vendredi 20 août 2021

Archétype (4) - Anima

(Mise à jour de l'article du 03/08/2011)

Une instance inconsciente de nature féminine dans la psyché de l'homme
. Voici la définition communément admise de l'archétype Anima. Bien trop réducteur et simpliste, quand on sait que Jung y a consacré des décennies d'études, finissant par le placer au centre des principaux enjeux de la dynamique psychique.
Nous verrons que cet archétype est à la source de plusieurs voies de transformation. Cet article n'est qu'une présentation sommaire et, nous engageons ardemment le lecteur désireux de plus de profondeur et précisions à consulter l'étude de James Hilman dans son ouvrage remarquable. (La série d'articles tente de reprendre l'ensemble des clefs de définition trouvé par l'auteur)

Précisions liminaires de Jung (Dialectique du Moi et de l'inconscient ) :
"L'anima répond à des données empiriques que l'on parvient, au prix de grandes difficultés, il est vrai, à exprimer en langage rationnel et abstrait"

 "L'idée d'Anima est une pure notion d'expérience qui n'a d'autre but que de donner un nom à un groupe de phénomènes apparentés ou analogues, il ne s'agit en rien d'une invention théorique ou -pis encore- d'une mythologie"

Collectif vs Individuation

Dans un monde "extérieur" qui, insidieusement, place comme priorité le positionnement social, l'accomplissement familial, professionnel etc., le Moi, durant sa première "réalisation" de vie, s'est inspiré de ce cadre collectif. Il est ainsi naturellement attiré par la Persona.
Réfugié, "replié sur soi-même",  s'identifiant à ce masque, on se croit accompli et pleinement réalisé.
Ce serait sans compter sur la nature autonome et compensatoire des forces de l'inconscient.
Alors qu'à l'extérieur, on lui demande d'incarner le rôle du héros viril et sans faille, grandit à l'intérieur de l'homme une force compensatrice, porteuse d'émotions profondes, de faiblesses assumées, l'Anima.
Le Moi, comme nous l'avons vu, déteste le changement et l'Anima constitue alors un danger, un ennemi...Elle ne peut pas être considérée, encore moins reçue, dans un premier temps. Elle trouvera, dans un premier temps, son mode d'expression dans les projections .


Surgissement de l'Anima

Se manifestant à travers les projections, le premier "porteur" sera naturellement la mère pour le fils.
On devine aisément alors tous les risques constitués par cette "relation à 3", pouvant mener à diverses catastrophes si la fascination persiste.
Au cours de la vie de l'homme, ces projections vont évoluées, passant de la mère aux femmes "attirantes" puis, parfois, à la femme aimée...on comprend l'enjeu essentiel pour l'homme d'ouvrir le "dialogue" avec son anima car son degré d'autonomie, et donc l'intensité de ses compensations, varie proportionnellement à la distance qui sépare le conscient et l'inconscient
Ainsi un homme fasciné par son Anima tombera sous le joug d'une femme réceptacle de ses projections, illusions à l'issue toujours fatale et rendant impossible toute relation authentique de couple.


Pour résumer succinctement, on peut convenir que l'Anima correspond :
  • d'une part, à la capacité relationnelle de l'homme, à ce que l'on pourrait résumer par le monde de l'intériorité, de la réceptivité, des émotions et du « sentiment » 
  • et, d'autre part, à l'archétype du Féminin dans son aspect impersonnel, séducteur et fascinant, que ce soit sous son aspect positif comme dispensatrice "d'éros" et de vie ou sous celui destructeur et mortifère de la femme fatale.
En effet, il est important de rappeler que comme tout archétype, l'Anima joue sur deux rôles opposés dans le psychisme (Déesse/Femme profane, Maman/Putain, Vénus/Femme fatale, etc.).

Différenciation et intégration

La confrontation avec l'Anima permet l'intégration de leurs contenus, le retrait des projections (et l'acquisition de la libido correspondant vers la conscience)...
Mais ceci est une affirmation théorique qui, dans la réalité, et comme tout labeur sur le chemin de l'individuation, implique sacrifices, remises en question perpétuelles, confrontation à l'inconnu le plus sombre. 
Jung évoque une "descente en enfer".

Au bout du chemin, quand l'Anima est acceptée comme interlocuteur, guide, elle retrouve sa fonction première : une fonction psychique de communication avec l'inconscient. Jung, Dialectique du Moi et de l'insconscient :
"....C'est parce que nous ne les utilisons pas consciemment et intentionnellement comme fonctions que l'anima et l animus sont encore des complexes personnifiés. Aussi longtemps qu'ils se trouvent dans cet état, ils doivent être reconnus et acceptés en tant que personnalités parcellaires relative­ment indépendantes. Ils ne peuvent pas s'intégrer au conscient tant que leurs contenus sont ignorés de celui-ci. La confrontation doit amener leurs contenus au grand jour, et ce n'est que lorsque ce travail aura suffisamment progressé, ce n'est que lorsque le cons­cient aura acquis une connaissance suffisante des pro­cessus de l'inconscient qui s'expriment et se reflètent dans l1'anima que celle-ci pourra être ressentie comme une simple fonction..."


