mardi 25 janvier 2022

Habiter sa maison



Lequel es-tu de ces mille visages que tu montres ?
Pourquoi cours-tu continuellement ?
Sais-tu quel est l’élan qui t’anime ?

Tu rêves de transparence et te voilà plongeant dans le mensonge et la compromission.
Tu crois flotter au-dessus de la foule mais tu es opaque à toi-même.

Tu as soif de profondeur et d’intériorité et te voilà t’installant dans la banalité...banalité rampante qui rogne tes ailes naissantes.

Tu crois régler ta vie pour l’aventure intérieure et te voilà, écervelé, versatile, exubérant, extraverti, te diluant dans le monde avec application.
Où est ta continuité ?
Qu’est ce qui te fait toi ?

Ces questions lancinantes reviennent périodiquement.
Elles entretiennent un fond de frustration et d’insatisfaction qui porte à désirer de plus en plus de changement, avec toujours plus d’ardeur.
Être en vacances de soi et de ses pesanteurs, avancer, avancer, avancer, avancer…alors que cette voie de transformation semble n'être qu'un éternel retour à la case départ.


La voie empruntée n’est que doutes, inconnus, confrontations avec tout ce que tu souhaites fuir...et puis, parfois, un aperçu fugace de la douce lumière, un avant goût de quiétude, une journée « sainte-chronicité ».

Comment écarter le plus difficile au profit du reste ?
Comment trouver l’énergie qui nous fera remonter encore et encore sur le dos du furieux destrier de la vie qui, en un instant, nous fait de nouveau mordre la poussière de l’amertume et de la frustration ?

On nous explique, dans la plupart des traditions, que le but est bien moins important que le chemin…cheminer, c’est bien beau, mais puisque je n’arrête pas de dire que c’est ce que je veux : AVANCER !

Je crois avoir compris, accepté et validé intellectuellement la signification profonde de cette proposition…
Le sens, qui s’éveille avec ou sans validation de l’intellect, doit prendre le pas. Car avec lui, vient l’évidence de l’application. 
Alors, comme quêteur de l' interne, « je m’entends ».
L’arrivée du sens ne se contre pas.
L’âme découvre qu’elle respire.


Maître Eckhart employait à ce sujet une bien belle phrase :
Dieu frappe constamment à notre porte,
mais nous ne sommes pas chez nous.

L’important du chemin n'est pas d'être capté par un hypothétique but du voyage; l’important, c’est d’être présent dans chaque pas. L’important, c’est d’habiter sa maison !

Hic Rhodus, hic salta , c’est ici Rhodes, c’est ici que tu dois danser Jung aimait répéter cette phrase. 
C’est ici et maintenant que nous devons vivre.
Une partie de nous ne doit pas craindre de s’engager dans le tourbillon du quotidien mais il importe également de trouver en soi ce témoin intérieur suffisamment distancié pour ne pas s’identifier au mouvement du moi.
Là est le centre, le point fixe, c’est là que peut s’enraciner le JE.
Oublier d’avoir à oublier.


J’ai réalisé que vivre l’instant avec la présence la plus totale que l’on puisse donner, c’est accepter de ne plus jamais être seul.
Et c’est une pratique âpre, difficile, mais accessible à tous.

Il y a plusieurs choses qui coexistent en moi.

D'une part, cette certitude grandissante d’une présence bienveillante et de la profondeur de ce qu’elle est, et, d'autre part, la vie qui continue à se dérouler selon ses lois propres.

Ce n'est que très progressivement que le mystère de ce nouveau lien va "informer" ma vie c'est-à-dire lui donner forme, la structurer, changer mes façons de sentir, de réagir, d'agir de telle sorte que, petit à petit, ce que je fais, ce que je pense, ce que je sens, ma manière d'aimer ne soit plus tout à fait seulement à moi, mais soit remplie de ce que m’apporte ce lien nouvellement créé.

