mercredi 25 mai 2011

Archétype (3) - Approfondissement


Poursuivons la présentation de ce concept fondamental, entamée ici. 
Remarque liminaire : Théoriser la vie psychologique est utile pour sa compréhension mais présente l'écueil d'une limitation subjective de l'auteur. La dynamique psychique ne peut se vivre qu'à l'échelle individuelle, à l'aune de sa propre expérience intérieure...Ceci est d'autant plus vrai quand on aborde le domaine de l'inconscient collectif, patrimoine du genre humain, en perpétuelle évolution. Rappelons l'idée défendue par Jung que l'accomplissement d'une vie, l'élargissement d'une conscience, va nourrir ce patrimoine et le changeait pour toujours.


L’archétype agit tel un trou noir dans l’espace. 

La conscience ne pourra jamais l'appréhender, seulement percevoir son influence par la façon dont il attire "la matière et la lumière vers lui".
Jung déduit finalement que les archétypes constituent des centres d'énergies (voir libido ) si intenses qu'ils semblent influer sur l'ensemble des mouvements psychiques, tels des "point nodaux" d'un réseau. Il évoque le caractère numineux de l'archétype, reprenant l'expression dérivée du latin numen (utilisé par les romains pour désigner la puissance agissante divine) de Rudolf Otto.
« L’expérience archétypique est une expérience intense et bouleversante. Il nous est facile de parler aussi tranquillement des archétypes, mais se trouver réellement confronté à eux est une toute autre affaire. La différence est la même qu’entre le fait de parler d’un lion et celui de devoir l’affronter. Affronter un lion constitue une expérience intense et effrayante, qui peut marquer durablement la personnalité. » Psychologie du transfert p103
Archétype comme images source de vie.

Les archétypes sont souvent comparés à des "potentialités d'images ", qui demeurent potentiels tant que nous ne les avons pas vécues individuellement. Quand cette énergie potentielle est associée à un vécu concret, nourrit par un transfert de libido, une image  prend vie, acquiert un sens et exerce une influence sur nous. 
Par ce processus, l'image s'ampute de son "ampleur initiale", de sa charge "d'énergie", passant des profondeurs insondables de l'inconscient à la lumière de la conscience. C'est la vocation de l'archétype dans le cadre de "l'accomplissement psychologique" de l'individu, que Jung nomme individuation
Dans la perspective de la psyché humaine, l'archétype pourrait  donc apparaître comme une source de vie potentielle, qui s'actualise par l'émergence dans la conscience.
Un aspect particulier de la nature de l'archétype, apportant un sérieux degré de complexité, ne doit pas être oublié, c'est son caractère autonome.

Nature autonome de l'archétype.

Jung nous rappelle que " l'archétype n'est pas une disposition qui sommeille, en attendant bien tranquillement son actuation. Bien au contraire, c'est une disposition dynamique qui tend vers sa réalisation "(in L'homme et ses symboles).  
L'inconscient mène une vie autonome et se manifeste dans la conscience, avec ou sans sa coopération.


Pour Jung, nous sommes, de façon naturelle, constamment confrontés aux archétypes qui structurent et ordonnent notre psyché, sans que nous ne puissions jamais nous les approprier...il utilise la jolie image de la mer comme champ archétypal, portant les vagues,  psychés individuelles. 



Marie-Louise von Franz apporte un éclairage intéressant dans Matière et psyché :
 « Jung définit comme archétypes toutes les dispositions innées et structures psychiques évidentes qui, dans des situations caractéristiques et répétées produisent des représentations, des pensées, des émotions et des motifs imaginaires similaires dans leurs structures. ».
On a souvent comparé les archétypes aux « Idées » de Platon
Il y a pourtant une différence fondamentale entre une représentation archétypique et une idée platonicienne : Cette dernière est un contenu purement abstrait alors que l'archétype peut "émerger" par le biais d'un sentiment ou d'une émotion mais aussi par les supports mythologiques. 

