mercredi 19 mai 2021

La solitude partagée...

Dans ce que j’appellerais ma quête de sens, de vérité intérieure, la recherche de mon mythe personnel selon Jung, j'ai eu la chance de croiser des personnes animées par le même "feu". 
Certains ont cheminé avec moi puis disparu, d'autres sont devenus des amis. Tous ont contribué à qui je suis aujourd'hui, et je pense pouvoir affirmer que tous vivent dans une certaine solitude assumée...solitude inhérente à cette recherche du rapport singulier à la Vie. 
J'ai fini par définir le lien, aussi fort qu'intime, qui unit nos solitudes, une affinité élective.

Cette quête défait, très naturellement, tout ce qui n'obéit pas au domaine de l'authenticité. 
Consensus, compromis, conventions de toutes sortes s'effondrent...
Il ne s'agit pas d'anarchie mais, bien au contraire, d'une "mise en ordre".

Lorsque l'on refuse de croire les apparences, d'adhérer aux pensées dominantes, de se soumettre à la doxa, deux "mouvements contradictoires" s'imposent alors à nous : 
1- La sensation d'une plénitude, d'une satisfaction intérieure, d'une réponse (provisoire ?) acquise. Un autre regard sur le monde et les autres s'édifie.
2- Simultanément, surgissent une hostilité voire un rejet de certaines personnes, parfois même proches ou "amis". Processus notoire, l'inconnu et l'incompréhension réveillent l'instinct de division et de séparation.


Ce chemin, cet engagement de vie, ne doit pourtant pas conduire à une indifférence face au "groupe", écueil fréquent, menant soit à un isolement mortifère (seul contre le monde) soit à une inflation égotique (seul digne de ce monde). 
S'il convient de se distancier de la "meute" et de son influence, ce n'est pas pour la condamner. 
Il s'agit d'établir la compréhension véritable de l'autre et de rétablir une communication authentique, expurgée de nos projections. Ce nouveau rapport à l'autre est le fruit de notre propre dialogue intérieur.

Formulé par Jung, démontré par la clinique et éprouvé par ceux qui œuvrent pour leur "accomplissement intérieur", le travail sur la psyché dépasse, finalement, le cadre du patrimoine personnel. 
Se révèle, par miroitements toujours inattendus, une part de l'humanité, un fragment "d'universel éternel", scintillements et reflets de ces fameux archétypes...
Inscrite dans "la hiérarchie naturelle des choses", cette profondeur ne sera touchée qu'une fois atteinte puis dépassée la crainte de l'affrontement de ses ténèbres personnels.
Cette lutte personnelle n'est pourtant jamais aboutie, les premières noirceurs font  toujours place à d'autres. Jung évoque un processus d'individuation, certainement pas une étape ou un stade, mais bien un phénomène dynamique discontinu.
Notre conscience ne se crée pas elle-même… Elle est comme un enfant qui naît quotidiennement du sein maternel de l'inconscient.
Symbolique de l'esprit, p.465
Le courtois comptable réalise soudainement que des pulsions inavouables l'habitent, la gentille vétérinaire découvre au fond d'elle des envies sadiques et morbides qui la bousculent, l'érudit polyglotte est confronté à des besoins d'archaïsme et de sauvagerie.
Pourquoi parfois, en moi, surgit ce qui me bouscule ?


Le jugement est une capacité innée de l'humain. Jung l'a même érigé comme un des quatre constituants de la boussole psychique.
Mais le jugement ne doit jamais devenir condamnation qui est là, un choix (écueil ?) personnel.
Quand je juge autrui, je réalise, si la première "ouverture de conscience" est accomplie, que je me juge moi-même. J'abrite les tendances coupables que je suis en train de juger. Qu'il est douloureux mais libérateur d'accepter nos imperfections, nos failles....cette acceptation, si elle est sincère et assumée est une bénédiction !
Le contraire,  s'idéaliser soi-même, idéaliser son clan ou sa nation, a pour conséquence de rejeter le mal sur l'extérieur. 
"L'ennemi est tellement bête, qu'il croit que c'est nous, l'ennemi" Desproges.
Accepter l'autre dans sa différence, c'est se libérer des projections et accéder à la plus belle faculté de l'âme, l'altérité (voir ici).

Graduellement, un autre monde s'offre à nous...non, plus précisément, nous accueillons une autre vision du monde. 

Nous accepter dans notre "caractère d'imperfection" (au regard de la totalité de notre être qui nous attend) aide alors à accepter les obstacles et échecs dans notre vie. Ils deviennent de véritables opportunités pour la transformation intérieure; ils nous poussent à l'humilité et au lâcher-prise.

La vraie souffrance naît de notre résistance au changement, pas de nos échecs

« Dans l’obstacle se trouve le chemin » 



Maj du billet du 20/01/2012

23 commentaires:

Kelilan a dit…

C'est clair, précis et touchant. Merci !

Anonyme a dit…

C'est juste, il faut accepter l'autre mais ne pas se renier soi-même.

Ariaga a dit…

Un texte qui sonne très juste et qui demande à être relu. À bientôt.

Benoit Mouroux a dit…

Merci à vous pour ces encouragements.

Je me suis un peu livré ici car parmi la "cybercommunauté jungienne", j'ai reconnu quelques solitaires...

Amitiés,
Jung

Ariaga a dit…

C'est un cadeau que tu nous livres. Il me semble, en effet que la cybercommunauté jungienne soit essentiellement composée de solitaires qui font leur chemin comme ils peuvent. ils y a quelques groupes mais ils sont surtout occupés à établir des dogmes, ce que Jung avait en horreur.Amitiés.

