samedi 1 avril 2023

Archétype (7) - Le Soi

Exercice des plus périlleux que d'évoquer avec précision et concision un archétype aussi particulier. Jung y a consacré plusieurs ouvrages, fruits d'années de pratiques, de lectures, de réflexion (Citons notamment Aïon, L'âme et le Soi) . 
L'archétype "Roi", au cœur du cœur, "la somme et la quintessence de tous les archétypes", le Soi
Communément et simplement, on le rapproche fortement de l'âme (sous son acception jungienne), c'est à dire, l'ensemble du conscient et de l'inconscient de l'individu. C'est en réalité plus complexe, dans la théorie comme dans la clinique, mais puisqu'il faut "s'appuyer sur un substrat", conservons cette représentation en tête.
C'est un des concepts de Jung qui apparaît dans ces premières œuvres (début 20ème), parsème ses correspondances et trouvera précision et profondeur au fil des décennies.
Son caractère de "concept limite" impose ouverture et nuance.

Nature réelle du Soi

Qui dit concept limite, dit impossibilité de l'encadrer définitivement, tout au plus peut on saisir des propriétés, des implications, au sein d'une dynamique psychique constituée d'une infinité d'acteurs. 
C'est un postulat transcendant, psychologiquement légitimé.
Dialectique du moi et de l’inconscient, page 299
Comme pour la plupart des éléments de l'inconscient, on ne peut en effet parler que de ses manifestations à la conscience, jamais de sa nature réelle.
Si seulement ce principe était admis par tous, que d'inepties dues à des incompréhensions ne seraient plus écrites sur l’œuvre de Jung.
"Le Soi doit être conçu comme une détermination individuelle sui generis*" Jung, Les racines de la conscience

Le Soi et le Moi

Faisons simple : selon les formalisations de Jung, le Soi, comme union totale de la psyché, préexiste au Moi.

Reprenant l'image employée dans cet article de la cire pour le Moi, dans laquelle l'empreinte de la conscience va prendre corps, le Soi serait le substrat nourricier de cette cire qui, donc, en est issue.
Il y a là un rapport étroit entre les deux instances. Certains, comme Erich Neumann, vont même jusqu'à nommer le Soi, "matrice originelle du Moi" (Origine et naissance de la conscience).

le Soi est la donnée existant a priori dont naît le Moi. Il préforme en quelque sorte le Moi.
Les Racines de la conscience, p281
Au départ, avant toute individuation, le Soi est donc totalement inconscient et le Moi est, à son égard, comme objet à sujet et l'on comprend alors pleinement la fameuse phrase :

Ce n'est pas moi qui me crée moi-même : j'adviens plutôt à moi-même.
Les Racines de la conscience, p281

(voir sur ce sujet cette approche personnelle )



Le Soi et l'individuation

Si l’éveil du Moi fait surgir le particulier de l’universel, le multiple de l’unité, le retour au Soi permet de réintégrer le particulier à l’universel, le multiple à l’Un. 

Notons, au passage, que nous retrouvons là un principe fort inscrit dans nombreuses traditions. Le cycle du départ de la matrice originelle et de son retour infuse particulièrement dans le dogme chrétien autour de la chute et la résurrection des âmes, de la réconciliation de l'être et réintégration du genre humain de la théosophie chrétienne, etc. 

On comprendra aisément que ce "voyage aller-retour" ne peut être dénué de sens, dans la perspective psychique (ontologique même) de "construction de l'être".
Le processus d'individuation pourrait même, en poussant la simplification, se résumer à l'incarnation du Soi.

Le Soi et l'individu

Comme pour tout contenu archétypique inconscient, le Soi opère au sein de la psyché selon deux principes opposés, un salutaire et l'autre, en apparence destructeur. Les deux étant cependant "contributeurs" dans le processus d'individuation :
  • L'un d'eux provoque l'éclatement, la différenciation de la conscience et de contenus inconscients (processus toujours douloureux),
  • l'autre dépasse les contraires apparents (conscient / inconscient) pour les concilier au sein d'un symbole vivant pour l'individu (que l'on pourrait rapprocher du "sens de la vie").
Sur le chemin, l'individu a "la révélation d'un être préexistant au Moi qui était son créateur et son intégralité" (Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient).

Comment ne pas comprendre alors le caractère religieux de l'être qui se sent saisi par ce "transcendantal immanent" ?

Finalement, le centre de la personnalité "ne coïncidera plus avec le Moi, mais sera figuré par un point à mi-chemin entre le conscient et l'inconscient". 
"Le Moi individué se sent l'objet d'un sujet inconnu qui l'englobe" (ibid).


L’homme doit se comporter à l’égard du Soi comme un serviteur, surtout pas comme un maître et encore moins un esclave.


La voie de l’individuation ouvre les portes de la liberté vraie.
Après multiple embûches et déchirements internes, se dévoile un univers doté de sens où l'on accepte sereinement ce qui nous dépasse et nous fait.

*sui generis est un terme latin -de son propre genre- qui désigne ce qui n'est comparable à rien d'autre et donc, ce qui, intrinsèquement, distingue l'individuel du collectif

Les archétypes

jeudi 23 mars 2023

La soif, désir de vie.

 

"Bonjour", dit le petit prince.
"Bonjour", dit le marchand.
C’était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire. "Pourquoi vends-tu ça ?" dit le petit prince. "C’est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine."
"Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes ?"
"On en fait ce que l’on veut..."
"Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..."
Antoine de Saint-Exupéry

J'ai rêvé de fontaine et de source cette nuit.
La plupart du temps, nous cherchons des moyens rapides, faciles, pour apaiser "notre soif"... soif de vivre, soif de connaissance, soif de plénitude, etc...
Mais c'est précisément cette soif qui nous incite à entreprendre un cheminement...et le sens du cheminement ne se dévoile qu'à travers chaque pas, l'escalier se monte marche après marche. 

