jeudi 17 février 2022

Faut il combattre l'égo ?

Que l'on se place dans le domaine du "développement personnel", du management, voire des voies spirituelles, l'enjeu de l'égo apparaît central. 

Souvent présenter comme la source de tous les maux, parfois assimiler à l'égocentrisme voire l'égoïsme, nous allons tenter de définir ce que représente l'égo dans le champ de la psychologie des profondeurs.
Nous allons aussi, le plus simplement possible, tenter de répondre, au moins partiellement, aux principales questions à son sujet : 
Est il notre ennemi ? Le cas échéant, en quoi ? Et, surtout, faut il combattre l'égo ?

Par commodité, et surtout afin de rester dans les terminologies utilisées par Jung, nous  utiliserons le mot "Moi" pour désigner cette instance nommé communément "égo". 

Qu'est que le Moi ?

Nous proposons d'emblée ceci : La conscience se définie comme l'outil servant l'ouvrier, le Moi
Chez Jung, et nous ne rentrerons pas dans les détails, la conscience serait conditionnée par un champ préexistant, lui-même issu d'une source originelle archaïque (l'inconscient pour faire très simple). 
Des éléments complémentaires peuvent se trouver dans cet article.
 
Selon les théories actuelles, le bébé (voire même le fœtus) en recevant "l'autre" (réalité externe si objectivée par ses sens, interne quand intégré à la dynamique de la psyché), son équilibre initial se voit bousculé.
Prenons l'image du bloc de cire immaculée, c'est l'état psychique initial du bébé.
L'apparition de ce qui est "autre" est comparable à un "doigt" qui va marquer la cire, laissant alors une marque...ce creux dans la cire peut être associé à la conscience émergente, la cire permettant de figer cette modification serait le Moi.
 
La conscience est une mémoire active qui, selon  des interactions passées, va produire de la réaction, de l'évaluation, du sens. 
En contrepartie, la conscience va "alimenter" le Moi pour l'enrichir.
Jung définit le Moi comme le centre de la conscience, il en est même la "matrice originelle".


 Le Moi utile ?
Le moi est fait primo, pour survivre (tenir le choc de la rencontre initiale avec ce qui est) et, secundo, pour vivre (se maintenir le plus longtemps possible).
Pour cela, il doit apprendre à prendre.
Pierre Willequet
L'égo / Moi est essentiel à la survie psychique et sociale de l'être humain !
La vie  psychique est tenue dans l'équation de tension entre le "je" et "l'autre". La reddition d'un des protagonistes est la mort.
Il n'y a pas à moraliser autour de la nature de l'égo, encore moins à le condamner, car elle est inscrite à la racine de nos déterminants les plus enfouis. 
Ce prétendu combat contre l'égo, que certains prêchent avec ferveur et ardeur, n'a pas plus de sens que de vouloir combattre l'un des membres de notre corps.
S'en affliger est inutile. 
Il faut impérativement être lucide et ne pas se raconter de fable sur la prétendue oblativité inhérente au vivant et, partant, de l'espèce humaine. En ses germes, il n'existe sans doute pas un tel programme. À moins qu'elle n'y déniche, comme c'est souvent le cas, son plus grand bénéfice. 

L'effort et le temps dépensés par le moi pour intégrer le réel, pour se le représenter, ne sont pas - par lui - considérés comme fortuits. 

Autrement dit, il a besoin que ces investissements soient correcte­ment rétribués, et notamment par la stricte préservation de leurs effets.


 Le Moi suffisant ?
  
Évidemment non, car s'il le Moi fut vital pour l'adulte en construction, il devient une "force contraignante", s'il n'est pas reconsidéré, dans le développement de la seconde moitié de vie.
Une de ses propensions est de faire en sorte que ce qu'il a obtenu « à la sueur de son front », puisse se maintenir en l'état aussi longtemps possible.
Le Moi agit en antirévolutionnaire. 
Non pas en contre-révolutionnaire, pour qui la révolution aurait déjà eu lieu, mais bien en antirévolutionnaire : son point de vue est plus préventif (« pas de change­ment ») que réactif (« plus jamais de changement »).
 
Une formidable tendance à l'immobilisme, au durcissement autour du connu et à la crispation sur les acquis, hante nos esprit.
Plus tôt, je n'aurais pas été à même de le faire : je l'aurais considéré comme une présomptueuse affirmation de moi-même. En vérité, cela traduisait la supé­riorité de l'ego acquise avec l'âge, ou celle de la conscience. (Jung, correspondance)
Ce qui signifie, sans la moindre ambiguïté possible, qu'il faut bien construire ce moi, mais qu'il ne faut en aucun cas le considérer comme le "maître de la maison" ou bien "l'ennemi à abattre".
Il convient sans doute de rester toujours ouvert à la découverte, à l'inconnu (un-connu).
Dans cette délicate et souvent douloureuse mission de la vie qui restaure le Moi à sa "juste place" peut parfois sourdre le murmure intérieur d'une proposition folle...ce moi n'existe qu'en vue de la « révélation » du « non-moi » que nous sommes d'abord et avant tout.