Benoit Mouroux a dit…

Oui en effet Ariaga, le chemin précis vers soi ne peut jamais être partagé puisqu'il est singulier à chacun...mais on peut évoquer le cheminement avec ceux qui sont sur la route.

Amitiés,
Jean

KIME a dit…

Merci Jean,
Je vous suis régulièrement mais ce soir, il m'est difficile de rester silencieuse.
Votre article a raisonné dans ma tête et résonné dans mon coeur.
Le même jour, je venais de mettre en ligne un article intitulé "Solitude et érémitisme".... Un phénomène que Jung n'aurait pas manqué de qualifier de "synchronicité" !
Qui s'intéresse à Jung s'intéresse à l'individuation. Qui s'intéresse à l'individuation passe forcément par la solitude même si celle-ci n'a rien de commun avec l'isolement.
Je vous donne le lien si cela vous intéresse : http://energiespirituelle.blogspot.com/search/label/Solitude

Bien cordialement.
Kime

www.kelilanbd.canalblog.com a dit…

C'est étonnant, parfois tu signes Jung au lieu de Jean...:)

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour Kime,

J'ai appris à ne plus être surpris par ces apparentes facéties du hasard qui arrivent assez régulièrement. Parlons de "communion d'esprit" pour faire simple.

Votre blog est remarquable !
La profondeur de vos réflexions sont une vraie source pour celle des lecteurs.

Bien cordialement,
Jean

Benoit Mouroux a dit…

Oui en effet, je crois que c'est la première fois que je signe ainsi ?

Avec une fébrile angoisse, j'en conclus à une inflation du Moi...

J E A N (cette fois, c'est bon)

nicole a dit…

la solitude ...on peut oui la partager ;o)et paradoxalement chacun s'y reconnait un peu, parfois beaucoup ; sans doute à cause de l,universel singulier, expression très riche de sens, elle résume tant.
Je n'avais pas remarqué que tu avais signé Jung !!! oui intriguant !;o)

Tempérance a dit…

Ce très beau texte que tu nous livre me fait immédiatement penser à la figure de l'Hermite dans le tarot de Marseille. Le sage, le guide, l'enchanteur, le pèlerin, celui qui ne craint pas sa propre solitude mais la recherche pour aller chercher la lumière dans ses profondeurs, pour ensuite retourner la porter dans le monde des hommes ... Solitude, solidité, mais aussi solidarité. Ces trois mots ont la même racine : Sol, le soleil. Chacun d'entre-nous est appelé à suivre son Hermite intérieur pour rayonner ensuite à l'extérieur.
Tes mots sont touchants et te "ressemblent" même si je ne te connais pas, mais en tous cas c'est un peu comme cet Hermite que je t'imagine !
Amicalement à toi.

Benoit Mouroux a dit…

Tempérance,

Merci pour ces mots chaleureux qui me touchent à mon tour.

Tu as raison de nous parler de l'Hermite...je n'avais pas fait le lien mais c'est parfaitement lié. Et j'ai toujours été subjugué par les images des tarots.
Tout au fond de soi se niche l'humanité...

Amitiés,
Jean

Ariaga a dit…

Ta note suscite des commentaires vraiment intéressants. Je suis allée sur le blog de Kime. Une belle découverte. amitiés.

Michelle a dit…

Merci beaucoup Jean, ce texte sent bon l'authenticité, la simplicité et la profondeur. Un beau lapsus t'a fait signer Jung un commentaire qui s'adressait à tous. Carl aurait aimé! C'est comme si tu t'exprimais en son nom, et il a si souvent parlé de la solitude inhérente à la singularité.
Amicalement!

Ariaga a dit…

Je n'avais pas vu que tu avais signé Jung. Je trouve cela excellent ! Amitiés.

nicole a dit…

je voulais te dire que j'aime beaucoup ta nouvelle bannière ! ;o)

Benoit Mouroux a dit…

Merci, c'est gentil Nicole.

C'est quelqu'un de très proche et versé, à ses heures perdues, dans l'art graphique qui me l'a confectionnée.

Amitiés,
Jean

nicole a dit…

he bien bravo à cette personne! ;o)

les images étant importantes pour moi, j'accorde par le fait même une attention particulière à ces présentations.

La Licorne a dit…

"Dans l'obstacle se trouve le chemin." dit Vezina
"On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres du chemin" disait Goethe...

Merci pour ce très bel article, plein de vérité...
Chemin de solitude, le chemin vers les profondeurs de l'être, mais solitude fructueuse qui nous relie, au final, aux autres, par ce que nous avons de plus "vrai" (comme le dit Tempérance qui parle de la figure de l'Hermite).

Merci aussi pour l'ouverture du forum. J'ai quelques soucis pour accéder à la "présentation" (l'endroit où l'on se présente) : il semblerait que je doive attendre sept jours. Ai-je bien compris ?

Benoit Mouroux a dit…

Merci pour ton appréciation Licorne.

Non, il n'y a pas de restriction pour écrire une fois que ton inscription est validée...juste sur le fait de mettre des liens.

Donc à très bientôt là bas ou ici.
Amitiés,
Jean

Anonyme a dit…

Très pertinent, je ressens exactement la même chose depuis quelques temps, sauf que j'ai du mal à croiser d'autres personnes dans la même situation ... La solitude est d'autant plus forte, que je n'ai pas de relation familiale ni affective, seule l'amitié compte dans ma vie, et mes amis ne sont pas en accord avec ma façon de voir le monde. Merci pour cet article que je partage avec plaisir sur facebook.
Bonne continuation.

T.

Benoit Mouroux a dit…

Merci beaucoup pour ce témoignage sincère.

Bonne continuation également,
Jean