L'aiguillon qui m'a toujours tenaillé est une intuition profonde et persistante que la réalité visible, matérielle, n'était que le reflet d'une réalité plus complète, entière, unifiante...et que chacun était appelé à elle.
L'essentiel réside dans "la sensation de notre soif", le chemin de vie se dessine dans nos tentatives à l'apaiser...

Le processus d'individuation pourrait être perçue comme une soif venant de "l'intérieure", jamais totalement étanchée, et qui ne peut pas être satisfaite par l'artifice ou la facilité...chaque pas, chaque avancée sur le chemin, conduit vers notre fontaine, source de vie, cette fameuse fontaine mercurielle des alchimistes.







samedi 18 mars 2023

La pierre de Bollingen

Dans la rubrique où nous levons le voile sur l'intimité de Jung, impossible de ne pas aborder la tour de Bollingen, cette construction extérieure accompagnant une certaine construction intérieure, comme l'a magistralement démontré Michel Cazenave... 

A l'extérieur de la tour, dans le jardin, placée devant le lac, se tient la pierre cubique. Jung entama la taille pour ces 75 ans : 

« En 1950, j’ai élevé une sorte de monument de pierre à ce que la tour représente pour moi … La pierre se trouve en dehors de la tour, dont elle est comme une explication. » (Jung, Ma vie, p269)

Trois faces de la pierre sont gravées en grec et en latin, de citations et de pensées de Jung, dont il dira : « Ces paroles me vinrent à l’esprit l’une après l’autre, tandis que je travaillais sur cette pierre» (ibid, p271).
Sur la première face, il reprend la dédicace en latin du Rosaire des Philosophes, texte alchimique : « Ici se trouve la pierre ordinaire mais, quant au prix, pas chère. Les ignorants la méprisent, d’autant plus les savants l’admirent. »

Sur la seconde face, Jung est figuré sous les traits de Télésphore, un nain portant une lanterne et vêtu d’une pèlerine à capuchon, entouré d’une inscription en grec : 
« Le temps est un enfant qui joue comme un gamin penché sur un jeu de table, le royaume de l’enfant. C’est Télésphore qui vague à travers les régions obscures du cosmos et qui, pareil à une étoile, resplendit des profondeurs. Il montre le chemin vers les portes du soleil et vers le pays des rêves. »
Sur la troisième face, un texte en latin attribuée au Rosaire des philosophes :
« Je suis un orphelin, seul. Pourtant on me trouve partout. Je suis un, indivisible, mais opposé à moi. Je suis à la fois jeune homme et vieillard. Je n’ai connu ni père ni mère. Parce qu’on doit me tirer de la profondeur, comme un poisson. Ou parce que je tombe du ciel comme une pierre blanche. Je vague à travers les bois et les montagnes, mais je suis caché dans l’intime de l’homme. Je suis mortel pour tout le monde. Pourtant la mutation des temps ne m’effleure pas. »

D'autres sculptures, annotées ou non, habitent le jardin et nous aurons l'occasion d'y revenir.
La tour de Bollingen, dévoilée au fil des visites certes privées mais nombreuses, l'opus colossal du Livre rouge, que la famille a préservé jusqu'en 2009 , sur réticence de Jung lui-même à tout projet d'édition, voici que l'on pense avoir maintenant accès à l'ensemble de l'intériorité du maître zurichois...il est pourtant encore un pan tenu secret par la famille jusqu'à aujourd'hui, c'est la pièce de la tour, entièrement peinte de figures et symboles...


jeudi 16 mars 2023

"Relegere" comme voie spirituelle chez Jung

Savoir et non croire

Dans ses travaux autour du phénomène religieux, Jung se réfère à l’étymologie latine relegere dans le sens ancien d’attention scrupuleuse, d’attitude privilégiant la conscience, se distinguant du verbe religare, repris par les Pères de l’Église dans cette autre acception qui a prévalu et qui met l’accent sur le lien avec "la divinité". 
Ce choix n'est pas anodin car, dans la relation de l'homme au sacré, Jung place bien la primauté de l'expérience individuelle à toute autre proposition.
Tant que la religion n'est que croyance et forme extérieure, et n'est pas devenue une expérience spirituelle intérieure, rien de fondamental n'aura été fait.    

L'herne - C.G. Jung / realise par Michel Casenave. - Paris : L'Herne, 1984
Avec un peu de recul, on constate que c'est une moralisation excessive du corps, des instincts, et une négation outrancière de la nature qui semblent avoir disposé à l'émergence de la psychanalyse freudienne. 
De la même façon il semblerait qu'au sein de nos sociétés occidentales et depuis fort longtemps, notre époque en étant peut-être l'apogée, dans bien des domaines, y compris religieux, l'unilatéralité, l'hypertrophie de la conscience et la toute-puissance de la raison aient fini par occulter la capacité d'autonomie de ce qu'elles avaient maintenu de côté dans le même mouvement, et se soient crues capables d'enfermer des aspects considérés indésirables dans un placard. C'est mal connaître la propension de l'inconscient à rechercher "la lumière" !
La croissance de la personnalité se fait a partir de l'inconscient.  