Von Franz précise à ce sujet, dans le même ouvrage :
 « Les archétypes en tant que tels sont des structures intangibles : ce n'est que lors de leur stimulation par une situation critique, intérieure ou extérieure, c’est-à-dire à un moment décisif, qu'ils vont produire une image archétypique ( ... ), une pensée, une intuition ou une émotion. ».
Tous les archétypes sont "bipolaires".
"ils contiennent tout ce qui il y a de plus beau et de plus grand de ce que l'humanité a jamais pensé, senti ou éprouvé, mais aussi toutes les pires infamies et les plus infernales inventions dont les hommes ont pu être capables." Jung, Psychologie de l'inconscient
Les archétypes paraissent paradoxaux dans leur principe agissant ; ainsi l'esprit est à la fois "senex et juvenis" et le vieux sage peut aussi être le magicien démoniaque. 
En fait, renfermant potentiellement le noir avec le blanc, le plus avec le moins, ils concilient intrinsèquement les opposés


Les archétypes sont à l'origine du processus le plus fondamental du développement psychique, et un des plus mal compris, la conjonction des opposés différenciés.
La conjonction n’est pas mélange, ni fusion, ni confusion, ni conflit des opposés. Elle "traverse" les deux camps pour arriver vers un troisième, quintessence des deux premiers, toujours exprimé symboliquement
C'est la voie d'enrichissement la plus poussée de la conscience mais le processus nécessaire est toujours long et douloureux, même si son issue peut survenir brutalement et soudainement. 
En effet, l'archétype vit dans l'inconscient, d'abord par le jeu des projections (voir ici) qu'il convient, dans un premier temps, de ramener à la conscience. Cette "libération" s'accompagne de la réattribution de l'énergie, la libido, d'un mouvement de l'inconscient vers la conscience. Concrètement, cette phase est désigné dans différentes littératures comme le "sacrifice de l'ancien moi", "mort du vieil homme", etc.

Archétype comme objet "psychoïde"

Jung découvre que l'archétype pose son influence à la frontière de deux mondes;. il a un pied dans la matière et un autre dans le monde invisible de la psyché.

L'archétype est défini comme psychoïde: il est à la jointure entre la psyché et le soma, opère dans les deux domaines et dans l'espace qui les sépare.
Ce caractère particulier fait qu'il peut s'exprimer autant par les mythes, l'imaginal, les images symboliques que par la souffrance, la pathologie, ou, plus légèrement , par des fantaisies du comportement, des formes de style, de voix, de maintien, etc..

5 commentaires:

nicole a dit…

que c'est rafraîchissant de te lire Jean; après de nombreuses années , je n'avais pas vraiment tablé sur les principes jungiens. Tes synthèses et réflexions sur ceux-ci me permettent d'y retoucher tout en m,épargnant temps et énergie...;o) tout en apportant quelque chose de neuf. Merci de ton apport à la connaissance mais aussi à l'actualisation de l'approche.

amicalement nicole

Benoit Mouroux a dit…

C'est le plus stimulant compliment que l'on pouvait me faire Nicole...ma productivité ralentie m'oblige à mesurer plus les mots, dans tout mal se cache un bien.

Amitiés

Ariaga a dit…

Toute la journée de hier, impossible de valider un commentaire sur ton blog. Je voulais te féliciter pour avoir repris tex textes si intéressants. Je pense au psychoïde que je n'ai jamais pu définir clairement et même Jung ... Amitiés.

Ariaga a dit…

Une relecture ...

Anonyme a dit…

"Chaque symbole est un microcosme, un monde total." "Le symbole, pluridimensionnel, est susceptible d'un nombre infini de dimensions"
écrit Jean Chevalier dans la préface au dictionnaire des symboles.

Merci beaucoup Jean pour cet article très vivant et intéressant sur une notion pas facile à saisir et donc à exprimer en mots!

Amicalement,
Michelle