Un article rédigé de nombreuses années en arrière pour le blog d'une ami...elle m'avait demandé une synthèse, autant que possible, du contenu du Livre Rouge, exercice périlleux et que le lecteur me pardonne les éventuelles malentendus mais un contenu si singulier ne peut s'entendre que subjectivement...
Livre rouge : contenu
Ayant succinctement parcouru les écrits de l’ouvrage, tu
m’avais demandé durant ta récente convalescence, mon ressenti. Je suis bien
loin d’avoir tout appréhendé et je ne pense pas que j’en ai jamais l’ambition.
Je dois t’avouer qu’un constat pointe : ce livre peut être abordé de deux
façons radicalement différentes.
Comme nous l’avons fait tous les deux au début, se contenter
de l’ouvrir, admirer, laisser venir et parler les forces symboliques des
dessins, de la texture du papier, des lettres gothiques…et se les attribuer. Ou
alors, se plonger dans l’écrit, activer la fonction pensée et tenter de
comprendre la plongée dans l’âme de Jung…qui est alors seul maître à bord.
Use le plus longuement possible de l’esprit de découverte
avant de passer à un approfondissement…j’ai peur que la marche arrière ne soit
pas possible.
Liber primus
Ce qui m’a frappé de prime abord, c’est le fantôme apparent
d’une première version. En effet, Jung avait entamé le travail de mise en forme
de ses cahiers noirs sur un premier ouvrage dont les dimensions ne convenaient
pas…et soigneusement, il a collé chaque page sur la mouture finale, comme un
symbole de ces éternels retours en arrière sur le chemin de l’individuation.
Je n’ai pas pu m’empêcher de voir Carl, regard concentré,
langue sortie, appliqué à faire ses collages (je sais, j’adore les clichés).
La vision prophétique de « la marée
terrifiante », augurant l’arrivée future de la première guerre mondiale
m’a particulièrement touché. J’avais alors le sentiment de découvrir l’âme
élevée de Jung, sensible à une « infection psychique » par
l’inconscient collectif.
Au cours de ma première lecture, le couple mystérieux Elie et Salomé a résonné au fond de moi...m’interpelant, me questionnant et le rôle de Salomé, femme séductrice et aveugle m’intriguait particulièrement. Et pour cause, c’est l’expression de l’anima qui ne peut que résonner en chaque homme. Cette figure mystérieuse bouscule Jung, le pousse à l’expérience du non mental…exercice totalement à contre nature pour lui et qui le force à aller vers sa souffrance.
Liber secundus
Voici l’heure d’Izdubar, colossal et puissant (saisissant
est le mot parfaitement adapté)…mais anéanti par le poison du mental si ancré
chez Jung ; la raison tue le numinosum. Le géant divin est alors réduit à l’état
d’un œuf que Jung garde sur lui, croyant le contrôler. Le contrôler car il ne
peut pas s’en passer, il l’aime ! (Je crois que des enjeux énormes sont
placés dans cet œuf et je creuserai probablement la question dans les prochains
mois)
Même à l’état embryonnaire, sa force submerge Jung qui doit lui redonner vie…mais personne ne peut donner naissance à un Dieu. Carl passera à cette période, comme le raconte, très près de la folie.
Philémon arrive alors, comme pour le sauver.
Jung en parle ainsi : « …la fusion
du sens et du non-sens, qui produit la signification suprême… ». C’est une
image du Soi, du Dieu en lui. Naturellement, Jung va passer par une phase de
fusion très déroutante pour le lecteur où il écrit comme étant représentant de
Dieu…finalement, il va donner « corps » à ce vieux sage, à travers la
réalisation d’un superbe dessin détaillé.
Ce travail va lui permettre de l’objectiver
et donc de s’en différencier.
Salomé réapparait, guérie et souhaitant de nouveau lui
imposait sa présence, Jung refuse, poussé par une peur viscérale….combien j’ai
été troublé de lire Jung, de fonction psychologie dominante « pensée »
tellement effrayé par son anima, porteuse du sentiment (à l’opposé de la
pensée). Ces puissances vitales sont bien capables de ramener un brillant
chercheur à l’état de petit enfant !
Epreuves
Cette partie n’existe pas dans la version originale du Livre
Rouge original mais a été insérée par l’éditeur, ce qui me semble cohérent.
Je retiendrais deux choses : Le fameux Sermon aux morts
où Jung, pour reprendre ses propres mots, « a découvert les couches
pré-personnelles en lui, formant une sorte de prélude à ce qu’il avait à
communiquer au monde sur l’inconscient » et puis cette phrase « Par
l’union avec le soi, nous atteignons le Dieu »…pas Dieu, ni un Dieu mais
LE Dieu.
Si je devais résumer ma perception du Livre rouge, je
parlerai d’un chemin de souffrance et d’amour purifié.
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