophie socratique. C'est donc naturellement que j'ai envie de vous faire partager de petites pensées, non sans lien avec le thème central de mon blog, l'âme humaine.
L'oracle de Delphes est relativement connu, notamment pour son précepte clef, l'incontournable "connais toi toi-même"...saviez vous en fait que le fronton du temple d'Apollon comportait de nombreux autres préceptes, qui demeurent encore partiellement traduits de nos jours, je vous en livre quelques uns.
  
« Connais-toi toi-même »

C'est dans le dialogue de Socrate avec Alcibiade (en particulier le premier dialogue où Platon expose, en profondeur, le principe de la connaissance de soi) que l'on trouve évoqué ce thème. Bien entendu, pour se voir, se découvrir, se connaître, il faut un œil. Mais il faut aussi quelque chose qui nous renvoie l'image car l’œil ne peut pas se contempler tout seul. Ainsi, un autre œil est nécessaire et, si la quête de la vérité est la notre, il faut saisir le miroir d'un œil qui la détient, celui du domaine divin (chez les grecs, Dieu est une valeur ultime, le beau, le vrai, qui n'a que peu de rapport avec le Dieu monothéiste défini par la théologie).
Abandonnons provisoirement Platon pour saisir l'analogie de ce dialogue discursif avec la pensée de Jung :
  • l’œil qui saisit l'intériorité est l'âme,
  • l'âme de l'autre me permet de contempler une image, partielle et floue mais dont les contours se dessinent, de la mienne (par le jeu des projections),
  • enfin, la part intangible et éternelle qui nous constitue (le monde des archétypes, le Dieu des grecs), devient la matrice "nourricière" de notre être qui, enfin, se "re-connaît".

« Rien de trop » et « Au dieu l'honneur » 

Némésis
Je vois dans cette injonction la mise en garde pour celui qui, sur le chemin de la connaissance, de la sagesse pour les grecs ou, pour nous, en plongée dans l'inconscient, s'approprie la part d'âme qui n'est pas sa propriété (qui dépasse son inconscient personnel). 
Les grecs avaient un terme précis pour désigner cette faute, qui était d'ailleurs une des plus graves dans leur civilisation, c'est l'hybris, la démesure de l'homme qui se prend pour un géant, un Dieu, la faute "prométhéenne". 
Mais la mythologie grecque étant d'une richesse infinie, la contre mesure de cet "enflement" égotique était la terrible némésis, cette déesse pouvait en effet appliquer la vengeance sur le coupable en le condamnant à une réduction drastique de son être, à ses limites humaines les plus restrictives...

  • l'âme, à la rencontre des dieux (les archétypes), peut s'identifier à eux et perdent les frontières qui le constituent
  • dans cet état particulier, la terrible Némésis (l'inflation) condamne l'être à sa portion congrue, empêche la conscience de s'enrichir, rompt avec la nature de l'homme...
Cette philosophie, qui parfois nous semble lointaine, est intemporelle et s'attache à des enjeux du quotidien, dans notre rapport à l'homme, la nature, et ce qui les dépasse.
Il est aisé de comprendre pourquoi la pensée platonicienne et néo-platonicienne a tant inspiré Jung.

vendredi 1 mars 2013

Jung, Guérisseur, blessé de l'âme - Dunne




Une énième biographie me direz vous...pas tout à fait. 
Si j'ai eu envie de vous présenter cet ouvrage, c'est qu'il recèle des petits bijoux qui donnent un éclairage assez nouveau sur notre truculent psychologue.






L'auteur : Clare Dunne

Voici un personnage inhabituel dans cette section sur les livres. Pas de diplôme de médecine, pas de titre en psychologie, pas de cabinet...cette ancienne actrice, passionné du monde de la radio et de philosophie, a découvert Jung comme la plupart d'entre nous, au détour de lectures qui l'ont profondément marquées. Reconnaissant dans la pensée de Jung la mise en mot de ce qui l'animait depuis des années, elle décida donc de donner des conférences et séminaires avant de finalement écrire cet ouvrage particulier.

Présentation de l'ouvrage
 
Je ne vais pas réinventer la roue, un site ami a réalisé un travail remarquable de présentation, tant sur la forme que sur le fond, et je me fais une joie de vous indiquer le chemin pour découvrir le contenu de l'ouvrage et, surtout, des illustrations...car il faut bien le reconnaître, ces photos, images, reproductions qui parsèment le livre sont autant d'invitations au voyage de pensée et de supports de projections imaginaires, un véritable régal pour les sens et l'esprit.

Avis personnel
 
J'ai déjà beaucoup dit, évidemment en bien, car j'avoue avoir pris un rare plaisir à parcourir ces pages, avec facilité, comme un visiteur qui entre dans la maison et en fait le tour avant de sortir...ce qui marque dans cette biographie est l'accent mis essentiellement sur l'homme et non sur l’œuvre
On ne trouvera pas de vulgarisation sur l'archétype ou l'individuation, mais de multiple anecdotes de vie, des témoins de passage ou des amis de longue date qui ont marqué la vie de Jung ou ont été marqués par son esprit...c'est vivant à souhait !