Jung, Les Racines de la Conscience, p.280
Si la conscience a besoin de la raison pour sortir peu à peu du chaos de l'irrationnel et tenter d'y créer un ordre, l'homme peut-il pour autant s'identifier totalement à la raison et définir la réalité uniquement en termes rationnels et scientifiques ? 
La part irrationnelle de l'existence, ou, pour être plus précis, sa part non "rationalisable", peut-elle être définitivement inféodée ou laissée dans l'ombre la plus profonde ? 
Plus l'homme s'est emparé de la nature, et plus l'admiration qu'il ressentait pour son propre savoir et pouvoir lui est monté à la tête et plus s'est approfondi son mépris pour tout ce qui n'était que naturel et occasionnel, c'est-à-dire pour les données irrationnelles de la vie, dans lesquelles il faut inclure la psyché autonome, objective, qui est précisément tout ce qui est en marge du conscient.

Jung, Présent er avenir, p82

Non pas réenchanter mais inviter

Constat assez paradoxal, il semblerait que le monde ait progressivement perdu une partie de son sens à force d'être expliqué scientifiquement
 
Avec le recul des "pratiques magiques" et des croyances religieuses qui contribuaient auparavant à donner un sens aux phénomènes naturels, le monde s'est peu à peu "désenchanté"...en apparence !
En effet, des résurgences de toutes natures, ayant l'irrationnel comme constituant commun - pratique de l'alchimie autrefois, intérêt pour l'astrologie, l'ésotérisme ou pour l'occultisme aujourd'hui -, diffusent toujours un parfum capiteux et attirant, aux volutes mystérieuses. 
 
Il convient de tenter de saisir la signification de ces résurgences et de l'objet réel de ces pratiques. Elles apparaissent comme une tentative, toujours renouvelée, de ne pas laisser en ruine le pont reliant l'homme à la Nature, à « l'âme du monde », correspondant, à l'échelle de l'individu, à sa dimension instinctive et irrationnelle. 
En occident, nous sous-estimons l’âme humaine, nous negligeons de la cultiver. Et cela explique qu'un chrétien, tout croyant qu'il est, puisse rester un primitif. Il a situe Dieu en dehors de lui, il n'en a pas fait expérience intérieure.

Jung, L'Herne p.352
Ces résurgences donc, aident l'homme à progressivement distinguer le Dieu Inconnaissable et l'image qu'il s'en fait, à réaliser que ses images de Dieu sont fatalement marquées par des restrictions liées à sa condition humaine, notamment ses images paternelles et maternelles. 
Dans la clinique de Jung, ce travail d'anamnèse doit être l'objectif primordial.
Cette prise de conscience n'est qu'une étape, indispensable, certes, mais insuffisante.
 
Une fois les scories de cette purification initiale balayés, il apparaît essentiel (essence-ciel) d'identifier puis de nourrir et développer la singularité de sa relation au sacré, à Dieu, à la Nature qui appellera continuellement à l'expansion...

Et l'histoire démontre, quoi qu'on en dise, qu'un chemin de foi, c'est un chemin où, inlassablement, il est demandé de « quitter Dieu pour Dieu », de se déprendre de l'image de Dieu qu'il se faisait jusque-là, de libérer progressivement Dieu de ses projections humaines, pour, enfin, atteindre "Dieu au-delà des dieux".
Ce que le monde pense de expérience religieuse, conclut Jung, est indifférent a celui qui l'a vécue. Il possède un immense trésor, une source de vie et de beauté, qui a donne un sens a son existence. Il a, à présent, la paix, la confiance et la foi.

Jung, L'Herne, p.337

 

jeudi 9 mars 2023

Jung et la mort

Cette photo expose une pratique d'un autre temps, pouvant sembler choquante, qui consistait à réaliser un moulage du visage du défunt, ici Jung, pour le conserver. 
Ce billet peut paraître ambitieux...Il ne s'agira que d'une ébauche d'un sujet qui soulève une série de questions sans réponse définitive.
En préliminaire, le lecteur pourra s'attarder sur cette partie de vidéo, où Jung tente de parler de la mort, ou plutôt de la "posture" de la psyché face à la mort.
Au moment de l'interview, Jung a consacré une quinzaine d'années d'étude sur le rapport de la psyché et la matière et rédigé des ouvrages majeurs sur ce thème. Son œuvre est donc pleinement accompli...



Jung a mené sa vie en choisissant depuis 1912 de se laisser guider par sa lueur intérieure plutôt que par les lumières extérieures, ce n'est donc certainement pas à 84 ans que ce "vieux sage" va jouer la langue de bois.
Le thème de la métempsychose (survie de l'âme) sera écartée pour nous concentrer sur une sélection de réflexions, positions voire convictions qui vont s'imposer à Jung sur la fin de sa vie.

Le merveilleux livre de Cazenave (Jung, l'expérience interieure, ici par exemple ) nous a fourni une très heureuse source d'inspiration...
"Ce que l'on appelle la vie est un court épisode entre deux grands mystères qui n'en font en réalité qu'un seul. Je ne peux jamais m'attrister d'une disparition. Les morts ont la durée, et nous, nous ne faisons que passer."
On voit bien à de telles discus­sions ce qui m'attend lorsque je ne serai plus là qu'à titre posthume. Alors tout ce qui aura été vent et feu sera trans­formé et distillé en esprit chimique et on en fera des prépa­rations pharmaceutiques mortes. C'est ainsi que les dieux sont inhumés dans le marbre et l'or tandis que les simples mortels comme moi le sont dans le papier. "
Pessimisme, fatalisme ? 

