La causalité est un principe qui reste pour nous la manière la plus simple de penser un processus qui a un commencement dans le temps et se poursuit, en déroulant des effets. J’aimerai tenter une approche sur la causalité et, par extension, l’hypothèse d’un principe acausale. Dans la synchronicité de Jung, coïncidence avec sens pour faire bref, nous ne sommes plus dans la causalité et les implications et développements apportés par le psychologue mènent vers des considérations extraordinaires…j’aborderais cela plus tard.
Penser qu’il y a une seule cause derrière un phénomène, n’est-ce pas simpliste ? On accorde un sens à la causalité mais n’est-elle pas nécessairement complexe ? Et finalement une causalité complexe ne revient-elle pas à parler d’une manifestation globale ?
Le principe de causalité est rangé au nombre des principes rationnels. Il est en fait inséparable de l’espace et du temps; le vent à 15h31, dans mon bureau, a entraîné la chute d’une feuille. Le principe de causalité est très rassurant et il offre une prise à l’action de l’homme sur le monde. La raison, le mental, a un besoin vital de causalité…d’ailleurs, au passage, c’est la démonstration que le besoin de merveilleux et de magie nourrit un autre part de notre être.
David Hume (voir ici) émit des doutes très sérieux sur l’existence réelle de cette causalité et de la prétention d’en faire un principe rationnel. Personne n’a jamais observé le principe de causalité dans l’expérience. Nous ne percevons que des événements. La conjonction constante de deux événements, ainsi que l’attente anticipée est ce à quoi se résume notre idée de la causalité. Finalement, le principe de causalité est seulement un principe cognitif.
En science, la preuve de ce lien de causalité réside dans le fait que l’apparition d’un événement permet de prédire à l’avance l’apparition de l’autre…et c’est précisément ce prédicat qui va être ruiné par un pan récent des science, la physique quantique. En effet, le principe d’incertitude explique que l’indéterminisme est fondamentale dans la matière et donc, le principe de causalité doit être abandonné. Si le sujet vous interpelle, n’hésitez pas à « googoliser » (comme ça) sur l’intrication quantique, la non-localité, vous serez surpris de constater que cette branche des sciences aboutit à l’idée que l’Univers forme un tout indivisible, qui apporte cohérence à chaque événement se produisant en lui.
Un doute surgit : ne pourrait-on pas mettre en évidence, à un niveau macroscopique, le caractère inadéquat du principe de causalité ? Il me semble que le principe de la synchronicité est un fort pertinent exemple.
En faisant un petit pas de retrait, nous réalisons que le monde réel n’est pas ce que le mental représente. La vision en profondeur est elle-même non-causale. Heidegger disait très joliment « la rose est sans pourquoi ».
Mais alors, sur quoi buttons-nous ? D’où nous vient cette fixation sur l’idée même de causalité ? Est-ce une compulsion de l’ego que de chercher à quadriller le réel avec la causalité ?
Le mental projette constamment la dualité. Une conscience plus élevée est nécessaire. Quelle est-elle ? Une présence est ce qui advient spontanément quand le mental cesse de produire ses constructions et quand il reste en silence. Alors une conscience d’une qualité fondamentalement différente apparaît, car son assise est a-causale et intemporelle. Aucune théorie ne peut décrire l’ultime...seule l'expérimentation fait foi.
Ce que la pensée classique n’a pas compris, c’est à quel point le principe de causalité est lié à une forme de conscience. Le Vedânta indien a plongé depuis des millénaires dans cette perspective qui dépasse le principe de causalité. Plus récemment, les concepts de synchronicité, Unus Mundus, psychoïde maniés par Jung postulent le principe d'une unité globale, hors du champs de la conscience, où finalement causalité et a-causalité ne serait que des "processus" secondaires d'un principe supérieur...
18 commentaires:
C'est un peu monotone ce que je dis en commentaire mais je suis, une fois de plus, en accord avec ce que tu écris. ton blog mérite d'avoir une large audience et je pense que nous pourrions nous contacter. J'ai quelques idées car tu m'as redonné le goût de faire connaître mieux la pensée de Jung alors que j'étais un peu démotivée par la paresse intellectuelle de mes lecteurs. Mon mail est en haut à gauche de mon blog. Amitiés en Jung.
Nous buttons sur l'acceptation qu'il n'y a ni cause ni effet !... Amitié Jean
je suis entièrement d,accord que les réflexions de Jean méritent une plus grande audience,
celà fait du bien de lire une pensée sensible et articulée, éclairée et éclairante tout en ayant paradoxalement les questionnements du chercheur.