Quelques extraits
"...C'est vrai, une force de la nature s'exprime en moi - je ne suis qu'un conduit... J'imagine que, dans bien des cas, je pourrais vous paraître sinistre. Si, par exemple, la vie vous a mené à adopter une attitude artificielle, vous n'allez pas pouvoir me supporter car je suis un être naturel. Ma présence même cristallise; je suis un ferment. Je suis perçu comme un danger par l'inconscient des gens qui vivent d'une manière artificielle. Tout en moi les irrite, ma façon de parler, ma façon de rire... Ils sentent la nature..."
"...L'atmosphère était, dirais-je, intellectuellement vibrante et à la page; les conférences offraient toujours des sujets d'actualité nouveaux. Mais c'étaient les exposés de C. G. Jung, alors encore un inconnu pour moi, qui me touchèrent d'une façon tout à fait particulière. Ils contrastaient tellement avec le rationalisme intellectuel des autres -du moins, c'était mon impression. Mais mon jeune sens de la réalité se mit en alerte en même temps que ma fascination admirative: «Ça, c'est un "super-cerveau", mais est-ce bien vrai ?» Quand, plus tard au cours de la session, je vis Jung, son chapeau planté en arrière sur la nuque, avancer à grandes enjambées et laisser ce milieu social convivial « branché », je me dis : « Si cet homme dit ce genre de choses, c'est que cela doit être en ordre. L'enracinement en terre que je sentais émaner de Jung était pour moi la garantie de la crédibilité de sa psychologie. »...
"...À ma grande surprise, Jung m'accompagna... dans la rue où ma voiture était garée. Il marchait à mes côtés en silence, la pipe à la bouche, perdu à l'évidence dans ses pensées, et je ne disais rien non plus. Il se tourna soudain vers moi et me demanda: «Pourquoi ne me comprennent-ils pas ? » II avait un ton dans sa voix que je ne lui connaissais pas, à la fois plaintif, interrogateur et blessé. Je savais instinctivement à quoi cet «ils» se rapportait. «Ils», c'était le monde extérieur, le monde de la science, de la psychologie et de la psychiatrie officielles, celui des religions établies, des préjugés, qui persistaient à ne pas comprendre et à déformer ses découvertes et sa pénétration du monde intérieur, le monde de l'âme. Dans sa question je sentais la solitude de l'explorateur, du chercheur qui ose regarder au-delà de ce qui est accepté et connu, de celui qui ne peut faire autrement. 
Je lui répondis : « Dr Jung, vous savez aussi bien que n'importe qui au monde pourquoi "ils" ne vous comprennent pas. Ne serait-ce pas simplement du fait que vous êtes en avance de cinquante à cent ans sur notre temps ? » II me regarda un court instant, hocha lentement la tête en silence et me tendit la main pour une dernière poignée de main..."
"Emma Jung mourut cinq jours plus tard, le 27 novembre 1955.

Mon cher Neumann, 
Soyez très sincèrement remercié pour votre lettre si cordiale!... Je ne peux hélas qu'aligner devant vous des mots arides, car la secousse que j'ai vécue est tellement forte que je ne parviens ni à me concentrer ni à retrouver ma faculté d'expression. J'aurais aimé vous raconter en toute amitié, à cœur ouvert, comment j'ai eu, deux jours avant la mort de ma femme, ce que l'on peut bien appeler une grande illumination; en un éclair, elle a fait la lumière sur un mystère aux racines séculaires qui était incarné dans ma femme et avait exercé sur ma vie une influence immense et d'une insondable profondeur. Je ne peux avoir à ce sujet qu'une seule idée: cette illumination émanait de ma femme, qui était alors la plupart du temps sans conscience, et la clarté immense et libératrice de mon intuition a exercé sur elle un effet en retour qui a contribué à lui donner une mort royale et sans souffrance. 
Cette fin rapide et sans souffrance - cinq jours seulement entre le diagnostic définitif et la mort - et cette expérience m'ont été une grande consolation. Mais le silence qui s'est fait autour de moi, ce silence que j'entends, le vide de l'espace et le sentiment d'un immense éloignement, tout cela est dur à supporter..."



jeudi 31 janvier 2013

Libido (2) - La dynamique progression / régression

Après une approche de la libido chez Jung (voir ici), il paraît utile d'aborder sa dynamique au sein de la psyché et les enjeux qui en découlent.
Jung, à l'instar de l'étude des archétypes, s'est bien moins intéressé à la nature même de la libido (concept limite dont on ne peut rien dire avec certitude) qu'à ses effets et contributions dans les processus de transformation psychique de l'homme.
"La systole consciente et puissante qui contracte et engendre l'individuel et la diastole qui élargit avec nostalgie et qui veut embrasser le toutMétamorphoses de l'âme et ses symboles
Petit avant-propos qui me semble indispensable : les termes de progression et de régression désignent deux mouvements contraires qui contribuent, chacun dans leur rôle distinct, à la construction de l'individu. Ce serait donc une erreur d'y lire, comme on peut y être tenté, un acte positif dans la progression et négatif dans la régression...la nature agit hors la morale humaine !