Ces écrits provenant de correspondance (comme toutes celles mentionnées dans ce billet) ne reflèteraient-elles plutôt la lucidité de l'explorateur des âmes, qui sut, très tôt, discerner la part d'éternelle du plus dense chez l'homme.
"...je vous suis reconnaissant pour l'aide que vous m'apportez. J'en ai besoin dans les gigantesques malentendus qui m'entourent. Toutes les richesses que je parais posséder sont aussi ma pauvreté et font ma solitude dans le monde. Plus je semble posséder, plus j'ai à perdre, quand je me prépare à franchir la sombre porte. Je n'ai pas choisi ma vie avec ses manques et ses accomplissements. Elle est venue à moi avec un pouvoir qui n'est pas le mien. Tout ce à quoi je suis arrivé sert un projet que je n'ai pas prévu. Tout doit être réa­lisé et rien ne m'appartient. Je suis parfaitement d'accord avec vous : il n'est pas simple d'atteindre la pauvreté et la simplicité la plus extrême. Mais c'est ce qui vous arrive, que vous le vouliez ou non, lorsque vous en arrivez à la fin de votre existence."

Encore une fois, vision profonde et précise de celui qui a accompli une vie en pleine conscience, ou, pour être précis, qui a accompli la propre réalisation de son inconscient (Cf introduction de Ma vie). 
Pour saisir la position de Jung sur ce sujet, il convient de conserver  à l'esprit un corollaire à sa psychologie : pour celui qui a pris conscience de l'éternité nichée au fond de lui, de cette force universelle, de cette source de transcendance immanente (Deux "extrémités" qui, dans la clinique jungienne, trouve conjonction sans jamais se concilier), pour cet individu, la vision du monde et sa vie ne peuvent plus jamais être la même ! 

Jung l'évoque par la métanoïa, quand d'autres sources utiliseront différentes terminologies.
"Après la mort de ma femme, en 1955, je ressentis l'obligation inté­rieure de devenir tel qu'en moi-même je suis.  Plus tôt, je n'aurais pas été à même de le faire : je l'aurais considéré comme une présomptueuse affirmation de moi-même. En vérité, cela traduisait la supé­riorité de l'ego acquise avec l'âge, ou celle de la conscience. "
Emma Jung - Livres, Biographie, Extraits et Photos | Booknode

On pourrait s'étonner que Jung parle ainsi de supériorité de l'ego alors que sa psychologie entend justement le remettre à sa juste place. 
C'est, semble t'il, qu'il ne parle plus du complexe du moi mais de cette instance médiatrice qui est la seule à pouvoir inonder et éclairer la conscience...la conscience de l'être individué ne ressemble plus à celle de qui n'a pas opéré les douloureuses différenciations d'avec l'inconscient
On ne parle plus de cette conscience, électron libre se croyant maître de son atome, mais de cette conscience qui a pris sa position de serviteur de ce qui le constitue et le dépasse.
"Je vais sur 82 ans et non seulement je sens le poids des ans et la fatigabilité qui en résulte, mais j'éprouve aussi la très impérieuse nécessité de vivre en conformité avec les exi­gences intérieures qui sont celles de mon âge. La solitude m'est une source bienfaisante qui fait que la vie me paraît valoir d'être vécue. Parler devient assez souvent pour moi un supplice, et j'ai fréquemment besoin de plusieurs jours de silence pour me remettre de la futilité des mots. Je suis sur le chemin du départ et je ne regarde en arrière que quand je ne peux pas faire autrement. Le voyage que l'on va entre­prendre est en soi déjà une grande aventure, mais pas de celles dont on aurait envie de parler abondamment... Le reste est silence !"
Nous en revenons finalement à la notion de simplicité extrême qu'il mentionnait plus haut. 
Une âme qui a "baroudé" et s'est accomplie aspirerait donc à de nouvelles exigences : la solitude et le silence.
Comme si, dans un dialogue intérieur, l'être qui a capté cet éternel, se suffisait désormais à lui-même et devait se préparer, se concentrer (con-centrer) sur le dernier voyage qui l'attend.
On comprend mieux finalement ce que Jung entendait, dans l'interview  de Freeman, par la vie se comporte comme si elle allait se poursuivre et son conseil aux personnes âgés de vivre chaque instant comme si elle allait vivre des siècles.

L'ombre et la lumière pour faire de bonnes photos ...


J'aimerais terminer sur ces phrases qui témoignent que, bien que tout concorde à l'idée d'une survie psychique par delà la mort, la force de vie qui habite chacun est sans limite...qui peut l'entendre ?

"Le spectacle de la nature éternelle, me rap­pelle douloureusement à quel point je suis faible et éphé­mère, et l'idée d'une aequinimitas in conspectu mortis* n'a rien pour me réjouir. Comme je l'ai rêvé un jour, ma volonté de vivre est un daïmon incandescent qui, de temps en temps, me rend diaboliquement difficile l'acceptation consciente de ma condition de mortel. Tout au plus peut-on, comme l'éco­nome infidèle, sauver la face, et même cela n'est pas toujours possible, de sorte que mon maître ne trouverait même pas grande matière à louange. Mais de cela, le daïmon ne se préoccupe pas, car la vie est, au fond, comme l'acier sur la pierre. "
* sérénité dans l'imminence de la mort

mardi 21 février 2023

Eugène Wigner - Génie silencieux


Il est des personnages, unanimement considérés comme des génies, ayant marqués profondément leur domaine, et qui, pourtant, demeurent totalement ignorés du grand public...
Wigner (1902-1995), prix Nobel de physique, en fait partie. Ce hongrois, naturalisé américain, contribua à l'émergence de la nouvelle science (la mécanique quantique) et certains de ses pairs considèrent ses découvertes comme équivalente en implication à celles d'Einstein.
 