Bonjour,
Jean, c’est un sujet intéressant et difficile que tu nous proposes là. Finalement, qu’est-ce qui, chez l’homme en quête de la/sa réalité, ne relève pas d’un principe cognitif ? (si je comprends bien l’expression, car je ne suis pas philosophe de métier)
Phène, peut-être n’y a-t-il, dans l’absolu, ni cause ni effet, mais je me demande qui vit uniquement et totalement dans l’absolu au cours de son existence terrestre? Qui se maintient en permanence dans un état de conscience échappant totalement à l’espace-temps ? Voilà ce que l’on peut se demander. Vivre « ici et maintenant », comme nous invitent à le faire les sages de diverses origines, ne nous conduit-il pas à reconnaître et accepter la non causalité ET la causalité, afin de ne pas refuser, de ne pas laisser de côté, une part de notre réalité, une part de notre incarnation ?
Amezeg ;-)
Après recherche, j’ai appris que le principe cognitif serait un concept psychologique assez précis et non pas un terme de philosophie ;
Ce que je voulais dire est à peu près ceci : toute connaissance est liée à la nature du connaissant (ce qui n’est pas si loin du principe cognitif, peut-être…) Ainsi, toute connaissance humaine est anthropomorphique, le « savoir objectif » ne nous parvient que par la perception consciente que nous en avons et se trouve sans doute soumis à la traduction consciente que nous en faisons...
Amezeg
Bonjour Amezeg,
Tu as raison, le cognitif, de "cognitus" connaissance, savoir, tente l'étude des processus en jeu dans l'homme dans la connaissance et, sa conséquence directe, les jugements "supérieurs" (moraux, éthiques, etc).
Tu soulèves une question qui me taraude depuis longtemps, existe t'il une distinction claire entre le purement subjectif et le "réellement" objectif ?
Je crois que Phène mentionne qu'en acceptant autre chose que le monde sensible, la causalité n'a plus de raison d'être...mais je me questionne aussi sur la possibilité de le vivre dans la quotidienneté.
J'ai entendu une fois Cazenave parlait du préfixe "trans" qui implique l'autre côté mais une fois le côté actuel totalement acquis, vécu, traversé, j'aime l'idée...
Jean
ça pense, ça pense...pensez-y, amis intellectuels ! encore et encore...
Il est sans doute bon que la pensée soit à la mesure de l’expérience faite car la totalité de l’être comprend aussi la pensée, ce que l’on peut parfois perdre de vue. Il est vrai qu’une trop petite expérience de ce qui n’est pas pensée sera étouffée par la moindre pensée, mais si cette expérience est plus large et plus enracinée, elle ne sera sans doute pas menacée par la pensée et ne la craindra pas. Pensée et non-pensée seront alors toutes deux précieuses à la totalité de l’être au sein duquel elles cohabiteront harmonieusement.
Amezeg :-)
Bonjour Amezeg,
Personne ne "se maintient dans un état de conscience", car Celui-là est Conscience pure... Amicalement
Bonjour Phène,
Les mots sont souvent ambigus…Il faut entendre ainsi ma question : « Qui DEMEURE en permanence dans un état de conscience échappant totalement à l’espace-temps ? ou : « Qui SE TROUVE en permanence dans un état de conscience échappant totalement à l’espace-temps ? ou encore : « Qui EST en permanence cet état de conscience échappant totalement à l’espace-temps ?
Quant aux mots, plus ils chatoient, plus ils charment ou séduisent et plus il faut les entendre avec prudence, vous en conviendrez sans doute, car ils peuvent être le reflet d’une réalité vécue ou n’être que l’expression d’une grande habileté à concevoir et à dire qui ne correspondent pas à coup sûr exactement ou entièrement à ce qui est réellement vécu.
Amicalement
Amezeg
Qui doute ?...Amitié
Et qui s’est écrié : « Eli, Eli, lema sabachthani? c'est-à-dire: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? »
Celui qui doute peut-il être aussi celui qui ne doute pas…?
Amezeg
L'Un croit, l'autre doute...
Bonjour Phène,
Faut-il séparer ?
Qui sépare...?
Amezeg
Vos interventions vont terminer en koan ;-)
j'y joue en ce cas...croire ? ou savoir ?
Jean
Bonjour Jean,
Mais,…où est ce Jean… ?
Tu as raison, le koan est aussi un jeu, qui n’est pas un jeu, pour un je qui n’est pas un je… :-))
« Croire ? ou savoir ? » … : L’oiseau peut-il voler avec une seule aile ? ;-)
Amezeg
Tu as raison...la vie est faite de croyances et c'est bien...mais quand je suis au volant, j'ai toujours préférer "éprouver" tout ce qui m'est tendu ;)
Jean
Le même qui relie...Amitié Amezeg
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