mardi 19 juin 2012

L'homme à la découverte de son âme - Jung


"Personnellement, j'ai toujours été convaincu, depuis qu'à vingt-deux ans j'ai eu la chance de rencontrer Jung, l'homme et son œuvre, que dans les siècles futurs on parlera de Freud et de Jung un peu comme aujourd'hui nous parlons d'Aristote et de Platon. C'est pourquoi il ne faut pas laisser banaliser, polluer les sources essentielles de la vie psychologique de l'homme." Dr Roland Cahen
"Préfaceur" et traducteur de bon nombre d'ouvrages de Jung, Cahen a rédigé cette phrase que j'ai trouvé démesurée de prétention à la première lecture...et puis, finalement, du chemin parcouru depuis, j'en arrive à me dire que ces quatre penseurs étaient bien des archéologues de l'âme comme l'histoire en a peu connu....

Continuons donc en douceur avec un ouvrage que l'on peut qualifier de vulgarisation. Cahen a réuni des textes épars dans un ensemble finalement très cohérent. Jung expose ici, avec simplicité et clarté, sa psychologie. Il constitue une excellente entrée en matière (même si je reconnais la qualité d'autres vulgarisateurs, Jung parlant de son œuvre est d'une toute autre précision) qui pourrait être suivi par la lecture du plus approfondi "Dialectique du moi et de l'inconscient" (voir ici).

Le livre est articulé selon trois axes distincts et complémentaires :

Partie 1 

Jung fait état de l'homme face à ses angoisses intérieures, son rapport à la magie et la spiritualité, depuis les premiers temps jusqu'à nos jours, où les institutions religieuses et autres mouvements n'arrivent plus à combler chez lui un besoin de sens qui doit se construire par une quête éminemment personnelle
Il y définit également ce qu'il entend par l'âme et pose la question qui jalonne toute son œuvre "où cela me mène t'il ?".
"elle a la dignité d'une entité à laquelle il est donné d'être consciente d'une relation avec la divinité"
Partie 2

Voici le moment de découvrir les complexes, ces "personnalités parcellaires" qui se construisent en même temps que le moi...un long et passionnant chapitre traite notamment du fameux test d'association  et, c'est ici que se situe le plus palpitant, la manière dont ce sont établies les modalités d'interprétation.
Ici, nous sommes dans la zone liminale entre conscient et inconscient !

Partie 3

Enfin, nous entrons de plain-pied dans l'ombre de l'inconscient avec les rêves...nous retrouverons ici les notions déjà établies par Freud mais surtout, les spécificités de l'approche jungienne, avec sa fonction prospective.


Quelques extraits
"nous sommes éternellement inachevés, nous croissons et changeons. La personnalité future que nous serons est déjà là, mais encore cachée dans l'ombre. Le moi, dans un certain sens, est comme une fente mobile qui se déplace sur un film, progressivement. Les potentialités futures du moi relèvent de son ombre présente. Nous savons ce que nous avons été, mais nous ignorons ce que nous serons."
"La fonction prospective forme à mon avis un attribut essentiel du rêve; l'on fera cependant bien de ne pas la surestimer; sinon l'on serait facilement tenté de voir dans le rêve une espèce de psychopompe qui, douée de sagesse supérieure, serait capable d'engager l'existence dans des voies infaillibles. Autant l'on sous-estime, d'une part, la portée psychologique du rêve, autant, d'autre part, le danger est grand, pour quiconque étudie les songes et pratique leur interprétation, de surestimer la validité de l'incons­cient pour la vie réelle."
"L'inconscient n'est pas un monstre démoniaque; c'est un organisme naturel, indifférent au point de vue moral, esthétique et intellectuel, qui ne devient réellement dangereux que lorsque notre attitude consciente à son égard est désespérément fausse."
"Nous comprenons toujours autrui comme nous nous comprenons nous-mêmes ou du moins comme nous cherchons à nous comprendre. Ce que nous ne comprenons pas en nous-mêmes nous ne le comprenons pas chez les autres et inversement. Ainsi, pour des raisons dont on n'a que l'embarras du choix, l'image d'autrui que nous portons en nous est en général hautement subjective. Comme l'on sait, même une connaissance intime ne saurait impliquer une appréciation d'autrui à son exacte valeur."

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir Jean,

Je suppose que les extraits cités sont bien de la plume de Jung et non pas de celle de Roland Cahen.

J’aimerais savoir, si tu peux me le dire cela m’éviterait de passer le livre au peigne fin, de quel chapitre précis est tiré le deuxième extrait ["La fonction prospective forme à mon avis un attribut essentiel du rêve............. surestimer la validité de l'inconscient pour la vie réelle."]; car cette mise en garde de Jung m’étonne un peu, sachant toute la valeur qu’il accordait à l’enseignement des rêves pour orienter sa propre vie « réelle » aussi bien que celle de ses élèves ou patients. Je serais donc curieux de lire ce qui entoure cet extrait afin d’en savoir peut-être un peu plus.

Amicalement,
Amezeg

La Licorne a dit…

J'aime bien les extraits que tu as choisi...
la dernière phrase devrait être "encadrée" et affichée en bonne place afin de s'en souvenir chaque jour... :-)

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour Amezeg,

Seule la préface est de Cahen, tout le contenu de l'ouvrage est une traduction de textes de Jung, dont les extraits cités.

Pour autant, je te suggère de remettre les yeux sur ces chapitres car il explique clairement sa position évoquée très intéressante, qui n'enlève rien à l'importance du rêve. Il rappelle le risque de tout remettre aux mains de l'inconscient.
"Quoi qu'il en soit, l'expérience actuelle nous autorise à penser que l'inconscient n'est pas loin de posséder une importance sensiblement égale à celle du conscient. Il y a, sans aucun doute, des attitudes conscientes que l'inconscient sur¬passe, c'est-à-dire des attitudes conscientes tellement mal adaptées à la nature de l'individualité totale, que le comportement inconscient simultanément constellé en offre une expression bien supérieure. Mais ceci n'est pas monnaie courante; bien souvent le rêve n'élargit la vie consciente que par la contribution de quelques fragments; dans ce cas, l'attitude consciente est, d'une part, adaptée dans une mesure presque suffisante à la réalité, et, d'autre part, elle satisfait, à peu près, à la nature essentielle du sujet. "

Amitiés,
Jean

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour Licorne,

ô que oui !
J'irais même plus loin : plus l'on entre en soi, et plus l'on apprend, naturellement, à accepter autrui dans ses différences, cette notion d'altérité qui me touche beaucoup...

Amitiés,
Jean

Ariaga a dit…

Un livre que je recommande quand des lecteurs m'envoient un mail pour me demander que lire de Jung. Il est d'un abord facile et donne envie de lire plus. Amitiés.