Le sujet n'est pas de s'étendre sur l'ensemble de ses découvertes, inaccessible aux communs des mortels, mais de mettre en lumière son esprit d'ouverture et son pouvoir de spéculation, autour du thème si fertile et délicat du rapport entre matière et esprit.

Le chat de Schrödinger

Schrödinger est l'un des pères de la physique quantique, décrivant les phénomènes particuliers en jeu dans le monde de l'infiniment petit. Pour tenter de représenter une des lois déroutantes  de cette nouvelle branche de la physique, il s'est amusé à inventer une expérience de pensée.

Elle consiste à placer un chat dans une enceinte fermée, et à disposer un système radioactif qui peut déclencher un piège mortel pour le chat.
  • si l'atome se maintient, le piège ne se déclenche pas => le chat est vivant.
  • si l'atome se désintègre, le piège s'active => le chat meurt !
La physique classique postule que, à un instant donné, le chat est soit mort, soit vivant...mais voilà, selon la physique quantique, tant que l'observation n'est pas effectuée, le chat est dans un état superposé vivant/mort, situation difficile à appréhender. 
L'observation entraîne le "choix" d'un état, qu'on appelle la décohérence.



Le paradoxe de Wigner

A l'heure actuelle, aucune théorie sur la décohérence de la superposition d'états du chat, ne fait l'unanimité. Aussi, celle proposée par Wigner a t'elle toute sa légitimité et reçoit d'ailleurs l'assentiment de plusieurs scientifiques de renom...pourtant, vous allez voir qu'elle dérange l'ordre établi.

En fait, selon Wigner, cet état superposé (on parle d'état d'onde) existe, est maintenu par l’œil qui observe, continue son chemin le long du nerf optique, conserve son intégrité jusqu'à l'arrivée au cerveau...et tout bascule lorsque la conscience de l'observateur s'en mêle. A ce moment là, selon des critères et un processus non connu (à ce jour), la conscience tranche et permet la décohérence (chat mort OU vivant).

Une conséquence immédiate survient : la conscience est seule "responsable" de notre monde matériel (visible)...et cette réalité tangible est commune (tous les être humains perçoivent le même état).

Bien entendu, cette hypothèse soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponse mais elle établit un pont entre l'esprit et la matière de manière surprenante...finalement, l'esprit créerait la face visible de la matière, sans interférer dans ses processus invisibles (les états superposés existent dans leurs conditions "potentielles").

Je ne souhaite pas m'étendre aujourd'hui plus amplement mais l'on peut d'ores et déjà voir le lien étroit qu'il pourrait exister entre cette théorie et la notion jungienne de synchronicité et l'Unus Mundus.
 
Pour les courageux qui souhaiteraient plonger dans les rouages de cette hypothèse, rechercher sur un moteur de recherche "paradoxe de Wigner"....






samedi 11 février 2023

Le rêve selon Jung

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« En chacun de nous existe un autre être que nous ne connaissons pas. Il nous parle à travers le rêve et nous fait savoir qu'il nous voit bien différent de ce que nous croyons être. »                
Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient
Depuis l'antiquité, le rêve questionne, fascine, est posé au cœur d'enjeux multiples dans le rapport de l'homme à lui-même, à la nature, à ce qui le dépassera pour toujours.
Selon Jung, le rêve est un produit de la nature qui utilise un langage archaïque ce qui le rend souvent délicat à traduire...à l'instar de Freud, il pense que c'est le canal idéal pour instaurer (restaurer ?) un dialogue avec l'inconscient. Mais, déduites de ses études cliniques, de nombreuses autres fonctions spécifiques  apparaissent dans ses ouvrages (citons L'Homme à la découverte de son âme et Sur l'interprétation des rêves).

Nature du rêve

Le caractère spontané, non contrôlé et naturel du rêve évoqué au-dessus implique une considération très particulière de ce dernier.
L'homme moderne étant coupé de son lien originel avec la nature
le langage du rêve lui est devenu difficile d'accès. En effet, et exprimé très simplement, Jung postule que, sur le plan psychique, la différence entre l'homme contemporain et le "primitif" est l'amplitude de conscience conquise, aux dépends de la "proximité" à l'inconscient.
Ainsi, le rêve provenant de l'inconscient, il nécessite soin, attention, analyse précise, pour se révéler à la conscience.
Intuitivement, Jung aimait parler du rêve comme le gardien du sommeil...
 
Résultat de recherche d'images pour "nature homme" 

Fonctions du rêve

  1. Cliché instantané de la psyché : Selon Jung, le rêve témoigne, de la manière la plus précise qui soit, de l'état de la psyché à un instant donné. 
  2. Rétablissement de l'équilibre psychique : Conscient et inconscient doivent maintenir une communication, afin de contribuer, conjointement, à la construction de l'individu. Toute attitude unilatérale (refus de l'inconscient ou, au contraire, perte des réalités conscientes) est traduite dans le rêve et, symboliquement, tirée vers une compensation menant à un équilibre psychique. 
  3. Sens prospectif : Au delà de son rôle de compensation, Jung a constaté, notamment par l'étude de série de rêves, qu'il y a a un mouvement, une dynamique, engagée dans un schéma directeur et singulier au rêveur, qui se dessine dans les rêves. Guidé par un fil d'Ariane intérieur (qu'il nommera Soi), le rêveur est accompagné dans sa métamorphose intérieure.

