lundi 31 janvier 2011

Fonctions psychologiques (2) - Différenciation

Il n'est pas la vocation d'une typologie psychologique de classer les êtres humains dans des catégories - ceci serait assez futile. Son objet est plutôt celui de fournir une psychologie critique qui rend possible une investigation méthodique ainsi que la présentation du matériau empirique. Types psychologique, p555-556 
Développement de l'approche préliminaire (à voir ici ).
Nous avons donc déjà vu que l'individu se "construit" une boussole psychologique dans sa relation au monde extérieur et "intérieur".
Il exploite son énergie psychique selon une des deux modalités (Extraversion ou introversion), il perçoit l'objet à l'aide d'une fonction, irrationnelle, sensation ou intuition, et il l'estime par une autre fonction, rationnelle, pensée ou sentiment. 
 
 Histoire de compliquer tout cela, voyons maintenant quelle relation entretiennent ces fonctions entre elles au sein de l'individu et pourquoi chacune répond à un rôle bien défini.
 
Constat préliminaire : La distinction de ces quatre fonctions est essentielle, indispensable, au sein de la psyché. Sans différenciation, on reste prisonnier de l'ambivalence, la contradiction et on est incapable de définir une orientation, de construire un sens.
"L'observation montre que les conditions générales de l'ambiance rendent presque impossible le développement simultané de toutes les fonctions psychologiques. Les exigences du milieu social font que l'homme valorise en premier lieu la fonction qui correspond le mieux à ses aptitudes naturelles et qui lui offre le plus sûr moyen de succès. Il s'identifie plus ou moins complètement à cette fonction privilégiée, qu'il développe aussi plus parfaitement.L'unilatéralité de ce processus de développement retarde nécessairement la maturation des autres fonctions" Jung, Types psychologiques, p.426

Fonction dominante

Lorsque l'enfant se développe normalement, le processus d'individuation -qui il est- et les éléments de conditionnement -où il est- (Jung parle "d'ambiance") vont le conduire à privilégier une fonction, celle qui répond à ses aptitudes naturelles et à ses besoins.
C'est la fonction dominante.

Évoquons la libido, notion qui, chez Jung, est très distincte de celle de Freud.
Pour Carl Jung, on pourrait très rapidement la nommer "énergie psychique" et même, principe de vie psychique.
La libido va donc logiquement s'investir dans cette fonction privilégiée, au détriment des autres (la "réserve" de libido étant quantitativement définie et stable pour chacun).

Remarque secondaire mais intéressante :  quand cette fonction est très développée, elle ne reste pas contenue (puisqu'elle réorganise la personnalité) et se trouve projetée à l'extérieur sous les traits d'un masque social, la persona.

Notons également, et peut être serait il intéressant de considérer sur ce point l'investissement de la libido (Extraversion ou introversion), que la fonction dominante peut être rationnelle ou irrationnelle, donc dans la réception ou le traitement de l'objet. 
 
Ainsi quelqu'un qui a la fonction pensée dominante va avoir tendance à intellectualiser les choses, à les passer au moulinet de la réflexion cérébrale.

Un autre, de type intuitif, va plutôt comprendre spontanément les possibilités cachées d'un objet, sans justification possible.

 

Fonction auxiliaire

Après l'établissement, la différenciation, de la fonction dominante, en général vers l'adolescence, arrive une fonction "compensatrice" (la compensation est aussi une notion essentielle dans la psychologie de Jung où la dualité domine), la fonction auxiliaire.
Elle sert, comme son nom l'indique, d'auxiliaire car elle complète et seconde la dominante.
Au regard du flux de la libido au sein de la psyché, ces deux fonctions complémentaires ont des modalités opposés, c'est à dire que la fonction auxiliaire répond à une charge de libido inverse à la fonction dominante.
De la même manière, la fonction auxiliaire se situe sur l'autre axe que la dominante. Ainsi, si la fonction dominante est une fonction de perception, l'auxiliaire sera une fonction d'évaluation.

Exemple : Un individu d'inclinaison extraverti / (pensée ou sentiment) aura une fonction auxiliaire introvertie / (sensation ou intuition).


Nous sommes en présence d'une paire de fonctions privilégiées, fondatrice de la personnalité, de la face "visible" et consciente de l'individu. Mais comme il s'agit de penchant, d'inclinaison, les deux autres fonctions ne sont jamais totalement délaissées, juste provisoirement "mises à l'écart", peu exploitées ou développées.
 
De la même manière que la première paire de fonctions, les deux autres fonctions se complètent, s'équilibrent et "jouent" dans deux modes d'exploitation de libido (extraversion et introversion). Ces deux dernières fonctions sont définies une fois la première paire différenciée, donc en général à l'âge adulte.

La paire qui suit peut correspondre à la face cachée de notre personnalité...nous verrons plus tard que c'est justement sur ce plan particulier que doit travailler l'individu sur le chemin d'une construction intérieure.
 

Fonction tertiaire

Elle se situe dans la même fonction énergétique que la fonction auxiliaire (extraversion /introversion) mais est l'attitude opposée.

Si ma fonction auxiliaire est introvertie / pensée, ma fonction tertiaire sera introvertie / sentiment.
Si ma fonction auxiliaire est extravertie / intuition, ma fonction tertiaire sera extravertie / sensation.