En guise de conclusion, évoquons un constat simple mais qui n'est pas souvent "entendu" : en tant qu'archétype de l'inconscient collectif, l'Anima est aussi présent dans l'inconscient de la femme !
Évidemment, il n'agit pas selon les mêmes modalités d'opposition au conscient mais plutôt comme l'empreinte d'un féminin éternel
Et de ce Féminin archétypique émanent les dispositions fonctionnelles propres à la nature féminine. De la même manière, il est porté au début par la mère ou grand-mère...suscitant parfois une fascination réciproque en chaîne où amour et haine sont imbriqués....mais voici un autre sujet.

Les archétypes

samedi 7 août 2021

Archétype (2) - La persona


Jung la décrit ainsi : " la persona est ce que quelqu'un n'est pas en réalité, mais ce que lui-même et les autres pensent qu'il est " (Ma vie). 
Les autres m'apparaissent important pour la cerner car la construction de la persona ne se structure finalement que lorsque l'individu se confronte à l'autre. Et c'est aussi le regard "de et vers" l'autre qui peut nous en révéler la nature singulière.

Tentative de définition de la persona

Ce thème de la persona , en apparence simple à cerner, est en réalité bien délicat à appréhender dans sa teneur réelle, pour deux raisons :
  1. Jung, qui a édifié ce concept assez tôt, peu de temps après la rupture avec Freud, va le développer, à la marge, dans plusieurs ouvrages avant de finalement ne plus du tout le citer, au profit de l'Anima et Animus qui deviendra son thème de prédilection.
  2. La Persona ne répond pas précisément à la nature d'un archétype, ni à celle d'un élément personnel. Qualifier la persona comme archétype est la confusion classique entre l'archétype et la représentation archétypale.
La persona est en fait un attribut du "moi" au service de processus archétypiques.


Persona à la frontière 
de la conscience et de l'inconscient

La persona est souvent représentée comme un simple masque, interface vital de l'individu face aux autres, au groupe, à la société. 

Pour simplifier, disons que c'est la face éclairée et visible de notre être "sociabilisé"..
Quels sont nos dispositions intérieures et que montrons nous, seuls à la maison, entre amis, avec les collègues, avec notre partenaire de vie, avec les personnes en qui nous reconnaissons une autorité, etc. ?
Une rapide introspection, honnête, nous révèle une palette variée d'attitudes, plus ou moins naturelles. 
Serions nous schizophrènes ?
Evidemment non.

La Persona témoigne de la façon dont le moi vit ses tensions relationnelles !

L'ombre non int
égrée, les failles narcissiques, les complexes autonomes, les conflits des opposés, viennent buter contre elle ou s'en saisir. Elle impose le personnage qu'elle joue à son insu, sacrifiant le moi réel qu'elle croit représenter.  
En cela, finalement, la persona serait alors la fonction qui permettrait au moi de se présenter aux objets externes et d'entrer en relation avec eux, tout en tenant compte de ses objets internes.

La juste place de la Persona

La persona est indispensable ! 
Sans elle, nous sommes d'une grande vulnérabilité et totalement inadapté sur un plan social.
Le danger classique est de s'identifier, tout entier, à elle
C'est un cas assez classique et très confortable que d'accepter comme "soi fini" cette "construction sociale". Ce faisant, nous dénions notre nature profonde, réelle, authentique, qui saura, de gré ou de force, remonter à la surface. 
Dans le champ de la psyché, toute forme d'illusion, entretenue ou spontanée, consciente ou non, créée un point de rupture dans l'écoulement de la libido, qui doit être résolu à un moment ou un autre.
La considération, en conscience, des manifestations de la persona est donc un des outils majeurs dans la voie de l'individuation.


Le travail avec la Persona

Le travail laborieux qui permet la différenciation, opère selon plusieurs phases :
  1. la "re-connaissance" des manifestations de la persona en fonction des circonstances,
  2. l'identification de ce qui en est à la source (pourquoi telle attitude avec telle personne ?),
  3. Cette identification, prémisse de la différenciation, va finalement "consteller" des contenus des profondeurs comme l'Anima/us.
C'est donc un travail aussi essentiel, et très souvent parallèle, à celui que l'on opère sur l'Ombre.

Tout comme la persona est la fonction de relation du moi aux objets externes, l'anima/us est la fonction de relation aux objets internes. Elles ont l'une vis-à-vis de l'autre un rapport de complémentarité.
L'identification du moi à l'une ou l'autre fonction maintient "l'autre" dans l'inconscient.

Le moi, en tant que porteur du masque, ne doit pas oublier l'importance de la face interne.

Il est tellement aisé de s'identifier à celle qui est la plus sollicitée par le collectif.
Dans le processus d'individuation, il y a comme un "quelque chose " qui rend le masque de plus en plus léger : les traits externes deviennent toujours plus homologues à ceux de l'intérieur.
Le masque deviendra plus léger et plus élastique, par conséquent moins rigide, plus facile à endosser, et à porter avec naturel parmi les autres.
Il deviendra en fait une véritable protection dans toutes les circonstances de la vie, sans jamais empêcher les principes de vie de s'exprimer.

Les archétypes