Travail avec le rêve

Si l'on connait l'importance du collectif dans l’œuvre de Jung, de son influence sur l'individu, des enjeux placés dans l'émancipation du un face à ces "énergies", force est d'admettre que les rêves portent, à d'exceptionnelles exceptions près, un sens singulier...aussi, quoi que l'on puisse lire ou écrire, le seul véritable interprète du rêve ne peut être que le rêveur lui-même.
Bien entendu, comme nous l'avons abordé à de maintes reprises, l'aide d'une tiers personne, pour dénouer des "intrications" entre conscient et inconscient, s'avère souvent indispensable.

Succinctement, Jung distingue deux plans dans l'interprétation du rêve :
  1. Le plan de l'objet : Les éléments oniriques sont examinés en lien avec la "résonance" du rêveur, dans son histoire et sa personnalités actuels, ainsi que la valeur au regard du passé, notamment de l'enfance. C'est l'aspect réductif d'interprétation (qui résume, pour faire simple, l'interprétation freudienne qui s'arrête aux question de refoulement),
  2. Le plan du sujet : Cette méthode s'appuie sur le caractère prospectif du rêve (qu'est ce que ça veut ?). On va, cette fois, s'attarder sur les éléments du rêve en les considérant comme une dimension "cachée" (ou projections) du rêveur...c'est la méthode constructive ou synthétique.
Ainsi, on voit aisément que l'interprétation des rêves pour Jung s’appuie sur la "méthode freudienne" (d'où je viens), enrichie par un autre niveau de complexité (où je vais).

Il existe d'autres aspects importants du rêve pour Jung comme l'interprétation sur le plan transférentiel ou la méthode d'amplification...pour approfondir ce qui vient d'être évoquer, je vous recommande l'ouvrage "L'homme à la découverte de son âme".

dimanche 29 janvier 2023

Livre Rouge - Visite au musée Guimet (novembre 2011)

 

Cette visite réalisait un constat déjà établi : le Livre Rouge fut le produit d'une vie, la cristallisation de décennies de travaux, recherches, confrontations intérieures...et durant toute cette période, Jung a produit des peintures, des dessins, des textes.
Toutes ces "merveilles", au graphisme si particulier, remplissaient un rôle d'ébauche pour le maître Livre...mais les travaux d'ébauche ne sont ils pas les plus essentiels ?
La découverte, des plus émouvantes, des manuscrits, en particulier les fameux cahiers noirs, ouverts lors de la visite, sur un texte daté de novembre 1913, 98 ans plus tôt, plonge le visiteur dans un état entre contemplation et fascination.

Le "jeune" Jung 

(avant la rédaction du Livre Rouge)


Carte d'étudiant française avec la mauvaise orthographe du nom

Aquarelle de 1903, présentant une esquif prise dans la tourmente des vagues. Jung était passionné de navigation mais cette coquille de noix dans la tempête ne symbolise t'elle pas merveilleusement ce qui l'attendait intérieurement quelques années plus tard ?

La rédaction du Livre Rouge


Cahier noir, extrait de 1913



Brouillon d'une lettrine et de l'un des mandalas. Ces brouillons sont touchants car on y lit l'implication et l'application extrêmes de Jung, en particulier ces essais multiples autour du mandala révèlent le travail intérieur et subjectif en jeu.

Le Livre rouge







Les couleurs sont chatoyantes et, comme on me l'avait dit, beaucoup plus marquées et marquantes que dans la reproduction en vente. On voit ici par exemple les dorures de la lettrine.

Ce qui n'est pas dans le Livre


1917 - Représentation de divinités "chtoniennes"

Peinture de 1923 - Philémon apparaît en haut à droite

1919 - L'enfant divin, le même que l'on retrouve page 113 du Livre Rouge. Travail plus soigneux et travaillé, preuve peut être de l'importance que jouait ce personnage à ce moment de la vie de Jung


Sculptures, dont on retrouvera la représentation dans le Livre

Voici le tour rapide de l'exposition, malheureusement, les meilleurs clichés du monde (ce qui est très loin d'être le cas ici) ne pourront jamais témoigner des émotions ressenties...et qu'elles furent intenses et variées durant cette visite.

jeudi 26 janvier 2023

Le philosophe et la fève - Pythagore

Théorème de Pythagore – GeoGebra

La (sur)abondance des livres "Le philosophe et..." édités ces dernières années (qui n'est pas sans me rappeler les déclinaisons des Martine quelques décennies en arrière) m'a donné le titre de ce billet qui pourra paraître, par rapport à la tonalité habituelle du blog, un peu léger, voire décalé, qu'importe...
Une fois n'est pas coutume, je vais aborder un grand philosophe antique en évoquant sa mort !
 
Pythagore serait mort à cause de la fève
 
Dirigeant une "école", comme il en existait beaucoup à l'époque, Pythagore établit un code de vie et de morale à l'adresse de ses disciples. On y retrouve de très nombreuses recommandations, parfois évidentes (ne pas juger, ne pas voler, etc) et certaines pour le moins déconcertantes...parmi elles, la recommandation de ne jamais manger de fève !
Certains contemporains affirment que c'est par répulsion du végétal que Pythagore imposait cette règle mais, et cela est nettement plus séduisant pour le mythe, il semblerait que, bien au contraire, il lui reconnaissait un caractère éminemment sacré.
Chassés par des opposants, plusieurs versions sur sa mort rapportent que c'est en refusant de piétiner un champs de fève qu'il fut rattrapé puis exécuté.

Fève sacrée ?

