samedi 29 janvier 2011

La psychologie selon Jung

En cette époque, où la psychologie est devenu un objet de consommation comme un autre, où les voies de développement personnel se multiplient et perdent le sens même qu'elles sont supposées faire retrouver, où le statut du "psy", prêtre du XXIe siècle, est contrôlé par un ensemble de lois et non d'éthique, il nous semble essentiel de comprendre, de la plume même de son auteur, ce que contient et induit la psychologie défendue par Jung.

Du grec ancien ψυχή-, (psukhé-) (« esprit ») et -λογία, (-logía) (« parole »), qui donne en français le préfixe psycho- et le suffixe -logie, littéralement « parole de l'esprit ». (wiktionnaire)

Les extraits choisis issus de L'homme à la découverte de son âme (réunissant 7 articles rédigés entre 1928 et 1934) apportent un éclairage direct et, finalement, assez loin de l'acception populaire communément admise. 
Il faut en revenir au source si l'on espère vraiment libérer la parole de l'esprit.



L'on m'a déjà fait l'objection que cette conception du plan du sujet représente un problème philosophique ; l'application de son principe conduit bientôt aux confins des conceptions du monde, où, par le fait même, elle ne saurait se réclamer plus longtemps de la science. Je ne trouve pas qu'il y a lieu d'être surpris de voir la psychologie voisiner avec la philosophie, car l'acte de pensée, assise de toute philosophie, n'est-il pas une acti­vité psychique, qui, comme telle, relève directement de la psychologie? La psychologie ne doit-elle pas embrasser l'âme dans son extension totale, ce qui inclut philosophie, théologie et maintes autres choses encore ? En face de toutes les philosophies aux bigarrures infinies, de toutes les religions richement diversifiées, se dressent, suprême instance peut-être de la vérité ou de l'erreur, les données immuables de l'âme humaine.

Notre psychologie, qui se préoccupe avant tout de nécessités pratiques, se formalise peu de voir certains des problèmes qu'elle soulève heurter, de-ci de-là, des préjugés bien établis. Si la question des conceptions du monde est un problème psychologique, il nous faudra l'aborder, que la philosophie relève ou ne relève pas de la psychologie. De façon analogue, les questions des religions constituent pour nous, tout d'abord, une interrogation d'ordre psychologique.

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L'on a fait grief à mes travaux de ce que leur tendance pouvait avoir de « philosophique » (voire «théologique»), insinuant que «j'utilisais» l'aspect philosophique et son pouvoir explicatif, comme mes adversaires certains faits des sciences naturelles. La philosophie, l'histoire, l'histoire des religions, les sciences naturelles ne me servent qu'à la représentation des enchaînements et de la phénoménologie psychiques. Si, d'aventure, j'emploie un concept de Dieu, ou un concept tout aussi métaphysique d’Énergie, c'est que j'y suis bel et bien contraint, car ce sont là des grandeurs qui préexistent dans l'âme depuis le premier commencement. Je ne me lasse pas de répéter que ni la loi morale, ni l'idée de Dieu, ni une quelconque religion ne s'est jamais saisie de l'homme de l'extérieur, tombant en quelque sorte du ciel; l'homme au contraire, depuis l'origine, porte tout cela en lui, et c'est d'ailleurs pourquoi, l'extrayant de lui-même, il le recrée toujours à nouveau. C'est donc une idée parfaitement oiseuse que de penser qu'il suffit de faire la guerre à l'obscurantisme pour dissiper ces fantômes. L'idée de loi morale, l'idée de Dieu font partie de la substance première et inexpugnable de l'âme humaine. C'est pourquoi toute psychologie sincère, qui n'est pas aveuglée par je ne sais quelle superbe d'esprit fort, se doit d'en accepter la discussion. Ni l'ironie mordante, ni les vaines explications ne parviendront à les dissiper. En physique nous pouvons nous passer d'un concept de Dieu; en psychologie, par contre, la notion de la divinité est une grandeur immuable avec laquelle il faut compter.
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"L'homme est ce qu'il mange."
Cette façon de penser prétend réduire la vie de l'esprit à un fonctionnement d'assimilation et de désassimilation dans les cellules cérébrales, assimilation et désassimilation qui sont nécessairement toujours figurées comme des synthèses ou des désintégrations de laboratoire; car comment nous les représenter autrement, comment nous les représenter comme la vie les crée, tant que nous ne connaissons pas et que nous ne pouvons pas suivre en pensée les processus vitaux? Et pourtant c'est ainsi qu'il faudrait pouvoir reconstituer la vie cellulaire, si l'on désire assurer la validité de la conception matérialiste. Mais, ce faisant, on aurait déjà dépassé le matérialisme, puisque la vie apparaîtrait, non comme une fonction de la matière, mais comme un processus existant en soi et auquel force et matière seraient subordonnées.
La vie comme fonction de la matière exigerait generatio aequivoca'. Il faudra sans doute en attendre encore longtemps la preuve. Rien ne nous autorise, si ce n'est l'exclusivisme, l'arbitraire et l'absence de témoignage, à concevoir la vie de façon matérialiste. Nous avons tout aussi peu le droit de réduire la psychologie à un fonctionnement cérébral, sans compter que toute tentative dans ce sens est vouée à l'absurde, comme le montrent toutes celles qui furent déjà entreprises. Le phénomène psychique doit être considéré sous son aspect psychique et non pas comme processus organique et cellulaire. Autant l'on s'emporte contre les « fantômes métaphysiques », dès que quelqu'un s'avise d'expliquer les processus cellulaires de façon vitaliste, autant l'hypothèse physique est accréditée comme scientifique, quoiqu'elle ne soit en rien moins fantastique que la première. Mais elle a l'avantage de cadrer avec le préjugé matérialiste et c'est pourquoi n'importe quelle absurdité est sacrée scientifique, dès qu'elle permet de muter du psychique en physique. Espérons que les temps ne sont plus éloignés où nos hommes de science se débarrasseront de ce restant de matérialisme creux et suranné.

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