Abordons une notion souvent mentionnée par Jung, au fil d'argumentaires qui ne permettent pas vraiment de saisir le sens de cette dynamique psychique. Texte lointain remis à jour...
Compenser veut dire contrebalancer ou remplacer. Cette notion fut introduite dans la psychologie des névroses par Adler. Par compensation, Adler entend une fonction qui contrebalance le sentiment d'infériorité par un système psychologique compensateur, comparable au développement compensateur d'organes dans l'insuffisance organique.
Il dit dans ses Études sur l'insuffisance des organes :
« À peine séparés de l'organisme maternel, ces organes et systèmes d'organes insuffisants entrent en lutte avec le monde extérieur, lutte inévitable et beaucoup plus intensive que s'il s'agit d'appareils normalement développés. Le caractère foetal augmente la possibilité de compensation et de surcompensation, renforce leur faculté d'adaptation à des résistances ordinaires et extraordinaires, et assure la constitution de formes et de rendements nouveaux et supérieurs. »
Le sentiment d'infériorité du névrosé, qui, d'après Adler, correspondrait étiologiquement à une insuffisance organique, provoque une « construction auxiliaire », une compensation, qui consiste en une fiction destinée à contrebalancer l'insuffisance. La fiction, ou « ligne fictive de conduite », est un système psychologique qui tend à transformer l'insuffisance en plus-value.
Ce qu'il y a de particulièrement important dans cette conception c'est qu'elle reconnaît l'existence empiriquement indéniable d'une fonction compensatrice qui, dans le domaine des processus psychologiques, correspond à une fonction analogue, sur le plan physiologique, d'autodirection ou d'autorégulation de l'organisme.
Pour Adler, la compensation n'a d'autre fonction que de contrebalancer le seul sentiment d'infériorité. Je prends cette notion dans un sens plus général et vois dans la compensation une équilibration fonctionnelle, une sorte d'autorégulation de tout l'appareil psychique. Il est possible que l'activité de l'inconscient compense aussi l'exclusivisme de l'attitude générale dû aux fonctions conscientes.
Les psychologues aiment à comparer le conscient à l’œil ; on parle d'un « champ visuel », d'un « foyer » de la conscience, expressions qui caractérisent parfaitement la nature des fonctions conscientes.
Très peu de contenus peuvent parvenir simultanément au niveau supérieur du conscient ; un nombre limité d'entre eux peut seul se maintenir en même temps dans son champ. L'activité de la conscience est donc essentiellement sélective ; or la sélection demande toujours une direction, déterminée qui, de son côté, exige l'exclusion de tout ce qui ne convient pas. De là une certaine unilatéralité de l'orientation consciencielle.
Les contenus exclus de la direction donnée, ou inhibés, tombent dans l'inconscient ; mais de par leur existence même ils font contrepoids à l'orientation consciente qui grandit avec l'augmentation de l'unilatéralité consciencielle et finit par susciter une tension de plus en plus perceptible. Cette tension va entraîner une certaine gêne de l'activité consciente, gêne qui peut encore toutefois être surmontée grâce à un effort conscient accru. À la longue cependant, cette tension augmente au point que les contenus inconscients inhibés s'introduisent dans la conscience sous forme de rêves et d'images spontanées. Plus est grande l'unilatéralité de l'attitude consciente, plus les contenus issus de l'inconscient se dressent contre elle, si bien qu'on peut parler d'un véritable contraste entre le conscient et l'inconscient. Dans ce cas, la compensation se manifeste sous forme de fonction contrastante. C'est un cas extrême : d'ordinaire, la compensation par l'inconscient n'est pas un contraste : elle contrebalance l'orientation consciente, ou la complète. L'inconscient livre, par exemple dans un rêve, tous les contenus constellés par la situation consciente, mais inhibés par le choix conscient et dont la connaissance serait indispensable au conscient pour arriver à une adaptation totale.
À l'état normal, la compensation est inconsciente, autrement dit : elle régularise inconsciemment l'activité consciente. Dans la névrose, le contraste entre l'inconscient et le conscient est si violent que la compensation en est troublée. Aussi la thérapeutique analytique cherche-t-elle à rendre conscients les contenus inconscients pour rétablir ainsi la compensation.
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