Examinons les attributs positifs de la fève selon doxographe (commentateur des penseurs grecs, souvent antiques), Diogène Laërce.

  • La fève possède une âme : « En raison de leur nature venteuse, elles participent au plus haut point du souffle de l’âme ». Plante poussant dans des espaces venteux du moyen-orient...le souffle, spiritus, l'esprit de vie.,
  • Tranquillise l'âme : « Et grâce à cela, on rend aussi plus douces et dénuées de troubles les images oniriques »,
  • Objet de transition : « Elles ressemblent aux portes de l’Hadès, car c’est l’unique plante qui n’a pas de nœuds », la tige n'est pas ligneuse et ne possède pas de nœud, agonatos en grec qui signifie aussi le gond de la porte, 
  • Cosmogonie de la fève : « Elle est semblable à l’univers. », à chaque lecteur de rêver au pourquoi, mais nul doute que la fève porte un symbole lié à la "réalité supérieure", 
  • Propriétaire de vérité : A l'époque, son usage était très fréquent pour le tirage au sort en cas de choix hasardeux, même dans le domaine politique.
Alors, je pense que vous ne regarderez plus de la même manière ce petit légumineux ?
Petite anecdotique complémentaire,  sa culture est très facile et sa fleur délicate et surprenante...
 

vendredi 6 janvier 2023

Exister ou Vivre ?

De la crise sanitaire à la crise existentielle


Ancien article rédigé en avril 2021, en pleine crise de la pandémie, que je souhaitais rendre à nouveau disponible.
Un cri !

Un cri du corps, du cœur, de l’âme, de l’être qui refuse, parfois envers et contre tous, de vivre dans la société qu’il voit se dessiner.
Un cri à s’en époumoner, contre les conséquences évitables d’une pandémie de virus respiratoire.
Un cri pour soulager le poids imposé par un monde en fin de cycle.
Un cri pour se prouver, et montrer aux autres, que l’on est bien là, présent, jamais résigné !

Plus que jamais, il faut préserver l’Un-dividu.

Ici et maintenant s'impose la conquête d’une indépendance de pensée, d’une capacité de jugement, du maintien d’un esprit critique, autrement formulé, dans une période d’hypermédiatisation alarmiste, la survie de notre identité commence par la qualité de réception et de traitement des informations auxquelles nous avons accès (excès).

Nulle envie de condamner les politiques, d’évaluer la pertinence, voire la légitimité, des mesures imposées à la population. 
Le temps, imperturbable juge, s’en chargera.

Il est vital, « essen-ciel », de témoigner des dérives graves et profondes de notre rapport à la vie, dépassant, de très loin, le contexte sanitaire, qui entachent la dignité de l’homme, qui entravent sa condition d’existence…

Témoigner pour agir, individuellement et ensemble !


Au fin fond de la caverne de Platon.

Les courbes, les chiffres, les interprétations, les conclusions, parfois contradictoires, toujours mouvants, s’amoncellent au seuil de notre raison qui vacille.

  • Déposséder de l’esprit de famille, des générations en collision.
On nous impose un isolement des aînés, les mères doivent accoucher seules, les divorces accroissent. 
Le discours de la doxa, les clips de « propagande officielle » opposent les générations les unes aux autres, rendant les jeunes responsables des plus âgés, les plus âgés, la cause des mesures imposées à tous…les fondements qui tissent une société sont transgressés.
  • Une société exsangue.
Les commerces et entreprises ne survivent, quand ils survivent, que par perfusion d’aides coulant à flot. Aides qui, n’en doutons pas, ne sont qu’une hypothèque qui basculera en dettes sur la tête de nos générations futures.
La précarité n’a jamais été aussi forte que depuis l’après-guerre.
Les personnes les plus vulnérables sont soumis à un isolement dont on connait les dégâts, notamment psychologiques.
Les dépressions augmentent en flèche (les « spécialistes » nous rassurent, par « effet de sidération », les suicides ne suivent pas cette inflexion, mais combien de temps reste t’on sidéré ?). 
  • Une liberté restreinte.
Il faut nous délivrer (sic) des autorisations pour justifier nos déplacements…sous peine d’amende dissuasive.
Le couvre-feu, que nous n’avions pas connu depuis les heures sombres de la guerre, est de retour.
Le gouvernement régit les distances que l’on peut parcourir, les temps de sorties, etc.
Le « passeport vaccinal » n’est plus une spéculation, le spectre du traçage des citoyens se densifie chaque jour…
  • Une dignité bafouée.
On règlemente et contraint la manière dont nous « pouvons » traiter nos propres morts, de l’accompagnement vers « l’autre rive » jusqu’à leur mise en terre.
Ce qui est essentiel à nos besoins et ce qui ne l’est pas sont désormais définis par un « conseil de guerre ».
Le droit au cinéma, au théâtre, à la culture, aux sorties entre amis, en famille, nous est retiré, celui de travailler, maintenu.
Le couple « médiatico-politique » nous assène (assomme) des rappels sur nos responsabilités, au rythme et à la manière des tétés de bébés de quelques mois.

Toutes ces mesures ne sont prises que pour lutter contre ce mal invisible qui rode…Encore faut-il identifier le véritable mal qui se réveille.

Hébété, saoulé, aliéné...
Assiégé, cadenassé, résigné…
Angoissé, égaré, terrorisé…

Si l’enfer flirte avec un état d'inhumanité, de barbarie, de bêtise, qu'il nous condamne à aller vers le pire à cause de la gravité de nos propres errements, nous y sommes de plain-pied !