Ce lien, porté par une petite voix, murmurant à mon âme désirante,

Qu'importent les chutes,
Remonte encore et encore sur le destrier de la vie.

dimanche 23 janvier 2022

Symboles oniriques du processus d'individuation

Comme Albin Michel, depuis le "départ" de Michel Cazenave (1942-2018), ne semble plus investi dans l'édition des inédits français, réjouissons-nous de la sortie de ce volume à la Fontaine de Pierre, courant 2021.
Transcription de 2 séminaires américains de 1936 et 1937.
Bien que nous trouvons des éléments de ces séminaires dans Sur l'interprétation des rêves et des études de rêves de Pauli dans Psychologie et Alchimie, cet ouvrage axe son étude sur le mandala comme figure de la construction psychique, s'appuyant sur les rêves et visions du physicien Wolfgang Pauli (1900-1958, voir ce billet pour comprendre relation entre Pauli et Jung).

lundi 17 janvier 2022

La musique et Jung...

 

Jung écoutait rarement de la musique parce que "la musique touche un matériel archétypal si profond et que ceux qui la jouent ne s'en rendent pas compte. Or, si elle était utilisée en thérapie à ce niveau là, elle devrait jouer un rôle essentiel dans toute analyse
(CG Jung parle, p 214).

Selon lui, "la musique exprime par des sentiments ce que les fantasmes ou les visions expriment par des images visuels...la musique représente le mouvement, l'évolution et la transformation des motifs de l'inconscient collectif". (Correspondance 1950-1954)
 
Il écrira, dans Ma vie (p 136) : " Bizet m’enivra et me subjugua, comme les vagues d’une mer infinie... la musique de Bizet créa en moi une atmosphère dont je ne pus que soupçonner la profondeur et l’importance, sans pouvoir la comprendre..."

Grace à Aniela Jaffé, on en sait un peu plus sur le rapport de Jung à la musique et, en fait, sa sensibilité  particulière et l'apparente perméabilité de son être aux enjeux collectifs expliquent qu'il écoutait peu la grande musique...elle pouvait provoquer une vraie souffrance chez lui.
Jaffé raconte comment un quatuor à cordes de Schubert avait dû être interrompu car "il le touchait trop". 
Certains quatuors tardifs de Beethoven "le remuait presque au-delà de l'insoutenable".
 
"Bach parle à Dieu. Bach me passionne. Mais je pourrais massacrer l'homme qui joue du Bach dans un cadre superficiel". (CG Jung parle, p 249)

Il avouera également une véritable passion pour la musique negro-spiritual.

Place à la musique, morceaux choisis parmi ceux qui touchaient le plus Jung.

Quator Schubert

Quatuor Beethoven

Bizet-Carmen 

Bach-Toccata

Se laisser porter par la Vie

Amazon.fr - La conjonction des savoirs: Voir autrement, vivre autrement -  Casterman, Dominique - Livres 
La conjonction des savoirs - Dominique Casterman
 
Un livre très dense, oscillant entre témoignage personnel et approche métaphysique, qui m'a laissé une forte impression, celle de l'évidence, comme si tous les mots de l'auteur traduisaient ce que j'avais envie de formaliser depuis longtemps sans en avoir encore la capacité...
 
Page 38
"Quand on est activement engagé dans le processus de la vie comme un tout, on se soucie moins du sens de l'existence car on est dans un état d'esprit où la valeur de la vie est évidente au-delà de toute explication logique.
Esprit et matière, conscient et inconscient, intuition et raison, sont réunis en un tout unique dans lequel chaque événement participe au même processus créateur. Les opposés s'entrelacent dialectiquement, se suscitent et se reflètent mutuellement, émanent d'un fond commun pour inventer l'univers dans sa totalité.

Nous sommes portés par la vie, pas l'inverse, et nous sommes libres de le comprendre. Cette seule et unique liberté transforme notre existence en ce sens que nous n'avons plus l'illusion d'être une personne séparée de la Vie fondamentale qui est l'Être véritable.

Cette liberté favorise l'harmonie intérieure, la créativité, la santé, l'ouverture à l'inconscient profond et le sentiment d'une Vie éternelle."