Fonction inférieure

A l'instar de la tertiaire avec l'auxiliaire, elle se situe dans le même "mode" énergétique que la dominante, mais toujours en opposition d'attitude.
Cette fonction est très particulière, la moins chargée en libido et donc la plus lointaine de la sphère de la conscience. Elle "flotte" naturellement dans le domaine inconscient et comme élément issu de l'inconscient, elle possède un potentiel puissant de transformation.
Bien qu'elle soit la source de malaise profond (c'est notre point faible dans toute son acception), la considérer ouvre les portes d'une transformation importante.

Un individu extraverti sentimental aura une fonction inférieure extravertie / pensée.

Au terme de son développement, un individu pourra se définir par son orientation d'énergie, par sa fonction dominante et par sa fonction auxiliaire associée.

Cependant, ce schéma de construction est en perpétuelle évolution et la hiérarchisation initiale des fonctions est amenée à être bouleversée, par le biais d'une autre fonction spécifique, la fonction transcendante (voir ici).

Suite ici.


Sommaire "Fonctions psychologiques" (Cliquer pour y parvenir)
 
3 - Schémas

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
je passe de temps en temps sur votre blog, sans poser de commentaire, mais je tenais a vous dire que j'apprécie beaucoup ce que je lis et sa clarté.
Merci Jean

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour,
Merci pour ce gentil commentaire, c'est aussi cela qui me stimule pour poursuivre.
Jean

Anonyme a dit…

Bonjour et merci beaucoup pour cette serie d'articles...captivant pour quelqu'un qui comme moi n'a pas lu Jung et decouvre le sujet..j'ai du coup des questions.

Jung identifie une fonction dominante, cette function est donc soit une fonction irrationelle (sensation ou intution), soit une fonction rationelle (pensee ou sentiment)...betement, je me dis que une personne a une fonction dominante de perception, elle doit aussi avoir une fonction dominante d'analyse, et cela meme avant l'adolescence....mais si je comprends bien cette function n'apparait (visiblement) que plus tard, a l'adolescence (fonction auxiliaire) et l'age pre-adulte (function tertiaire)...cela sous-entends qu'il n'est pas possible de l'identifier avant ou que pour lui elle n'est pas totalement "forme" avant?

Sur la function tertiaire, quand je regarde les types du MBTI, j'ai eu l'impression que la function tertiaire est complementaire (pas uniquement sur l'orientation d'energie). Si je reprends votre exemple
"Si ma fonction auxiliaire est introvertie / pensée" la fonction tertaire sera extrovertie / sentiment. Je me trompe ? et si oui, savez-vous d'ou vient cette difference entre Jung et le MBTI ?

La function tertiaire et inferieure peuvent se comprendre intuitivement, en appliquant ce principe de complementarite...mais logiquement plus complexe a expliquer. Savez-vous si Jung les a deduite de sa pratique, ou les a pense intuitivement et a chercher de les verifier dans sa pratique. Comment ont elles ete "decouvertes" ?

Merci
h.

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour et merci pour votre agréable commentaire,

Je vais essayer de vous répondre.
En fait, le principe opérant de développement psychologique de l'individu chez Jung, l'individuation, répond à ce principe : tout existe potentiellement en chacun, et selon la coopération et le parcours de vie, le développement sera plus ou moins prononcé...l'image de la graine qui a tout le patrimoine de la plante est souvent utilisé.
Donc, en effet, la typologie est "en latence" chez l'enfant et un oeil avisé repérera la fonction auxiliaire. Les deux autres fonctions étant déduites par le schéma de complémentarité.

MAIS, il est essentiel de rappeler que ce schéma et la typologie de l'individu n'est jamais figé et toujours en évolution...s'il est vrai que l'on doit se construire en respectant des phases, finalement, tout cela est amené à être "déconstruit" et dépassé dans le foulée.

La fonction auxiliaire et tertiaire sont dans la même fonction mentale, mais évidemment en opposition de "monde" (orientation de la libido). Donc votre exemple est juste et il me semble que ce principe répond également à celui du MBTI.

Pour la dernière interrogation, je ne vous infligerais pas la lecture des types psychologiques (vraiment laborieuse bien que passionnante) mais je peux vous confirmer que Jung est un empiriste et ne s'appuyait que sur des constats cliniques. Il a découvert que l'individu utilisait le couple complémentaire de fonctions dominant/auxiliaire pour se relier au monde (intérieur ou extérieur)...et tapi dans l'ombre, un autre couple complémentaire inexploité, tertiaire/inférieur, agissait au niveau inconscient. L'épanouissement/la guérison de ses patients passait toujours, à un moment ou à un autre de la thérapie, par la reconnaissance puis l'exploitation de ce dernier couple de fonctions.

Jean

Anonyme a dit…

Merci pour votre reponse, je vous rassure c'est plus l'aspet dynamique de ce modele que de coller des etiquettes qui m'interessent...mais vous avez raison de le rappeller...je crois que je vais lire a l'occasion un des ces livres sur le sujet (pourquoi pas a partir de votre liste de proposition).

Encore merci
h.