dimanche 20 février 2011

Les projections, la "participation mystique"

Le terme de projection est passé dans le langage courant mais il me semble important de clairement le définir, et d'essayer également d'en saisir la portée ...et la limite.

Entendue ce matin à la radio, une jeune chanteuse populaire, Zaz (entendre ici), entonne dans son refrain quelques mots qui peuvent définir la projection.
"C'est con, ce qu'on peut être con
A se cacher de soi même
C'est con, ce qu'on peut être con
Car l'autre n'est que le reflet de ce qu'on se met à couvert"


 
En effet, nous avons vu qu'en construisant notre identité, nous établissons une boussole psychologique (voir les fonctions psychologiques) en privilégiant une fonction et en en délaissant une autre...nous forgeons l'attitude face au monde la plus adaptée...pour un temps seulement (le processus d'individuation va chambouler tout cela mais nous en reparlerons ultérieurement).

Ce schéma intérieur induit deux choses :
  1. la fonction dominante va donner la tonalité perceptive de l'individu. En d'autre terme, une incompréhension fondamentale (mais non définitive bien heureusement) existe avec ceux qui ont une fonction dominante différente. Un type intuitif va arriver dans une forêt, son regard va être porté sur une branche au sol, il va tenter de retrouver l'arbre dont elle vient, deviner l'origine de cette chute. Le type sensation va réaliser combien l'air est frais, l'odeur d'humus forte, la lumière filtrée par les arbres...deux mondes distincts en action.
  2. la fonction inférieure, enfouie en grande partie dans l'inconscient, va donc trouver émergence hors du champ de la conscience...et être à l'origine d'une grande partie de nos projections sur les objets extérieurs.
Entrer dans le détail du processus, complexe, nécessite une connaissance fine des concepts psychologiques, allons droit au but. 
La définition officielle de la projection est la suivante, Laplanche et Pontalis écrivent : 
"c’est une opération par laquelle un sujet expulse de soi et localise dans l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs qu’il méconnaît ou refuse en lui ». Cette opération est inconsciente."
Le principal écueil de ce mécanisme de défense est de déplacer l’attention loin du problème qu’il serait pourtant nécessaire de gérer.

Ce jeu de projection sur autrui entretient un lien de double nature :
  • le lien qui nous unit à l'objet de notre projection provient d'une couche profonde de notre être,
  • ce lien est aussi une réponse au besoin de retrouver l'état fusionnel initiale ou indifférenciation.
Ce besoin de fusion avec l'objet extérieur, Jung a utilisé un terme de Lévy-Bruhl pour le qualifier : 
La participation mystique.
 
L'autre doit fonctionner comme nous. 
De ce besoin d'unité idéale naissent les passions amoureuses, les connivences intimes, les communautés d'idées voire d'idéologies et aussi l'intolérance, le besoin de faire sa vérité celle d'autrui, le prosélytisme, les haines de rejet, etc 
Une médaille à deux faces et finalement, disons le clairement, un filtre parasite, parasitant notre relation à autrui et notre regard introspectif. Il ne s'agit pas de faire le procès d'un processus naturel mais de tenter d'expliquer pourquoi il est vital de le "transgresser" (aller plus loin en le traversant).

Lorsque nous effectuons un travail sincère (donc sans concession et souvent douloureux) sur nous-même, il est un moment où nous allons nous confronter avec la fonction inférieure (tout ce qui nous paraît étranger, désagréable, inadapté en nous). Ce faisant, nous touchons, sans forcément le savoir, notre part d'ombre, la source de très nombreuses projections négatives (ce qui nous est insupportable en nous l'est beaucoup plus facilement, déposé sur les épaules du voisin)...et comme nous l'avons déjà vu, tout ce qui apparaît en conscience est déchargé de force et d'intensité dans l'inconscient.
Les projections s'estompent naturellement, et en progressant vers ce que nous "devons être", nous réattribuons à autrui sa véritable identité, les relations deviennent alors plus authentiques, plus solides.

Pour conclure, citons Jung et von Frantz.
Ramener de l’ordre dans le réseau projectionnel, c’est ramener un peu de santé dans la vie d’un individu. Nous devrions prendre à notre propre compte une bonne part des reproches dont nous accablons autrui puisque les projections sur l’objet ne sont que contenus inconscients du sujet qui parle. Jung
Tout progrès dans la compréhension mutuelle et dans la capacité de s’entendre avec son prochain dépend du retrait des projections ». Et si le vœu de paix ne passait plus par l’injonction souvent entendue : « si tu veux la paix prépare la guerre » qui a longtemps justifié toutes les pulsions agressives individuelles et collectives, mais incitait chacun à faire retour sur soi, combien de malheurs pourraient être évités ? C’est à l’évidence une solution offrant à chaque humain le choix d’exercer sa responsabilité sans incriminer l’extérieur. Ainsi chacun deviendrait acteur de sa vie et non plus jouet impuissant ou justicier vengeur. Marie-Louise Von Franz

3 commentaires:

Phène a dit…

Bonjour Jean,

Devenir "acteur de sa vie", n'est-ce pas fausser la source... de la projection ?... Amitié

Benoit Mouroux a dit…

Bonjour Phene,

Vous soulevez beaucoup de choses en une petite question. La notion de bien, de mal, de sens, de non-sens...on pourrait dire que les projection en soi ne sont que des paroles envoyées, on peut choisir de les écouter ou de les ignorer.

Amitié
Jean

Ariaga a dit…

Il est comme cela Phène ! Amitiés.