La progression de la libido

On l'assimile souvent à la notion d'adaptation. Ce besoin d'adaptation est constant dans la vie. Par adaptation, il faut entendre la disposition de la psyché à conquérir un nouveau point d'équilibre.
C'est le processus qui, lorsque l'individu est amené à évoluer sous la pression externe ou interne, va permettre d'atteindre l'attitude juste ; dans le registre de la psyché, l'adaptation marquera l'équilibre entre exigence extérieure et intérieure
En d'autres termes, il y a progression lorsque l'individu parvient à s'adapter à de nouvelles sollicitations en "respectant" son harmonie intérieure (en l’occurrence, l'équilibre de la boussole psychologique des fonctions, voir ici) .


La progression, selon Jung, nécessite une fonction consciente dirigée.
Lors d'une nouvelle exigence extérieure, il faut un arbitre pour faire le tri sur ce qui est acceptable ou non en vue de l'établissement d'une attitude : le paramètre déterminant est la fonction dominante interpellée...Ce qui est "banni" tombe dans l'inconscient et entraîne avec lui une partie de la charge psychique (libido) qui va s'accumuler. (Ne jamais oublier la loi de conservation de la quantité qui entraîne ce jeu de vase communicant)
Bientôt la source de libido de la progression tarit !

Par exemple, la situation se présente quand un homme dirigé par son intellect et bon sens (fonction pensée) ne peut plus résoudre la situation par logique et doit puiser dans sa dimension affective contenue et occultée jusque-là.

La régression de la libido

Devant l'impasse de la fonction dominante et l'accumulation des éléments rejetés (base du refoulement), la marche de la libido devient rétrograde.
L'énergie accumulée au fond de la psyché (l'inconscient) va donner vie, 
ranimer des "produits" qui stagnaient alors car occultés par la conscience.
La marche engagée est processus difficile et douloureux. Il s'agit bien de sédiments refoulés qui remontent à la surface, ce que l'individu a écarté pour vivre selon les lois qu'il avait établi.
Ce que lui demande la régression est, ni plus ni moins, d'aller au-delà des frontières de ses interdits intérieurs !
Le conflit qui naît alors est souvent violent et on le comprend aisément. 
L'énergie (=libido) disponible à ce moment à l'inconscient donne une  telle vigueur aux produits de l'inconscient que la conscience n'a aucun moyen de les contrer durablement. L'individu est alors "écartelé". La durée de la lutte et les choix fait détermineront l'issue.
Si l'ego lutte avec acharnement, l'homme se ferme à ses arrivées archaïques, ses fantasmes, ses images incongrues, ses peurs infantiles et la dissociation pointe son nez, avec son lot de névroses voire pire...mais si ce dernier capitule, accepte le dialogue proposé, alors les noirceurs effrayantes deviennent autant de germe de vie, de possibilité de nouvelles dispositions intérieures, et de capacité d'adaptation complémentaire qui vont s'ajouter à celles déjà acquises...l'individu devient plus complet à lui-même !

En résumé, la progression augmente la capacité de discrimination mais consomme l'énergie psychique et la régression fait gagner en nouvelles forces vives et perdre en différenciation (la distinction de ce qui est conscient et ne l'est pas).

Pour paraphraser Jung, il faut donc se préparer à "descendre plusieurs fois aux enfers" .

jeudi 24 janvier 2013

Petit moment de grâce (6)

En attendant le reprise de travaux "sérieux" (j'ai beaucoup de projets en gestation), j'espère que vous prendrez autant que plaisir que moi à découvrir ces paysages dignes d'Eden, accompagnés par des musiques propices à l'enchantement....
Je suggère le "plein écran" pour ceux qui ont un ordinateur leur permettant.







Petit moment de grâce (1)





Petit moment de grâce (5)

dimanche 13 janvier 2013

Ivan Rebroff . La barbe et le coeur


Qui, parmi ceux nés avant les années 80, a pu oublier ce personnage truculent, à la barbe épaisse et drue et à la voix profonde et caverneuse ?
Lorsque l'on mentionne le nom de Rebroff, on pense tout de suite aux chansons classiques russes et pourtant, germanique d'origine, ce soprano a débuté une sérieuse carrière de soliste de choeur puis d'opéra avant de se lancer dans un registre plus populaire. 
Ce géant (1m95), profondément attaché à la foi chrétienne (il réalisera un nombre impressionnant de concerts dans les églises), était reconnu par son entourage pour son extrême sensibilité à l'art et la beauté de la nature...
Je ne me lasse pas de son interprétation facétieuse et du timbre inégalable de sa voix (enregistré sur le livre Guiness des records pour pouvoir parcourir 4 octaves 1/2, par comparaison un piano d'étude en possède 5) qui réveille chez moi des sentiments toujours intenses. Il chantera par réelle passion jusqu'à la veille de son départ, en 2007.
J'aime cette question qu'il pose à la fin du petit (et de qualité médiocre) reportage qui lui est consacré : "Peut être est ce un talent d'être heureux...de l'intérieur ?"  l'était il ? sans nul doute à l'écouter.

Le reportage en quatre volets



Quelques interprétations connues