De quelle crise parle-t-on ?

Sans être grand clerc, il est aisé de comprendre que la crise a révélé, de la manière la plus cruelle qui soit, les carences générées par les politiques de ces dernières décennies. Alors oui, pour pallier les soucis d’un système hospitalier dévitalisé qui n’a plus la capacité de gérer des flux de malades, les mesures qu’on connait se sont imposées !

Ce constat établi, on peut, très facilement, comprendre pourquoi il n’est pas nécessaire de soutenir des décisions incontournables par de solides démonstrations scientifiques., d’autant plus quand la majorité des pays font des choix similaires pour des raisons semblables (Et par manque de courage politique. Les quelques pays s’étant marginalisés dans leur choix devinrent proies idéales pour le journalisme indigent du XXIe siècle).

Et ce n’est pas une population angoissée, contenue par une peur de la mort, qui réagira…des morts au nombre égrené quotidiennement, puis du nombre des réanimations, des hospitalisations, pour enfin arriver sur le seul indicateur d’alerte, celui des cas positifs (une première dans l’histoire des épidémies), après avoir, assez logiquement (selon une logique prédéfinie, disons), imposé un dépistage massif et systématique. Que la plupart des études démontrent que ces tests ne sont utiles (sous réserves de certaines précautions) qu’en cas de symptômes avérés n’est qu’un détail au regard des approximations scientifiques de l’ensemble.

Quelles conséquences directes à ces imprécisions répétées ?

L’émergence du doute, de l’errement, de l’égarement, voie royale à tous les excès et toutes les dérives.

Voici venus les prophètes de l’apocalypse qui nous prévoient les morts, au décuple des chiffres constatés mais qui continuent pourtant d’envahir les plateaux de TV et les « complotistes » (ce mot va bientôt devenir une insulte) dont les théories ne touchent plus le sol. Et encore, ces derniers ont peut-être l’excuse de vouloir se cramponner, « quoi qu’il en coute », à une illusion de sens pour ne pas sombrer dans le chaos délétère ambiant.
Quand la raison est assaillie, étouffée, noyée, ce qui n’est pas raison en l’homme peut prendre le relais pour assumer l’instinct de vie…

Prophète contre complotiste, alarmiste contre « rassuriste », pro / contre vaccin, discipliné contre irresponsable, la société humaine n’a jamais été autant clivée, divisée.

Et c’est précisément dans cette division que le germe de la folie, de l’injustice, de la mort, peut lever.


Cette crise est avant tout une mise à l’épreuve individuelle.

Vouloir préserver la vie, « quoi qu’il en coûte », a entraîné une rupture brutale avec tous les liens de ce qui la fonde, la nourrisse, l’entretienne.
Quelle valeur réelle, objective, a une vie dans les conditions imposées aujourd’hui ?
Ce refus de toute mort, maquillé en ardent désir de vie, est une mort prématurée !

Il parait que toutes ces mesures extrêmes et aveugles n’ont pour seul but que de défendre la vie.
Mais de quelle vie s’agit-il ?
La vie biologique ?
« Quoi qu’il en coûte » ? Méprisant toutes les dimensions autre que l’aspect vital ?
Autrement formulé, au détriment de l’existence, qui est vie avec sens, grandeur, valeurs, animée par les principes de liberté, de dignité, du sacré ?

La politique, l’exercice du pouvoir organisant une société, doit permettre à chacun de vivre ET d’exister librement…
Cesser d’exister pour rester en vie, voici la proposition que les pouvoirs en place tentent pourtant de nous imposer !

Que cela plaise ou pas, il nous faut l’admettre, la communauté humaine semble avoir atteint un seuil d’exigence éthique et spirituel terriblement bas.
Cependant, chacun à la responsabilité de se positionner. Vivre ou exister ?

Ce n’est pas une posture ou un exercice de pensée, c’est une réalité qui s’impose, bon gré mal gré. 
Jung, sans avoir été correctement compris, nommait ces interrogations métaphysiques qui s’imposent à nous, « un destin qui nous rattrape ».


Rester maître de soi.

Ces constats funestes et, en apparence, accablants ne sont pas vains et ne doivent pas être désespérants.
Ce chavirement imposé des valeurs nous questionne, fatalement, directement, et singulièrement.
Cette période de violence psychologique extrême constitue aussi une opportunité.

Le changement profond n’est jamais tranquillité, docile inflexion, il est toujours inscrit dans une impérieuse nécessité, un périlleux rappel à nos priorités intérieures.
Développer la pensée critique, c’est faire en sorte de transformer les éléments de notre subjectivité en objet de la pensée. C’est une perméabilité au monde qui accroit le monde et soi en même temps.
Penser en fonction des ressources propres à l’esprit et non par rapport aux modalités instituées par des appareils de pouvoir.
Qu’importe l’avis des experts de tous bords, les informations officielles, la pensée dominante, écrasante. Il est grand temps que l’on se mette à penser par nous-mêmes, de manière libre.
Ne plus laisser les termes idéologiques et les assertions du pouvoir gagner le siège de la subjectivité mais reconquérir une vision lucide, validée par notre pensée et des sentiments congruents.
La question du sens de la vie pour chaque être humain est étroitement liée à celle de la capacité d’établir des liens.

Lien social qui fonde l’humain...
Lien avec l’autre,...
Lien avec cet « autre » qui sommeille en nous, et qui appelle à la vie dans sa virginale authenticité .

Sortir de la caverne, c’est conquérir la liberté, c’est donner vie à ce qui n’était pas vivant, c’est édifier un sens.